Confrontée à la soudaine hausse des contaminations au pays, la foire d’Art contemporain s’est réfugiée dans le tout numérique. Une solution virtuelle qui ne devrait pas dérouter les collectionneurs, mais qui casse sérieusement l’ambiance.
Un dilemme avec lequel a dû jongler, à son tour, Luxembourg Art Week qui, il y a encore deux semaines, était convaincue de pouvoir investir à nouveau la halle Victor-Hugo pour une sixième édition (prévue initialement du 20 au 22 novembre) adaptée, bien sûr, aux exigences sanitaires. «Tout était en place, avec un parcours à sens unique, un système de comptage à l’entrée, limitant l’espace à 300 visiteurs, une billetterie en ligne…», se souvient Alex Reding, son instigateur, le cœur gros.
Mais voilà, il a fallu faire machine arrière devant la soudaine hausse des contaminations au pays. Et quand, fin octobre, la jauge maximum de 100 individus par manifestation a été fixée par le gouvernement, il a fallu oublier les bonnes habitudes : «Faites le calcul : il y a déjà une soixantaine d’exposants invités, plus toute l’équipe qui s’occupe de la foire, précise-t-il. Avec de telles contraintes, on aurait eu le droit à 20 personnes par heure. Le tout sur 4 000 m2…» Oui, ça fait peu, mais heureusement, «le bon sens nous a fait réagir».
Comme «on peut tout faire» avec le virtuel, la halle Victor-Hugo se retrouve avec un plafond remis à neuf. Chaque détail compte…
Bien sûr, LAW avait déjà anticipé une mauvaise nouvelle, et s’était préparée en conséquence, ne serait-ce que par ses affinités internationales l’obligeant à composer avec la situation en vigueur dans les pays voisins. On imagine en effet mal un collectionneur américain ou parisien venir aujourd’hui à Luxembourg avec la même nonchalance. Seulement, elle pousse l’idée un peu plus loin avec une toute nouvelle plateforme numérique, concoctée en étroite collaboration avec les galeristes. Même si, selon Alex Reding, «elle n’est pas encore tout à fait prête», d’ici mercredi, au plus tard, on pourra déambuler en 3D dans les allées de la foire comme si on y était. «Aucune autre n’a réussi à mettre ça en place !», et surtout, en si peu de temps.
En seulement 15 jours, il a fallu en effet enrichir le catalogue en ligne de quelque 1 500 œuvres, tout en cherchant à recréer l’endroit au plus proche de la réalité, et en respectant les demandes des exposants. Mieux, comme «on peut tout faire» avec le virtuel, la halle Victor-Hugo se retrouve avec un plafond remis à neuf. Chaque détail compte… Interactive, la visite digitale permet d’entrer dans les stands, découvrir les artistes et leurs œuvres en détail (dimension, matériaux, prix…).
D’un clic, on découvre au passage que Luxembourg Art Week n’a pas tout révolutionné, restant fidèle à ses principes avec trois sections (une pour les galeries confirmées, une autre pour les émergentes, une dernière, nouvelle, qui met l’accent sur une scène artistique en particulier, en l’occurrence celle de Bruxelles). Ici et là, d’autres conférences et tables rondes sont maintenues, diffusées sur le site et la page YouTube de LAW. Bref, les bases sont là, les sponsors ne boudent pas et le réseau est prêt à fonctionner. Selon son fondateur, cette édition pourrait même dépasser, en termes de succès, le traditionnel «rendez-vous physique».
Un enthousiasme tempéré par certaines galeries, dont Zidoun-Bossuyt, virtuellement présente pour cette édition dématérialisée. Pour sa dirigeante, Audrey Bossuyt, cette orientation, bien que nécessaire pour conserver l’élan positif que LAW connaît depuis cinq ans, oublie la base. «Le rôle et le succès de cette foire, à mes yeux, tiennent au fait qu’elle ait éduqué des gens qui ne savaient pas ce que c’était, soutient-elle. Les curieux viennent, se baladent dans un endroit sympathique, intimiste, entament des discussions avec les galeristes.» Sans interaction, ce tout numérique se tourne avant tout vers les collectionneurs avertis. «Ils savent ce qu’ils veulent, connaissent les noms importants, les prix, les disponibilités…». Les autres, eux, vont vite «s’ennuyer». «Si votre plaisir, c’est de flâner pour découvrir quelque chose, pas sûr que le digital vous convienne.»
Sans ambiance ni échange – «qui est propre au travail de galeriste», ajoute-t-elle –, Luxembourg Art Week n’a, en effet, pas la même saveur. Alex Reding s’en dit désolé. «Ça nous manque cruellement», concède-t-il. Et pour ceux qui aiment le concret, même sans la petite coupe de mousseux de circonstance, ils devront se retourner vers des actions périphériques : le salon du Cercle artistique de Luxembourg, visible au Tramsschapp; le prix LEAP, dévoilé aux Rotondes ce samedi; la sculpture monumentale de Jaume Plensa, installée au rond-point Schuman, sans oublier la coutumière carte blanche accordée au Casino, qui se concrétisera la semaine prochaine dans l’ancienne boutique Karen Millen (33, rue Philippe-II) à travers une exposition bien nommée, «No-Man’s-Land». C’est toujours ça de pris, et en ces temps où les repères sont brouillés, on se contente de peu.
www.luxembourgartweek.lu
Jusqu’au 22 novembre.