Le patrimoine architectural est en danger tant qu’une règle claire ne le protège pas automatiquement d’une démolition qui doit rester l’exception. Ainsi l’ont expliqué les pétitionnaires.
Les vieilles photos noir et blanc du boulevard Royal ne sont pas les seules à illustrer la perte irrémédiable du patrimoine architectural national. Dans les villages, les anciens corps de ferme, derniers témoins du passé rural du Luxembourg, disparaissent pour laisser la place à des logements collectifs ou à des rangées de maisons unifamiliales. Le patrimoine disparaît peu à peu faute d’avoir pu être légalement protégé et des rues entières perdent l’harmonie qui en faisait leur valeur architecturale mais aussi historique.
La pétition 1638 (5 280 signatures) lançait un appel urgent à arrêter le massacre en prenant des mesures immédiates. Le projet de loi sur la protection du patrimoine est actuellement examiné en commission de la Culture, mais le temps presse. Le gouvernement qui se donne dix ans pour réaliser un vaste inventaire, localité par localité, ne répond pas au souci des pétitionnaires qui dénoncent l’impuissance de l’État à empêcher, pendant ce temps-là, une «perte irrémédiable du patrimoine architectural luxembourgeois».
Comme mesure immédiate, les pétitionnaires proposent de placer sous protection automatique toutes les constructions d’avant 1955. Cette règle générale ne signifie pas que leur démolition sera de facto interdite, mais l’immeuble en question devra faire l’objet d’une expertise par le service des Sites et Monuments avant tout progrès en cause.
Comme l’observait l’un des auteurs de la pétition, Peter Kleijnenburg, le service en question intervient trop souvent quand il est trop tard. Ce «pompier de service», comme il le nomme, ne parvient plus à maîtriser le sinistre, les autorisations sont accordées et la démolition a commencé.
Mercredi, à la Chambre, les députés ont tous penché du même côté, celui de la sauvegarde du patrimoine. C’est sur la mesure immédiate et automatique que ça coince. Protéger d’office toutes les constructions d’avant 1955 est une règle qui fonctionne peut-être dans d’autres pays comme en Autriche ou en Italie, mais pas au Luxembourg. Le Conseil d’État avait eu l’occasion d’aviser un précédent projet qui fixait cette date à 1912 et avait émis une opposition formelle justifiée par la difficulté de prouver légalement la date de construction de certains vieux édifices.
Des garde-fous prévus
La ministre de la Culture, Sam Tanson, estime qu’il est vain de retenter le coup, mais a néanmoins évoqué d’autres garde-fous. «Nous avons un filet de sécurité en ce sens où toute maison protégée par la commune nécessite un avis des Sites et Monuments avant d’effectuer des travaux», déclare la ministre. Ensuite, pour tout nouveau PAG, le même institut culturel peut être appelé pour réaliser un inventaire.
Karin Waringo, coauteur de la pétition, conçoit que la loi actuellement à l’étude participera à sauvegarder le patrimoine dans le futur, mais regrette que la mesure automatique pour laquelle plaident tous les défenseurs des vieilles pierres ne puisse être adoptée immédiatement pour sauver ce qui peut encore l’être. Et elle ne saisit pas trop bien pourquoi d’autres pays parviennent à fixer des dates limites et pas le Luxembourg. «La protection du bâti ancien devrait être la règle, sa démolition l’exception», dit Karin Waringo.
Geneviève Montaigu