Le ministre Franz Fayot a eu du mal à expliquer, mardi devant les députés, la baisse en chiffres absolus du budget consacré à la coopération. En fin de compte, 403 millions d’euros doivent être débloqués en 2021.
« Le financement de l’aide au développement reste un enjeu crucial si nous comptons réaliser les objectifs que nous nous sommes fixés pour 2030. En cette période de pandémie, il devient de plus en plus compliqué de mobiliser les ressources nécessaires. La pression budgétaire est énorme », constate Franz Fayot, le ministre de la Coopération et de l’Action humanitaire, lors de sa toute première déclaration sur la politique de coopération au développement du Luxembourg.
Il livre des chiffres qui font froid dans le dos. En raison de la pandémie du coronavirus, plus de 150 millions de personnes risquent de tomber dans la pauvreté extrême. Le Programme alimentaire mondial (PAM) estime que 138 millions de gens auront en 2021 (+38 millions par rapport à cette année) besoin d’une aide alimentaire.
« Malheureusement, ce sont une nouvelle fois les plus démunis qui souffrent le plus de la pandémie », note le ministre. Il ne tarde pas à détailler « la rapide réaction de la Coopération luxembourgeoise » face au Covid-19. Une enveloppe de 65,8 millions d’euros a été débloquée pour des projets socioéconomiques, dont la plupart sont situés en Afrique. La Croix-Rouge internationale s’est vu attribuer 2 millions d’euros, le Fonds central d’intervention d’urgence de l’ONU a été alimenté avec 5 millions d’euros, l’Alliance globale du vaccin (Gavi) est soutenue avec 5 millions d’euros sur les cinq prochaines années et la contribution du Luxembourg à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a été augmentée de 7,15 millions d’euros.
L’exercice comptable ne passe pas
Sur le terrain plus national, les ONG luxembourgeoises engagées dans les pays en voie de développement ont bénéficié d’une enveloppe de 7,3 millions d’euros. Les sept pays cibles de la coopération grand-ducale (Burkina Faso, Cap-Vert, Laos, Mali, Nicaragua, Niger et Sénégal) ont touché entre 2 et 3 millions d’euros en soutien de leurs programmes de lutte contre le Covid-19.
« Le Luxembourg reste dans son rôle de leader en matière d’aide au développement », se félicite Franz Fayot. L’objectif de consacrer 1% du revenu national brut (RNB) à la politique de coopération a été confirmé, mardi. Or la nette baisse du RNB en cette année de crise sanitaire fait que l’enveloppe budgétaire allouée à l’aide publique au développement (APD) a chuté de 432,8 millions d’euros, inscrits dans le budget de l’État, à 391 millions d’euros. En 2019, le budget consacré à l’APD était encore de 420 millions d’euros. « Nous avons tout mis en œuvre pour ne pas couper les budgets des ONG. Il en va de même pour les fonds alloués aux agences multilatérales », tient à préciser le ministre.
Franz Fayot met en perspective une enveloppe de 403 millions d’euros pour l’APD en 2021. « Contrairement à ce qui a pu être avancé, il ne s’agit en rien d’une réduction de l’aide au développement. Il s’agit même d’une augmentation du budget de 12 millions d’euros », argumente-t-il. Cet exercice de comptabilité n’a pas eu le don de convaincre le camp de l’opposition. Même le LSAP du ministre Fayot s’est vu obligé de faire voter une motion invitant le gouvernement de continuer à respecter son engagement d’allouer 1% du RNB à l’APD. « Les montants alloués doivent également rester élevés en chiffres absolus », martèle Sven Clement (Parti pirate). « Le budget alloué à la coopération ne doit certainement pas être coupé. Il s’agit d’un élément essentiel de la politique de coopération mais aussi de la politique extérieure, migratoire et climatique », complète Paul Galles (CSV). Déi Lénk, emmenée par Marc Baum et David Wagner, était la première formation politique à fustiger la baisse absolue du budget de l’APD. L’ADR estime que le Luxembourg « a l’obligation morale d’aider les plus démunis ». Mais le modèle de coopération serait à revoir, note le néo-député Fred Keup, qui plaide pour ramener le budget à 0,7% du RNB, objectif minimal fixé par la communauté internationale.
David Marques