Les restes humains récemment trouvés dans des locaux de l’Université de Strasbourg, prélevés sur des victimes juives gazées en 1943 au camp de concentration nazi du Struthof, seront inhumés en septembre, a-t-on appris mardi auprès du grand rabbin de Strasbourg René Gutman.
La date de cette inhumation n’a pas été encore arrêtée précisément, mais pourrait être fixée au dimanche 6 septembre, à l’occasion de la journée consacrée à la mémoire des victimes déportées, a précisé M. Gutman qui souhaite une inhumation « dans les délais les plus rapprochés », conformément à la tradition juive.
La cérémonie aura lieu au cimetière israélite de Strasbourg-Cronenbourg, où sont enterrées les dépouilles de 86 juifs assassinés dans la chambre à gaz du Struthof (camp situé en Alsace), sur ordre du médecin anatomiste nazi August Hirt.
Ce dernier, alors rattaché à l’Université allemande de Strasbourg, voulait constituer une « collection de squelettes ». L’histoire de ces 86 victimes était connue depuis longtemps: la majeure partie de leurs restes, en grande partie découpés, avait été retrouvée par les Alliés peu après la libération de Strasbourg en 1944, et rapidement inhumée.
Samedi, la municipalité de Strasbourg et l’Université ont cependant créé la surprise en annonçant que d’autres restes humains remontant à cette époque avaient été retrouvés le 9 juillet dernier, dans un bocal et des éprouvettes conservés à l’institut de médecine légale de Strasbourg. Cette annonce a suscité stupeur et indignation au sein de la communauté médicale et scientifique.
La nièce d’une des 86 victimes assassinées s’est toutefois déclarée « heureuse » de cette découverte, qui selon elle tord le cou aux « mauvaises volontés » et au « négationnisme ». « Même si ce ne sont que des restes, le problème pour tous les survivants – pas seulement pour nous les juifs – est de pouvoir se recueillir sur une tombe, c’est important », a réagi Marion Gamain, 64 ans, dont l’oncle Frank Sachnowitz, l’un des « 86 », a été assassiné en 1943 âgé de 17 ans.
L’Université de Strasbourg et l’institut de médecine légale n’ont pas exclu que des analyses ADN à des fins d’identification puissent être pratiquées sur certains des restes humains récemment découverts, en l’occurrence des morceaux de peau. « Pour le moment aucune analyse n’est prévue. Je n’ai pas l’autorisation et aucune demande n’a été faite » en ce sens, a cependant précisé le directeur de l’institut médico-légal, Jean-Sébastien Raul.
L’exploitation scientifique de ces fragments pourrait cependant s’avérer difficile, estime Frédérique Neau-Dufour, directrice du Centre européen du résistant déporté, installé au Struthof. Conservés dans du formol, les échantillons pourraient en effet avoir été altérés par le temps.
Mme Neau-Dufour, qui rappelle les « conditions épouvantables » dans lesquelles « les 86 » ont été tués, réclame la création d’un groupe de travail pour « mener des vérifications » dans les archives universitaires, afin de révéler d’éventuelles autres pièces d’intérêt scientifique. « L’heure est venue de vérifier tout cela. Cette découverte est un vrai tournant à cet égard », a-t-elle ajouté.
AFP