Le dialogue est rompu entre les salariés encadrants, les travailleurs handicapés et la direction de la Fondation Kräizbierg.
Une nouvelle étape a été franchie dans le conflit qui oppose les salariés encadrants et travailleurs handicapés à la direction de la fondation et des Ateliers Kräizbierg. Ils étaient plusieurs dizaines de salariés à manifester sur le site de la fondation à Dudelange, jeudi, sous les fenêtres de la salle où se trouvaient en réunion les membres du conseil d’administration de la Fondation Kräizbierg et de la société coopérative «Ateliers Kräizbierg». Une délégation composée de Pit Bach, secrétaire central Santé, Services sociaux et éducatifs de l’OGBL, d’une représentante du personnel encadrant et d’un représentant des travailleurs handicapés a été reçue par le conseil d’administration.
L’entrevue a duré une heure. «On ne peut pas dire que l’ambiance était conviviale, raconte Pit Bach. C’était dur de voir et d’entendre un conseil d’administration remettre en question des choses qui sont connues et qui ont été prouvées.»
Un audit externe annoncé
Depuis deux ans et l’arrivée de la nouvelle direction à la tête de la Fondation et des Ateliers Kräizbierg, une partie du personnel encadrant et des travailleurs handicapés fustigent le changement de philosophie, à savoir qu’aujourd’hui «la seule chose qui compte pour la direction, c’est la productivité des ateliers alors que l’objectif de la fondation est en théorie de favoriser l’autonomie des handicapés, nous confiait le samedi 13 septembre Joël Delvaux, le représentant du département des Travailleurs handicapés de l’OGBL. Et il y a des faits de traitements inhumains, de harcèlement moral, de dénigrement du salarié devant ses collègues, de pressions constantes… Plusieurs plaintes sont déjà passées au stade juridique et certains salariés ont pris le conseil d’un avocat.» Dans notre édition de lundi dernier, un travailleur handicapé des Ateliers Kräizbierg nous décrivait, sous couvert d’anonymat, «un climat pesant» et une institution devenue «un endroit d’angoisses».
À l’issue de sa réunion de jeudi, les membres du conseil d’administration réaffirment, via un communiqué, «leur attachement au dialogue social et leur volonté de trouver rapidement des solutions aux problèmes internes portés à leur connaissance. Les conseils d’administration regrettent le refus de la délégation syndicale de l’offre d’un recours à une médiation externe proposée par le Kräizbierg aux collaborateurs des deux entités juridiques. Cette médiation avait comme objectif de faciliter le règlement de conflits à l’intérieur de la Fondation et des ateliers, notamment entre les membres du personnel et des membres de la direction.»
«Depuis l’arrivée de la nouvelle direction, nous avons essayé de dialoguer avec elle, répond Pit Bach. Ensuite, il y a six mois, nous avons confronté les membres du conseil d’administration avec différents éléments. En juin, nous leur avons transmis un document (NDLR : de 400 pages) relatant tous les faits connus. Et puis, il y a eu un silence de trois mois des membres du conseil d’administration. Et aujourd’hui, ils fuient leurs responsabilités en ne prenant pas de décision. Ce n’est plus le temps de l’analyse et de la discussion, mais le temps de décider.»
Par ailleurs, les conseils d’administration de la Fondation Kräizbierg et de la société coopérative Ateliers Kräizbierg (société d’impact sociétal, SIS) confirment dans leur communiqué «la décision de faire réaliser de préférence jusqu’à fin octobre 2020 une évaluation par un expert externe avec le but d’analyser objectivement la situation actuelle et de faire des propositions aux conseils d’administration. Sur la base de cette analyse externe, les conseils d’administration prendront à court terme les décisions qui s’imposeront». «Ce n’est plus le temps de l’analyse, répète le secrétaire central Santé, Services sociaux et éducatifs de l’OGBL. Cet audit ne va que confirmer ce que nous disons depuis plusieurs mois. Cela va faire perdre du temps à des gens qui viennent tous les jours travailler la peur au ventre.»
Les conseils d’administration des deux entités ont également annoncé que «pour la durée de l’audit et dans un souci d’apaiser la situation conflictuelle entre une partie du personnel et certains membres de la direction, le directeur administratif et financier a été désigné de manière intérimaire interlocuteur des collaborateurs des ateliers pour les affaires de gestion courante. Il se concertera le cas échéant avec les présidents des deux entités juridiques. S’agissant des intérêts des salariés et usagers handicapés, ils pourront s’adresser pendant la même période aux deux médecins faisant partie du conseil d’administration.»
De nouvelles actions dans les prochains jours
Une décision qui ne satisfait pas. «Oui, le directeur administratif et financier était auparavant moins en contact avec les salariés que les autres membres de la direction, reconnaît Pit Bach. Mais il fait partie de la direction. Et c’est en l’ensemble de la direction et dans sa manière de fonctionner, sa méthode… que les salariés n’ont plus confiance.»
Et le résultat de ces annonces de la part des conseils d’administration de la Fondation Kräizbierg et des Ateliers Kräizbierg n’a pas convaincu. «Les gens sont très déçus, affirme Pit Bach. Et ils sont prêts et motivés à aller plus loin. Et aussi de plus en plus nombreux. Chaque jour, nous recevons des appels de nouvelles personnes qui se manifestent pour nous faire part de leur histoire avec la direction. Pour tous, il est temps que cette situation cesse.» En conséquence, de nouvelles actions des salariés encadrants et des travailleurs handicapés de la Fondation et des Ateliers Kräizbierg devraient avoir lieu dans les prochains jours.
Guillaume Chassaing
La Fondation Kräizbierg en bref
La Fondation Kräizbierg, ce sont des logements adaptés, des ateliers, un service de formation, un centre d’accueil de jour… à destination des handicapés à travers tout le pays. Comme il est indiqué sur son site internet, la philosophie de la Fondation Kräizbierg s’articule autour du «droit à l’épanouissement». «Une personne handicapée doit être pleinement intégrée dans la vie quotidienne et participer au fonctionnement de notre société au même titre que les personnes plus valides, est-il explicité. Il faut aider ces personnes à atteindre une certaine autonomie.» La Fondation Kräizbierg «fournit à la personne handicapée les moyens de cette ambition. Pour cela, elle gère des structures complémentaires dont le rôle est d’abord de former, puis de donner un métier à des personnes handicapées. Par ailleurs, elle offre des structures d’hébergement adaptées.» Aujourd’hui, la Fondation Kräizbierg compte environ 370 salariés, dont une centaine de travailleurs handicapés au sein de la société coopérative Ateliers Kräizbierg (une société d’impact sociétal, SIS).