Accueil | Sport national | [Ligue des champions] Gerson Rodrigues «insaisissable» et «doué»

[Ligue des champions] Gerson Rodrigues «insaisissable» et «doué»


Gerson Rodrigues est à 90 minutes du très grand monde. (Photo : DR)

Gerson Rodrigues peut, ce mardi soir, se qualifier avec le Dynamo Kiev pour les poules. Ça tombe bien : ceux qui, au pays, l’ont côtoyé jeune auraient juré qu’il était programmé pour les sommets.

Gerson Rodrigues sera-t-il, le 20 octobre prochain, le premier Luxembourgeois à participer à la Ligue des champions ? Ce mardi soir, à 22 h 45, sauf à considérer qu’il y aura des prolongations dans son duel contre La Gantoise, on saura. Après un succès 1-2 dans les installations du club belge, Mircea Lucescu et ses hommes sont plutôt très bien partis pour rejoindre le Real Madrid, Liverpool, le Bayern Munich et autres Juventus Turin au tirage du 1er octobre, étant entendu que les Ukrainiens débarqueraient dans le pot 3. C’est donc un petit moment historique qui pend au nez du pays, car à l’échelle d’une nation de 600 000 habitants qui n’avait encore qu’un professionnel il y a une dizaine d’années, expédier un représentant dans la plus prestigieuse des compétitions de clubs de la planète, relève d’un certain début de reconnaissance. Et elle ne serait pas une simple illusion d’optique, puisque l’ancien ailier du Swift, du RFCU ou du Fola fait aujourd’hui partie des garçons ménagés par son coach avant ce genre de grand rendez-vous, façon joueur décisif.

Nous sommes ainsi allés à la rencontre de trois hommes qui ont connu Gerson Rodrigues il n’y a pas si longtemps, au moment où l’adolescent se construisait autant (voire plus) en dehors des terrains que dessus pour qu’ils nous racontent celui qu’il était de 17 à 21 ans.

José Gonçalves, son président à Kayl/Tétange
«Je ne sais pas s’il n’aurait pas arrêté le foot»

«Quand j’ai entendu parler de lui, il ne jouait plus vraiment au foot depuis deux ans à cause de différents soucis, mais mon coach de l’époque, Pedro Resende, qui m’a convaincu d’aller le chercher. Il en avait entendu parler et on est allés le chercher à Hesperange, qui ne voulait pas le laisser partir mais qui a dit oui parce qu’on était en PH.
J’ai quand même demandé au coach « tu crois qu’on fait bien d’aller chercher un gars qui n’a plus joué depuis deux ans ? ». Il m’a répondu « fais-moi confiance ». Et à l’entraînement, techniquement, j’ai tout de suite vu. Par contre, il fallait rester derrière lui, car c’était un peu un cas. Ça, c’était notre rôle, notamment à ma femme et à moi. Elle et moi, on a beaucoup travaillé sur lui, psychologiquement. Les jeunes sont comme ça. La discipline, ils ne comprennent pas. C’est quand même une fierté d’être allé chercher un gars comme lui, qui était au 36e dessous, de l’avoir relancé et de le voir maintenant à la télé. Je ne sais pas s’il n’aurait pas arrêté si on ne l’avait pas pris. J’avais essayé de lui faire passer son permis aussi (NDLR : Gonçalves dirige une auto-école) mais il lui manquait toujours quelque chose pour ne pas le passer.
Par contre, je lui ai déjà demandé plusieurs fois un maillot et il me dit toujours oui, mais ne me le donne jamais. Vous pourriez lui en demander un ? Cela fait deux ans que je l’attends, c’est pour mon petit-fils.»

Serge Wolf, son entraîneur au Swift
«C’était un peu comme mon fils, finalement»

«Il devait avoir 16 ou 17 ans quand je l’ai eu. Il venait de partir de Metz quand j’ai repris le Swift en PH et je l’avais à l’œil parce que c’était une vraie pépite. Il était bourré de qualités, jouait beaucoup à l’instinct, dans la percussion, la créativité. Il était toujours surprenant sur un terrain, un vrai régal, d’autant que même s’il avait des progrès à faire en matière de replacement, il ne rechignait jamais à l’effort.
Après, dans sa vie, tout n’a pas toujours été rose. À l’époque, il était au centre spécialisé de Dreiborn. Il y avait un bus spécifique, rien que pour lui, qui l’amenait à l’entraînement et le ramenait. J’avais son éducateur presque tous les jours au téléphone, c’était un peu comme mon fils finalement. On s’est beaucoup occupé de lui. Il avait toujours le sourire, il croquait la vie à pleines dents à une époque où il avait besoin de se construire. Je ne suis pas surpris qu’il ait embrassé une carrière pro et vu ses qualités individuelles, il peut encore aller plus loin. Que voulez-vous, il est doué et il est insaisissable, surtout pour ceux qui le regardent de l’extérieur. Moi, je m’y suis attaché à ce garçon et je pense qu’il garde un bon souvenir de son passage avec moi.»

Jonathan Hennetier, son coéquipier au RFCU
«Il avait chanté I Believe I Can Fly»

«J’ai encore parlé avec lui le mois dernier. Il était passé voir ses anciens coéquipiers du RFCU et il n’a pas changé. C’est un garçon que je n’ai jamais vu faire la gueule et qui était toujours là pour les gens. Même si c’est moi, de temps en temps, qui devais aller le chercher parce qu’il n’avait pas le permis. Il habitait en ville. Il parlait beaucoup de femmes (il rit) et aussi de football, mais je ne sais pas s’il regardait beaucoup d’autres matches.
Au RFCU, il a accumulé les amendes pour ses retards. C’était un peu comme Kevin Lacroix. Je me rappelle aussi le jour où il a chanté pour son arrivée au club. Disons qu’il n’était pas timide, mais qu’il ne voulait pas trop et finalement il s’est lâché et on a bien rigolé. Il avait chanté I Believe I Can Fly. Et puis bon, footballistiquement… Je me suis souvent retrouvé face à lui à l’entraînement, même si en match, avec le Racing, il a joué un peu partout : ailier gauche bien sûr, mais aussi arrière gauche, arrière droit et même n° 8. Mais qu’est-ce que c’était dur ! Il est technique, il est puissant, il sait protéger un ballon… C’est très dur. En fait, c’est ce qu’on appelle un gars chiant.»

Julien Mollereau