Denis Pfeiffer, l’adjoint de Marc Thomé au Victoria Rosport, écarté des terrains depuis début septembre à cause d’un cancer, va retrouver le groupe cette semaine.
Denis Pfeiffer, bientôt 64 ans, fait partie de cette profession injustement considérée comme celle de l’arrière-boutique, celle des entraîneurs adjoints. Sauf que lui est un incontournable du milieu : il est l’ombre très lumineuse de Marc Thomé, qu’il accompagne partout depuis bientôt dix ans, que ce soit sur les bancs de touche qu’ils ont pu connaître (Rumelange, Grevenmacher, Differdange, Jeunesse…) ou dans les stades où ils vont en duo prendre des informations sur leurs futurs adversaires. Alors forcément, quand Denis s’est fait diagnostiquer un cancer de l’intestin et qu’il a fallu mettre le football (vaguement) de côté, le choc a été brutal. Mais Denis s’est battu et bientôt, dans quelques jours théoriquement, on pourra dire qu’il est revenu.
Comment vous portez-vous ?
(Avec une voix joyeuse) Bien ! J’ai une cicatrice de 12 à 15 centimètres sur le ventre et tout n’est pas réglé, loin de là. J’ai commencé ma chimio lundi, cela a duré deux jours, je suis rentré à la maison avec ma petite bouteille puis j’y suis repassé en fin de semaine et je suis tranquille pour deux semaines maintenant.
Cela veut-il dire que vous tenez le bon bout ?
En fait, à un moment, j’avais toujours mal au ventre. Mon médecin a commencé à me donner des médicaments contre la constipation, mais au bout de deux ou trois semaines, je souffrais toujours, je vomissais et j’ai fini par lui dire que ça n’allait pas, qu’il fallait peut-être faire autre chose. On a fait une coloscopie, une endoscopie. C’est là qu’ils ont découvert une tumeur cancéreuse. Un choc. Elle n’avait a priori pas commencé à s’étendre mais quand ils ont voulu l’enlever, ils se sont rendu compte qu’il y avait de petites ramifications. Ils ne l’ont donc pas ôtée puisqu’ils savaient que ça ne servait à rien : ce n’est pas guérissable. Mais on peut le freiner. Il faut juste voir quelle chimio fonctionne le mieux. Il y a deux options, on en explore une là, maintenant et si ça ne marche pas, je tenterai l’autre. Mais voilà, il n’y a que deux cartouches dans le révolver. Seulement il faut y croire, sinon, c’est perdu. Mais j’ai le moral, il faut se battre ! Un voisin de mon père vit avec son cancer depuis 20 ans, alors…
J’étais descendu de 80 à 67 kilos, je crois que Marc ne voulait pas me voir comme ça
Et le football, dans ces conditions…
Eh bien, je fais mon retour au club cette semaine ! Mercredi ou jeudi. En tout cas si ça continue de se passer aussi bien qu’à l’heure actuelle. C’est parfait, il y a une pause de trois semaines avec un premier amical prévu contre le F91 le 14 novembre, ça m’arrange bien. Mais pendant toutes ces semaines – je suis entré à l’hôpital avant la victoire contre le RFCU (NDLR: 0-3, le 19 septembre) – j’ai été en contact permanent avec Marc (Thomé). Tous les jours. Il m’expliquait ce qu’il faisait à l’entraînement, il m’expédiait les vidéos de nos matches pour que je les analyse…
Cela n’a-t-il pas été trop dur, pour lui ?
Lui et moi, cela fait neuf ans qu’on est ensemble. On est comme des frères. Chez lui, je suis un peu chez moi. Oui, il a eu du mal à digérer mais depuis qu’il a entendu que je vais bien, il va mieux. Marc, c’est quelqu’un de très affectueux et de très émotionnel. Il n’a pas voulu me voir pendant ces semaines et je le comprends. J’étais descendu de 80 à 67 kilos, il ne voulait pas me voir comme ça je pense. Je suis depuis remonté à 75 et c’est parfait : je me sens très bien comme ça et je vais essayer de m’arrêter là.
Qu’avez-vous pensé du Victoria pendant votre absence, puisque c’est un fait qu’ils ont eu plus de mal depuis que vous n’êtes plus là ?
J’ai vu qu’il y avait un travail très cohérent de fait même si les résultats… c’était un peu plus dur… On prenait plus de buts bêtes ces derniers temps, surtout contre Pétange (2-0), un match qui m’a bien énervé quand je l’ai vu en vidéo parce qu’on avait 60% de possession, mais on leur rendait en n’étant pas assez précis dans les transitions, avec des passes dans le vide ou à l’adversaire.
Le football vous a-t-il beaucoup aidé ?
Le président (NDLR : Jean-Paul Kolbusch) m’appelait toutes les semaines pour prendre de mes nouvelles, me demander comment j’allais, pour transmettre des informations au comité. Moi, je lui ai dit que j’allais me battre. Et voilà, je suis de retour et je crois que les joueurs ne seront pas si contents que ça quand je les ferai ch… à les faire courir. Les joueurs aussi, m’ont beaucoup soutenu. Il y a une sacrée affection qui naît entre les hommes dès qu’on est depuis un petit bout de temps dans un club. C’est normal, on veut essayer de tout optimiser, donc on passe énormément de temps à s’intéresser à la vie les uns des autres, à se connaître intimement. Oui, ils m’ont manqué…
La chimio que vous subissez actuellement ne va-t-elle pas vous mettre un peu plus en danger en cette période de Covid ?
Non. De toute façon, on porte nos masques, on se nettoie bien les mains, on nettoie bien le matériel et je faisais déjà très attention avant. Je disais même aux gars du staff de se tenir à une distance respectable des joueurs quand ils leur parlaient et surtout de conserver leurs masques. C’est important pour la santé !
Entretien avec Julien Mollereau