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Malgré la fermetures des bars, les Parisiens continuent de trinquer


"Il y a des chamboulements toutes les semaines. On ne sait jamais comment réagir", déplorent les professionnels du secteur des bars et restaurants. (photo AFP)

C’est un peu « ouvre et démerde-toi comme tu peux », témoigne, lassé, Thierry Senaud, gérant d’une brasserie à Paris. Une semaine après l’annonce de la fermeture des bars dans la capitale, les Parisiens continuent de trinquer profitant du flou des mesures.

À la veille de la prise de parole d’Emmanuel Macron qui pourrait, mercredi soir, annoncer un nouveau tour de vis sanitaire, la grande confusion demeure. Paris et sa petite couronne sont passés en « zone d’alerte maximale » le 5 octobre, avec à la clef un arrêté qui prévoit la fermeture des établissements qui ont « pour activité principale la vente de boissons alcoolisées ». Mais la préfecture de police de Paris précise sur son site internet que les autres établissements restant ouverts « peuvent servir des boissons en dehors des repas ».

Les bars sans place assise ni cuisine ont donc fermé totalement, après avoir dû fermer à 22 h la semaine précédente. Mais la plus grande partie des brasseries et restaurants sont restés ouverts, même s’ils servent souvent plus de boissons que des repas. « L’idée (du gouvernement), c’est de fermer les bars de nuit », des lieux où la contamination du virus est plus rapide, explique Franck Delvau, président Paris Île-de-France de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH).

Du 5 au 9 octobre, la préfecture a verbalisé 103 établissements à Paris et fait fermer dix bars. « Quelque chose ne va pas » quand ce week-end encore à Paris et en petite couronne, 95 des 500 contrôles effectués par les forces de l’ordre ont donné lieu à des « constatations d’infractions dans les bars et les restaurants », a jugé lundi le Premier ministre Jean Castex.

La profession dénonce elle un grand flou. Comme Nasser Safer, responsable du bistrot Renaissance, près de la Porte Saint-Denis, qui assure avoir au départ refusé de servir à boire – café ou alcool – sans repas, avant de s’autoriser au bout de quelques jours à servir uniquement à boire. « Je n’avais pas compris », raconte-t-il. Désormais, « oui pour un verre (le soir). Mais j’évite les groupes de jeunes, ça attire les contrôles », ajoute-t-il.

« Sons de cloche différents »

« On discute entre collègues, mais on a tous des sons de cloche différents », déplore Thierry Senaud, 52 ans, gérant du Parvis, dans le IVe arrondissement. « Même les syndicats n’étaient au courant de rien. On n’a jamais eu d’exemples concrets, de directives simples sur ce qu’on doit mettre en place », critique-t-il. Certains pensent même qu’ils n’ont plus le droit de servir seulement à boire après 22h. Dans le doute, ils imposent un repas pour accompagner un verre alcoolisé. C’est le cas de Hugues Rabbia, 47 ans, l’un des responsables du bar-restaurant Paris Beaubourg, qui demande de consommer « un plat par personne (…) et pas seulement une assiette de frites considérée seulement comme un accompagnement ».

À quelques mètres de là, Jean Selva, 58 ans, gérant de l’Alchimiste, en demande moins : « Une assiette de frites, une crêpe sont des plats, ça suffit pour commander de l’alcool à côté », juge-t-il. Franck Delvau regrette cette confusion : juste après le 5 octobre, « des policiers disaient qu’on n’avait pas le droit de servir un café (…) Rien n’était clair dans les annonces du gouvernement et dans l’arrêté de la préfecture ». Aujourd’hui, de ce qu’il comprend, les établissements pouvant rester ouverts « doivent pouvoir justifier d’une cuisine et d’une carte de restaurant ». Ils doivent également espacer leurs tables, prendre les coordonnées de leurs clients et proposer du gel hydroalcoolique sur toutes les tables.

Reste que les nouvelles restrictions envisagées, dont un éventuel couvre-feu qui conduirait à une fermeture des établissements le soir, alimentent la vive inquiétude de la profession qui n’ose plus se projeter. « Il y a des chamboulements toutes les semaines. On ne sait jamais comment réagir : doit-on fermer, ouvrir, acheter des produits, les stocker? », s’interroge Mostafa Boulguiz, 31 ans, cogérant de Marguerite Charlie, café-restaurant à Saint-Denis.

Il compte ouvrir sa cuisine le soir, en plus d’un service à midi, mais préfère repousser ce projet. « C’est trop risqué. Si on achète des stocks de nourriture pour ouvrir les soirs et qu’on doit finalement fermer, on perdra tout ».

AFP/LQ