Chris Philipps, ex-FC Metz, ex-Legia, s’est engagé ce week-end avec le FC Wiltz. Pas à la surprise générale, mais forcément en contradiction avec son impérieuse envie de rester professionnel. Il nous a raconté ce retour au pays, ses doutes, ses envies, ses rêves… alors qu’il sera papa pour la première fois en décembre.
Vous êtes la première recrue officielle du mercato hivernal. C’est nous ou vous signez soit très tard, soit très tôt ?
Chris Philipps : En août, le club de Wiltz m’a proposé de m’entraîner avec eux, de garder la forme. Je m’entraîne avec eux depuis ce moment-là. Ils ont commencé à évoquer la possibilité que je reste. Et c’est justement ce que je ne voulais pas entendre à un moment donné. Je n’ai jamais joué au pays, donc j’ai écarté cette hypothèse très longtemps, même si le mercato estival pour les joueurs libres, cette année, était très compliqué. Et puis voilà, je vais être papa d’une petite fille en décembre et j’ai voulu prendre ça en compte pour offrir un peu de sécurité à ma famille dans cette situation sanitaire si particulière. Et là, j’avais la possibilité de le faire, même si avoir la possibilité de repartir reste l’option n° 1 que j’ai mise en avant quand j’ai signé mon contrat. Mais ce n’est pas un choix si surprenant finalement : j’avais envie de travailler pour les gens qui m’ont aidé. Maintenant, si vous m’aviez dit que je ferais ça il y a trois mois, je vous aurais dit non. Mais la question, c’est d’apporter de la sécurité à mon entourage et ça, ce n’est pas un choix exceptionnel.
Ne regrettez-vous pas de ne pas avoir signé ce contrat cet été, pour pouvoir être déjà en mesure de jouer ?
C’est vrai que la possibilité s’est présentée, mais je ne voulais pas l’envisager parce que… en fait je ne maîtrise pas les règlements luxembourgeois. J’aurais peut-être pu signer et partir plus tard, mais je ne le savais pas, ça ne fonctionne pas comme ça à l’étranger… Avec le recul, on aurait peut-être dû le faire pour m’ouvrir d’autres portes plus vite.
Au fait, pourquoi cela ne s’est-il pas fait avec Lommel, qui vous a fait une proposition concrète ?
Ouh c’était il y a six mois ça ! Disons que les conditions n’étaient réunies ni d’un côté ni de l’autre. Le sportif et… bon. Tu peux avoir des regrets dans la vie, mais pas là.
Avez-vous eu d’autres options ? À quel point ce mercato était-il terrible pour les joueurs sans contrat ?
Il y a eu des propositions, mais soit elles sont arrivées trop tôt, soit ce n’était pas ce qu’on cherchait. Ce mercato était vraiment très particulier. Les clubs n’arrivaient tout simplement pas à se séparer de leurs joueurs sous contrat. Je me suis retrouvé dans des discussions très avancées et j’en ai pris, des coups derrière la tête ! Quand on te dit « tu es plus intéressant que les joueurs que nous avons au poste, mais malheureusement, on n’a pas de place »…
Plein de gens voient leur profession touchée par le Covid. Les footballeurs aussi
N’avez-vous pas traîné à signer à Wiltz aussi un peu par peur que ce retour au pays soit définitif ?
Ah ! c’est une décision dont on a parlé longtemps. Je voulais attendre le plus possible. Je ne sais pas ce qui m’attend, mais maintenant je suis curieux. C’est un pas que je ne m’attendais pas à faire à cet âge-là. Attention, je ne dis pas que je suis un pauvre gars et que personne n’est là pour m’aider. Je ne pleure pas, j’ai un club, un contrat, mais j’imagine que personne ne m’en voudra de dire que, oui, Wiltz, c’est un peu moins prestigieux que Metz, le Legia Varsovie ou même Lommel. Mais voilà, plein de gens voient leur profession touchée par le Covid. Les footballeurs aussi. Et les choses ne vont pas changer d’ici à l’été prochain, je pense. Il n’y a plus de supporters dans les stades, cela ne va pas améliorer les finances des clubs et les joueurs sous contrat ne vont pas se décider d’un coup à partir sans indemnités. Et moi, je ne voulais pas attendre.
On dit souvent que les anciens professionnels, s’ils ne se mettent pas très fort au travail, sont souvent piégés par la DN. En tant que Luxembourgeois, estimez-vous partir avec un petit avantage ?
Il va falloir que je travaille dur pour être performant, et ce qui est important, c’est que j’ai envie de cette aventure. Je m’y lance avec un petit avantage par rapport aux joueurs professionnels étrangers, oui, parce qu’ici, je connais. J’espère mettre moins de temps à m’adapter. Mais attention, je tiens à dire que je ne suis pas en fin de cycle, même si c’est ce que certains diront. Je sais où je veux aller. Je vais bien travailler ici. C’est une situation win-win. En tout cas, on va essayer de faire en sorte que cela soit ça, parce que Wiltz n’est pas non plus un choix par défaut. Ils ont un très beau projet. Et moi, je vais mettre les ingrédients.
En attendant, vous ne pourrez pas jouer, au mieux, avant janvier.
Ben je suis déjà content de profiter des matches amicaux, mais ils servent à préparer des rencontres officielles dont il est logique que le coach privilégie les futurs titulaires. Quand on fait des oppositions internes, moi, je me retrouve d’office avec les remplaçants. C’est dur quand même : moi, je ne prépare rien. Enfin si, moi. Et je sais déjà que le mois de janvier n’arrivera jamais assez vite.
Cette situation, vous en avez forcément parlé avec Luc Holtz, non ?
Je l’ai informé oui. On ne s’est pas beaucoup parlé au téléphone depuis le mois de septembre, mais je le connais depuis neuf ans qu’on travaille ensemble. Je sais quelle est sa vision des choses : c’est toujours plus intéressant d’avoir un joueur à l’étranger. Donc forcément, revenir au Luxembourg ne va pas me faciliter les choses, mais au moins, il ne m’a pas fermé la porte et c’est important de le souligner. D’ailleurs, il y a encore des joueurs de DN qui sont appelés en sélection. Si je suis à 100 %, je sais que je peux encore avoir ma place et rejouer au football n’aura pas d’effet négatif en tout cas. Le sélectionneur m’a dit qu’il comprenait. Mais il m’a aussi dit qu’il fallait que je retourne à l’étranger si je veux pouvoir me réinstaller durablement en sélection. Ce n’est pas une surprise parce qu’il vous le répète assez souvent en conférence de presse (il rit). Je sais le chemin qu’il faudra prendre.
Et vous y croyez ?
Disons que si l’on regarde deux ans en arrière où j’en étais (NDLR : il venait de signer un doublé Coupe-championnat avec le Legia Varsovie en jouant beaucoup), on comprend à quel point cela va vite en football. Alors je n’ai pas peur de dire que dans deux ans… Non, je ne le dirai pas à voix haute.
Entretien avec Julien Mollereau