Antoine Clasen, le directeur général de Bernard-Massard, et Patrick Berg, le directeur des Domaines Vinsmoselle, font le point sur la situation des producteurs de vin face au Covid-19.
Quelles seraient les conséquences d’un deuxième confinement chez les producteurs de vin? Antoine Clasen, le directeur général de Bernard-Massard, et Patrick Berg, le directeur des Domaines Vinsmoselle, répondent sans langue de bois.
Cette fois, le virus est partout
«Lors de la première vague, nous n’avions eu aucun cas dans l’entreprise. Cette fois, nous avons été touchés plusieurs fois», reconnaît Patrick Berg, le directeur de Vinsmoselle, confirmant l’impression que la circulation du virus au sein de la population est encore plus active qu’au printemps. «Entre les personnes positives au Covid et les cas contacts en quarantaine, il y a tellement de congés maladie : je n’ai jamais vu ça», ajoute Antoine Clasen, le directeur général de Bernard-Massard.
Comme dans toutes les entreprises, la présence du coronavirus est vécue comme une épée de Damoclès particulièrement anxiogène. «Certains vins de la nouvelle récolte sont terminés mais la plupart sont encore en train de fermenter, relève Antoine Clasen. Si les vinificateurs tombaient malades, nous aurions un problème…» Ce qui est vrai pour la production l’est aussi pour les autres départements, relève Patrick Berg : «Ne plus avoir de chauffeurs pour effectuer nos livraisons serait également une catastrophe!»
Les mesures sanitaires en application depuis la première vague sont donc renforcées : «Nous avons resserré les boulons, confirme le directeur de Vinsmoselle. La température des employés est prise tous les matins, les différentes équipes ne prennent pas de pauses ensemble…».
Chez Bernard-Massard, c’est le même discours. «Nous nous organisons pour que nos différentes équipes n’aient pas de contacts entre elles et le masque et la distanciation sociale ne sont pas négociables.» Mais toutes ces précautions n’empêchent pas d’être touché… «C’est tellement frustrant…, glisse Antoine Clasen. On commence à se relever du premier confinement, le mois de septembre est bon et là, on repart pour être bloqués une deuxième fois alors que l’on n’a jamais relâché nos efforts…»
Depuis octobre, ça se complique
L’été avait été beau et le moral était remonté. «En juin, juillet, août et septembre, l’évolution des ventes était positive, la situation s’était presque normalisée, assure Patrick Berg. Il a fait beau, les gens ont fait des barbecues chez eux, les restaurants qui avaient des terrasses ont bien travaillé : tout le monde respirait mieux même si cela n’a pas été suffisant pour effacer les pertes du premier confinement.»
Mais depuis le début du mois d’octobre, les producteurs se sont rendu compte que la situation économique se dégradait à nouveau. Avant même que le gouvernement ne prenne les nouvelles mesures (couvre-feu, limitation des regroupements…). «Ce mois d’octobre est vraiment très mauvais, avance Antoine Clasen. Les ventes sont à un niveau très bas, y compris dans les supermarchés.»
Patrick Berg approuve : «Octobre est la copie du mois de mars pour les ventes. Les consommateurs se replient sur l’essentiel et le vin n’en fait visiblement pas partie en ce moment. Nous sommes allés enquêter dans des magasins pour voir ce qui se passait et les rayons sont déserts, il n’y a plus de clients…»
Les commandes des restaurateurs ont également diminué ces dernières semaines. «C’est logique, reprend le directeur de Vinsmoselle. Les terrasses ont fermé avec le mauvais temps et le couvre-feu à 23 h – alors que les Luxembourgeois prennent souvent la voiture pour aller au restaurant – n’incite pas à sortir… Sans compter qu’on ne peut plus être plus de quatre à table.»
L’inquiétude est grande car, comme le rappelle Antoine Clasen, «dans notre secteur, les mois d’octobre, novembre et décembre représentent environ 40 % de notre chiffre d’affaires annuel».
