Au programme, copieux, du festival du Film italien de Villerupt, jusqu’au 8 novembre, 56 films. Chaque jour, Le Quotidien vous en conseille un. Ce lundi : « Détenu en attente de jugement » (1971) de Nanni Loy.
L’HISTOIRE. Giuseppe Di Noi est un géomètre professionnellement apprécié, installé depuis de nombreuses années en Suède, où il a épousé Ingrid, avec qui il a deux enfants. Giuseppe veut profiter de trois semaines de vacances pour faire découvrir à sa famille son pays natal, qu’il n’a plus revu depuis qu’il a émigré. Quand un policier, à la frontière italienne, lui demande de le suivre, il ressort menotté des bureaux de la douane sans aucune explication et est conduit en prison. Commence alors un vrai chemin de croix…
Au début des années 1970, Alberto Sordi, superstar de la comédie italienne, qui excelle particulièrement dans la comédie de mœurs, fait un retour au drame, genre qu’il n’a que rarement côtoyé dans sa carrière et dont sa dernière incursion remontait à plus de dix ans (I magliari de Francesco Rosi, 1959). Le réalisateur Nanni Loy, lui aussi plutôt habitué au registre comique (avec, à plusieurs reprises, Sordi comme vedette), prend le virage avec lui pour Détenu en attente de jugement , ou le cauchemar sans fin d’un Italien expatrié de retour dans son pays.
Récit kafkaïen (on pense évidemment au Procès) porté tout entier par la performance exceptionnelle d’Alberto Sordi (qui lui vaut un David di Donatello et, surtout, l’Ours d’or du meilleur acteur à Berlin), Détenu en attente de jugement vaut beaucoup pour son écriture et la description de la réalité abjecte du système carcéral italien. Le scénario est cosigné par Emilio Sanna, auteur d’une très sérieuse enquête sur le milieu pénitentiaire et réalisateur, en 1969, d’un documentaire qui marquait la première fois qu’une prison italienne autorisait une caméra à filmer son intérieur.
Nanni Loy réalise une œuvre à charge contre une justice aveugle et muette, qui refuse pendant le premier tiers du film de dévoiler la raison pour laquelle le protagoniste est incarcéré. Il ne faut pas oublier qu’en toile de fond rôde le fantôme des «années de plomb», qui n’ont pas encore totalement changé la face de l’Italie mais qui l’ont déjà suffisamment affectée. Le nom du personnage, Di Noi (comme «l’un de nous»), renvoie par ailleurs à cette dramatique réalité très vive dans le nord du pays et particulièrement à Milan, le décor du film.
Détenu en attente de jugement est une chronique des conséquences de la paranoïa qui touchait alors les forces de l’ordre, exacerbant leur position d’autorité face au citoyen lambda. C’est un portrait sombre de l’Italie vue à travers les yeux d’un émigré qui ne reconnaît plus son pays. C’est un film toujours d’actualité, tristement, 50 ans après.
Valentin Maniglia
Au Paradiso, à 15h