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Crise : «des barrières inimaginables», dénoncent les étudiants luxembourgeois


Sven Bettendorf, le président de l'Association des cercles d'étudiants luxembourgeois (ACEL) , lors de la table ronde du week-end à Belval (Photo : Tania Feller).

La crise sanitaire constitue une menace pour la libre circulation, un des acquis majeurs de l’UE et des accords de Schengen. Les étudiants sont particulièrement touchés par les restrictions aux frontières.

«Comment un pays fondateur de l’UE peut-il autant piétiner les acquis européens ?», s’insurge Sven Bettendorf, le président de l’Association des cercles d’étudiants luxembourgeois (ACEL), en ciblant l’Allemagne. Notre voisin d’outre-Moselle s’est fait remarquer tout au long de la crise sanitaire par la fermeture de ses frontières, suivie par de fortes restrictions pour pouvoir circuler sur le territoire allemand. «Le Covid-19 est venu remettre en question des choses que l’on croyait être des acquis. Désormais, on est confronté à des barrières qui étaient inimaginables», poursuit Sven Bettendorf.

Samedi, l’ACEL avait invité à sa Journée politique en remplacement de sa traditionnelle Réunion européenne des étudiants luxembourgeois (REEL). Ce rendez-vous annuel regroupant quelque 120 étudiants inscrits dans des universités à travers l’Europe entière est une des nombreuses manifestations victimes du coronavirus. Au lieu de s’être retrouvé à Munich, ville hôte de la REEL 2020, les membres de l’ACEL se sont donné rendez-vous à l’université de Belval. Le sujet de débat est cependant resté inchangé : «On s’était accordés dès le mois de décembre sur le fait de débattre de l’avenir de Schengen, 35 ans après la signature du traité. Le principe de la libre circulation a déjà affiché des failles antérieures à la pandémie en cours.»

Le bilatéral comme solution première

Avec Viviane Reding, Charles Goerens et Nicolas Schmit, le choix des invités est tombé sur des Européens convaincus. «L’objectif du débat est non pas de s’invectiver, mais d’évoquer ensemble des solutions. Cela ne pourra pas se faire du jour au lendemain, mais c’est le bon moment de lancer la discussion», introduit Sven Bettendorf. Mesures sanitaires obligent, seuls une petite cinquantaine d’étudiants étaient autorisés à suivre le débat dans le grand auditoire de la Maison du savoir à Belval. Les autres pouvaient suivre en ligne les échanges avec l’ancienne vice-présidente de la Commission européenne, l’eurodéputé libéral et l’actuel commissaire luxembourgeois.

 

Viviane Reding (Photo : Tania Feller).

Viviane Reding (Photo : Tania Feller).

La mobilité des étudiants luxembourgeois n’est plus à prouver. Également présent samedi, le ministre de l’Enseignement supérieur, Claude Meisch, a rappelé que l’État a versé lors de l’année académique écoulée 18 500 bourses d’études, dont 56 % pour des étudiants inscrits dans une université ou haute école des trois pays voisins du Grand-Duché et 23 % dans une université d’un autre pays de l’UE ou d’un pays tiers, les Pays-Bas et le Royaume-Uni arrivant en tête. Sur les 32 millions d’euros de bourses de mobilité, 30 millions ont été versés à des étudiants résidant au Luxembourg. «Schengen ne doit pas être sacrifié sur l’autel du Covid-19», souligne le ministre Claude Meisch, renvoyant également vers le besoin d’attirer de la «matière grise» depuis l’étranger au Luxembourg.

Nicolas Schmit (Photo : Tania Feller).

Nicolas Schmit (Photo : Tania Feller).

Nicolas Schmit rejoint son ancien collègue ministre en soulignant que «la liberté de circulation des étudiants est un des acquis majeurs de l’UE». «Mais elle ne peut pas être totale», ajoute le commissaire européen en réagissant aux contraintes auxquelles des étudiants luxembourgeois sont déjà confrontés depuis plusieurs années. Il existe ainsi des discriminations concernant les dispenses accordées pour le versement de la redevance audiovisuelle en Allemagne et en Autriche. Des accusations de fraude fiscale ont même été émises par les autorités allemandes en raison de la non-immatriculation par les étudiants de leur voiture en Allemagne.
«Ce genre de problèmes se résout souvent sur le plan bilatéral», avance Charles Goerens. «Je me rappelle un différend sur l’accès des étudiants en médecine aux universités en Autriche. Le problème a pu être résolu lors d’un dîner avec les ministres concernés», raconte Viviane Reding.

Charles Goerens (Photo : Tania Feller).

Charles Goerens (Photo : Tania Feller).

Les restrictions aux frontières imposées par l’Allemagne, la Belgique ou encore la Suisse sont d’une autre catégorie. «Il faut agir au niveau de la Grande Région pour que les élus locaux remontent les informations à leurs capitales», avance Charles Goerens. Car le danger serait majeur pour l’avenir de Schengen. «Les principes de l’accord ont bien été respectés jusqu’à ce que cette crise inattendue nous tombe dessus. Les pays sont retombés dans leurs vieux réflexes, avec le retour de vieux ressentiments que l’on pensait disparus», fait remarquer Viviane Reding.

David Marques