Le CSV fustige le manque de précision et d’ambition de la réforme phare du ministre Henri Kox. L’objectif de créer, avec les communes, plus de logements à un prix abordable au Luxembourg serait voué à l’échec.
Les chiffres de l’Observatoire de l’habitat sont incontestables. Entre le 4e trimestre 2013 et le 1er trimestre 2020, les prix de vente d’un appartement de 100 m2 ont augmenté de 63,7 % à Luxembourg, 63,8 % à Hesperange et 56,8 % à Esch-sur-Alzette. Le loyer pour un studio de 50 m2 a, lui, augmenté de 65,9 % sur le plan national. Pour la fraction parlementaire du CSV, cette flambée des prix ne constitue pas seulement «la plus grave crise sociale» à laquelle est exposé le Luxembourg, mais témoigne aussi d’une politique du logement ratée du gouvernement. Depuis son arrivée au pouvoir fin 2013, la coalition tricolore, formée par le DP, le LSAP et déi gréng, «n’a pratiquement rien entrepris» pour inverser la tendance. «Le peu de mesures engagées ont eu pour effet d’accélérer encore la flambée des prix», fustige Martine Hansen. La cheffe de file du CSV à la Chambre renvoie notamment vers la hausse de 3 à 17 % de la TVA sur les résidences secondaires. «La décision s’est immédiatement répercutée sur les loyers. De 2017 à 2019, une hausse de plus de 50 % a été enregistrée», illustre Martine Hansen.
Mercredi matin, le plus grand parti d’opposition est monté à nouveau au front pour dénoncer l’échec retentissant du gouvernement, qui en 7 ans de temps aurait mené une politique du logement «ratée». Le Pacte logement 2.0, présenté en juillet, est censé constituer la base pour renforcer l’offre en logements à prix abordable. «Le Pacte logement 2.0 sera le levier qui contribuera à changer de cap en matière de logement», avait annoncé le ministre du Logement, Henri Kox, tout en soulignant que «les communes sont les partenaires privilégiés de l’État pour créer cette offre nécessaire de logements abordables».
«On est confrontés à un diktat»
Le CSV ne partage en rien l’optimisme dégagé par le ministre. «Il s’agit d’une coquille vide. Les objectifs définis sont ambitieux, mais le pacte ne contient aucune indication sur le chemin à emprunter pour y parvenir», note Martine Hansen. Le député-maire de Hesperange, Marc Lies, enfonce le clou : «Dans sa globalité, le Pacte logement 2.0 constitue un pas en arrière. Au lieu de soutenir les communes, cet instrument va travailler contre les communes. On est confrontés à un diktat qui ne permettra en rien la création de plus de logements abordables.»
Un soutien financier de l’État revu à la baisse, l’absence de définition d’un seuil qui définit le caractère «abordable» du logement et la focalisation sur la location constituent les principaux points de critique du parti d’opposition. L’unique point positif du Pacte logement 2.0 serait l’obligation de réserver 30 % au logement abordable lors de toute extension du périmètre de construction. Le taux de 10 % fixé lors de la construction de lotissements à l’intérieur du périmètre existant est cependant insuffisant aux yeux de Marc Lies, qui plaide pour un quota minimal de 15 %.
En ce qui concerne le seuil à fixer pour définir un logement à prix abordable, le CSV évoque une limitation du loyer à 10 euros par mètre carré, mais uniquement dans le cadre de sa proposition d’introduire un instrument alliant location et acquisition. «Au bout de 5 ou de 10 années, le ménage en question pourrait devenir propriétaire de son logement», avance le député-maire.
La lourdeur administrative tout comme les mesures de protection de l’environnement, qui empêcheraient d’accélérer les projets de construction, sont d’autres points d’attaque du CSV. «Dès qu’une haie, un oiseau ou une chauve-souris est repéré dans la zone constructible, on est freinés net. C’est insupportable», dénonce Marc Lies, qui ne cache pas sa «colère». Le gouvernement préférerait également temporiser en ce qui concerne l’introduction d’une taxe sur la spéculation. «Le néolibéralisme défendu par le DP empêche une telle taxe. La politique environnementale de déi gréng bloque toute extension de périmètre. Et on se demande tous où est passé le LSAP», résume Marc Lies.
Pour Martine Hansen, la conclusion est claire : «Le gouvernement reste fidèle à lui-même. Il refuse de descendre de son trône pour engager ne fût-ce que le début d’un débat sur les propositions émanant de l’opposition.» La cheffe de la fraction chrétienne-sociale s’attend à ce que le Premier ministre, Xavier Bettel, prenne enfin les choses en main : «On l’attendra au tournant lors de sa déclaration sur l’état de la Nation.» Le rendez-vous est fixé au 13 octobre.
David Marques
Hausse des prix limitée à 2 % : Hansen «plutôt sceptique»
La CSJ, l’aile jeunes du CSV, propose d’imposer par voie légale une hausse maximale des prix de l’immobilier à 2 % par an. Interrogée mercredi sur l’initiative des jeunes chrétiens-sociaux, Martine Hansen s’est montrée hésitante. «Je salue le fait que la CSJ ait engagé une réflexion sur la thématique. Il faut être ouvert à toutes les solutions. Il nous faut encore mener une discussion interne avant de trancher», note la cheffe de fraction du CSV à la Chambre. Une fin de non-recevoir est toutefois proche. Martine Hansen se dit en effet «plutôt sceptique» quant au fait que son parti s’accorde sur une limitation légale de la hausse des prix de l’immobilier.