Déjà condamné en 1994 pour des faits similaires, un quinquagénaire comparaît depuis mercredi devant le tribunal correctionnel. Cette fois, le parquet lui reproche d’avoir abusé de la petite-fille de sa nouvelle femme…
Il lui avait procuré un Samsung Galaxy A6+, il projetait aussi de lui acheter un cheval… Mais cette idée n’a jamais été concrétisée. Car depuis le 26 février 2019, le quinquagénaire dort à Schrassig. «Quelle aurait été la prochaine étape? Qu’aurait-elle dû faire pour vous?», s’intéresse le président qui vient de passer en revue la longue liste d’attentats à la pudeur qu’on lui reproche. On parle d’attouchements sur une adolescente âgée de 12 ans. Certains agissements auraient eu lieu au domicile en l’absence de sa femme, mais la plupart du temps c’était sur la banquette arrière de sa Citroën Berlingo sur des parkings à Bertrange ou en pleine forêt entre Kopstal et Mamer. Et cela à de multiples reprises. Jusqu’à trois à quatre fois par jour.
Avec ce cheval, il ne s’attendait à «rien» de plus, répondra le prévenu de 59 ans au tribunal.
Condamné en 1994, réhabilité en 2008
«On peut en douter.» Jetant un œil dans le dossier, le président constate : «Ce n’est pas votre première affaire. En 1994, le tribunal de Diekirch vous a condamné à sept ans de prison (dont quatre avec sursis).»
À l’époque, il était jugé pour abus sexuels sur la fille de sa femme, de l’âge de ses six ans jusqu’à ses 13/14 ans. Aujourd’hui, c’est pour des attouchements sur la petite-fille de sa nouvelle femme qu’il se retrouve à la barre. «Comment est-ce possible de faire de la prison et de recommencer exactement avec le même schéma?», tente de comprendre le président, surpris d’ailleurs que sa condamnation ne figure plus dans son casier judiciaire. Car il a demandé une réhabilitation et il l’a obtenue en 2008…
Les faits sur lesquels planche depuis mercredi après-midi la 12e chambre correctionnelle remontent à la période comprise entre août 2018 et début 2019. Les faits, le quinquagénaire a fini par les reconnaître. Mais pas un mot concernant ses regrets pour la victime. «Je ne comprends pas comment j’ai pu faire ça», lâchera-t-il laconiquement face aux juges.
– «On va alors demander au psychiatre. Il a constaté que vous êtes pédophile…»
Plus de 2 000 SMS échangés
C’est début janvier 2019 que la section protection de la jeunesse de la police judiciaire avait été saisie de l’enquête. À part le quinquagénaire et l’adolescente, personne n’était censé connaître l’existence du fameux Samsung Galaxy. À l’époque, elle était bien contente de ce cadeau, ses parents d’accueil lui interdisant en effet d’emporter le sien à l’école. C’était également un moyen pour lui de la contacter discrètement. Mais le contenu de certains échanges avait fini par remonter jusqu’aux oreilles d’une des amies de l’adolescente. Les parents d’accueil de cette dernière, informés à leur tour, avaient fini par découvrir le portable qu’elle gardait en cachette durant la semaine dans son casier à l’école.
C’était la fin de sa relation avec son beau-grand-père. Les enquêteurs avaient fait parler le portable. Plus de 2 000 messages avaient été échangés. Seuls 89 SMS avaient toutefois pu être récupérés.
«Tu es mon amour. Tes lèvres me manquent»
Mais le contenu des SMS réceptionnés en disait long : «Tu es un amour. Tes yeux me manquent, tes lèvres me manquent, ton sourire me manque.» Elle avait pris soin de ne pas sauvegarder son numéro sous son vrai prénom, mais sous celui de «Jean». Lors de l’audition, l’adolescente avait confié que la plupart des attouchements avaient eu lieu lorsque son beau-grand-père la conduisait au centre équestre.
L’enquête avait également révélé que c’est sans doute grâce au portable qu’elle avait gardé le silence. Par peur de perdre l’appareil qu’elle pouvait utiliser à l’école, comme ses copines. Ce qui laisse penser que le projet de l’achat d’un cheval aurait pu être un autre moyen de pression… Le matériel informatique du quinquagénaire avait aussi été passé au crible. Les enquêteurs y avaient découvert autour de 70 images à caractère pédopornographique. Vingt photos représentaient sa petite-fille.
Enfin, les housses de fauteuil de la banquette arrière de la Citroën Berlingo avaient été analysées. L’expert en identification génétique a confirmé hier que tant les traces ADN du quinquagénaire que celles de l’adolescente y avaient été retrouvées.
Le tribunal a aussi entendu la femme du prévenu. Ils se sont rencontrés en 1996. Elle affirme avoir été au courant de son passé. Elle se souvient aussi d’avoir surpris, un jour en revenant des courses, son mari embrasser sa petite-fille sur la bouche. Sur quoi elle l’aurait giflé. Mais cela s’était arrêté là.
«J’espère que tu auras la réclusion à vie»
«Je n’avais pas de preuve. Et lui contestait tout. Sinon je l’aurais tout de suite mis à la porte», ajoutera la quinquagénaire. Elle dit ne pas avoir lu le jugement de 1994, mais avoir obtenu un rapport d’un thérapeute précisant qu’il ne ferait plus jamais ça. «Sinon je ne me serais pas mariée avec lui», précisera-t-elle. En se relevant de la chaise où elle avait préféré s’asseoir pour témoigner et avant de quitter la salle d’audience en pleurant, elle jettera un dernier regard vers son mari sur le banc des prévenus : «J’espère que tu auras la réclusion à vie.»
Visiblement, après sa première condamnation en 1994, le quinquagénaire n’a suivi qu’une thérapie pour régler son problème de drogue. De traitement en relation avec les abus sexuels, il n’y en a pas eu.
«La pédophilie, on ne peut la soigner. Le diagnostic restera. Mais par un traitement, on peut éviter un passage à l’acte», retient l’expert psychiatre entendu mercredi en fin d’audience. Le spécialiste considère l’aveu du prévenu comme un progrès. Son pronostic reste toutefois réservé. «L’alcool et le stress restent deux facteurs dangereux.» Et de conclure : «Ni sa pédophilie ni son abus d’alcool n’ont altéré ou aboli son discernement. Il est pleinement accessible à une sanction pénale.»
Suite du procès ce jeudi matin.
Fabienne Armborst