Leur situation économique
Les deux plus gros faiseurs du pays assurent ne pas risquer la banqueroute, mais les temps sont durs. «J’ai encore l’espoir que l’on terminera l’année à l’équilibre, mais il ne faudrait pas que les derniers mois soient absolument catastrophiques non plus, souffle Antoine Clasen. On peut couper certaines dépenses, retarder des investissements mais de nombreux coûts fixes sont incompressibles… Heureusement, nous avons les reins solides et nous pourrons surmonter la crise. La pérennité de Bernard-Massard est assurée.»
Du côté de Stadtbredimus, Patrick Berg reconnaît que le bilan de l’année sera compliqué, quoi @@qu’il arrive. «Notre avantage, c’est d’avoir d’autres acquis que le vin, précise-t-il. Nous avons un patrimoine immobilier qui nous permet de ne pas payer de loyers. Et puis, en dernier recours, on pourrait vendre… Je ne veux pas trop y penser parce que cela ferait très mal, mais c’est une possibilité qui existe… Les vignerons qui ont pris un prêt hypothécaire pour payer leur cave sont dans une situation encore pire que la nôtre…»
L’Horeca, des clients en danger
La restauration tient une part prépondérante dans le chiffre d’affaires de Bernard-Massard et de Vinsmoselle. Et les deux maisons se font beaucoup de souci pour les bars et les restaurants. «Je crains énormément de casse…, anticipe Antoine Clasen. Si un deuxième confinement arrive, je ne vois pas comment on pourrait échapper à une vague de faillites dans le secteur.»
Patrick Berg tient le même discours : «Avec une nouvelle fermeture, il est certain que nous souffrirons beaucoup mais la restauration aura encore plus de mal, assure-t-il. Beaucoup d’entreprises vont très mal et elles seront nombreuses à déposer le bilan… Ceux qui sont propriétaires de leurs murs auront davantage de chance de s’en sortir mais au prix où sont les loyers, je ne vois pas comment ceux qui en payent pourront se débrouiller.»
Pour Antoine Clasen, l’État devra tenir l’Horeca à bout de bras pour éviter la multiplication des faillites. «Le chômage partiel ne suffira pas, il faudra parler des loyers, des charges patronales… Comment la restauration pourrait s’en sortir avec tant de frais fixes et si peu de recettes?»
Erwan Nonet
Pit Pundel en mode survivaliste
On se souvient que le domaine Pundel Vins Purs avait réussi à se faire joliment remarquer lors du premier confinement. Non seulement il avait proposé des cartons de dégustation originaux en collaboration avec des producteurs locaux (vins/fromages, vins/gourmandises sucrées et salées), mais il avait aussi osé la carte de l’humour avec une vidéo franchement hilarante publiée sur les réseaux sociaux dans le cadre d’une campagne initiée par Vins et Crémants Luxembourg. Son employée, Kristin, lui envoyait au visage tout ce dont a besoin la vigne pour produire du crémant : eau, terre, fumier… rien ne lui était épargné!
Pit Pundel n’a pas l’intention de se laisser abattre par cette deuxième vague qui risque bien de tous nous laisser à la maison d’ici peu. Depuis jeudi, il propose une nouvelle offre : le Survival Kit. À l’intérieur du carton (95 euros), on trouve un crémant Cuvée Spéciale, deux rieslings Elterberg, deux pinot gris Elterberg mais aussi un pot de confiture Miseler Hausmaacher Reloaded, deux morceaux de fromage Berdorfer (Roude Bouf et Paprika), une terrine de gibier et huit petites saucisses produites par Eeschler Wiseneeër.
Mais, évidemment, ce n’est pas tout. Si tout cela semble bien bon, l’offre prend une tout autre dimension avec la présence d’un masque siglé Pundel Vins Purs (dont on n’a pas fini d’avoir l’usage), mais aussi… d’un rouleau de papier toilette, en prévision des ruées vers les rayons dédiés en grandes surfaces!
Pour commander un carton, il suffit d’entrer en contact avec le domaine via Facebook (Pundel Vins Purs), par courriel (info@pundel-vinspurs.lu) ou par téléphone (76 00 59).
E. N.