La croissance rapide des SUV dans le parc automobile est « incompatible » avec le respect des engagements français de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et le gouvernement doit prendre des mesures, notamment fiscales, pour réorienter le marché, estime mardi le WWF.
Avec une multiplication par sept – de 5 % des ventes de voitures neuves en 2008 à 38 % en 2019 – ces véhicules plus lourds et gourmands sont devenus « la deuxième source de hausse des émissions de GES énergétiques en France de 2008 à 2018, juste derrière le secteur aérien », pointe l’ONG environnementale dans un rapport dénonçant « l’impact écrasant des SUV sur le climat ». La voiture individuelle représente 16 % des émissions françaises. Or les SUV émettent « en moyenne 20 % de GES de plus que le reste des voitures » et « les 4,3 millions vendus en France en une décennie ont une empreinte carbone équivalente à 25 millions de citadines électriques », selon l’ONG.
Conséquence, les dispositifs type malus écologique « ne parviennent plus à réduire les émissions du parc automobile » et après une baisse continue de 2009 à 2016, les émissions de CO2 moyennes homologuées des véhicules neufs ne diminuent plus. En cause, selon l’ONG, la dimension croissante des véhicules, dont le poids moyen a augmenté de 14 % en 10 ans et la puissance moyenne de 21 % (véhicules essence).
Une évolution « incompatible avec la réalisation des objectifs climatiques dont s’est dotée la France à l’horizon 2030 », selon le WWF, qui prévient que « sans un recul des ventes de SUV assorti d’une politique de report modal et de sobriété, la France ne respectera pas l’accord de Paris » sur la lutte contre le réchauffement climatique.
L’ONG modélise plusieurs scénarios. La poursuite de la tendance actuelle verrait les SUV représenter les deux tiers des ventes en 2030, avec un doublement des émissions liées. Mais même l’électrification progressive du reste du parc ne permettrait pas à elle seule d’atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas carbone, feuille de route officielle de réduction des émissions.
Fausse bonne solution
Une limitation des SUV liée à une électrification permettrait d’atteindre ces objectifs, selon le WWF. Ajoutée à une « politique de sobriété » (développement des mobilités alternatives et des transports en commun), cette modification du parc permettrait de « diviser par deux les émissions d’ici 2030 ». L’ONG qualifie par ailleurs l’éventuel développement des SUV électriques de « fausse bonne solution », car leur empreinte carbone est « sur l’ensemble du cycle vie, de 34 % plus importante que celle des citadines électriques ».
« On voit clairement qu’on va dans le mur. Nous mettons ces scénarios sur la table pour que le gouvernement prenne ses responsabilités, » explique Pierre Cannet, directeur du plaidoyer de WWF-France.
Une analyse contestée par le Comité des constructeurs français, dont le porte-parole François Roudier souligne la demande des clients pour le SUV, qui a notamment conquis la place des monospaces. Et réfute un « prétendu alourdissement » des véhicules, arguant par exemple que le 3008 Peugeot version SUV est plus léger que son prédécesseur carrossé monospace.
Pour le WWF, la fiscalité automobile doit être réformée pour prendre en compte le poids des véhicules, comme l’a notamment recommandé la Convention citoyenne pour le climat, ce que le gouvernement a écarté du budget. Et les aides aux constructeurs devraient être fléchées vers des voitures « plus légères et moins dommageables pour le climat ».
« Il faut du courage, de l’ambition et de l’organisation », estime Pierre Cannet. « C’est une question systémique, l’enjeu est de réorienter le marché. Le plan de relance c’est maintenant, ce n’est pas en 2025 qu’on va rembobiner ».
AFP/LQ