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Face au coronavirus, le « chacun pour soi » des Etats australiens


Un manifestant contre la fermeture interne des frontières à Melbourne (Photo : AFP).

Voilà des mois que certaines frontières entre Etats australiens sont fermées pour lutter contre le coronavirus, ce qui génère des drames familiaux qui alimentent le contentieux entre les autorités fédérales et locales.

Il y a ces enfants qui ne peuvent rendre visite à leur père malade d’un cancer, cette fille coincée en quarantaine non loin du lieu où son papa doit être incinéré…

Certains médias font leurs choux gras de situations poignantes dues aux fermetures de frontières, en ciblant les Etats australiens entravant la liberté de circulation. Le Premier ministre conservateur Scott Morrison a lui-même mis son grain de sel lors d’une intervention à la radio où on l’a entendu des sanglots dans la voix.

L’Australie est née au début du siècle dernier de la fédération de six Etats et territoires britanniques autonomes.

La rivalité entre eux a perduré, généralement au travers du sport ou de moqueries bon enfant. Mais l’épidémie semble avoir renforcé les régionalismes.

Des situations personnelles douloureuses

La plupart des frontières intérieures ont fermé dès mars -quand le Covid-19 a fait son apparition sur l’immense île-continent- et le pays s’émeut de situations personnelles parfois douloureuses.

Récemment, la famille de Mark Keans, qui devait payer une énorme facture d’hôtel pour sa quarantaine, a reçu plus de 200.000 dollars australiens (123.000 euros) de dons à partir du moment où les médias ont fait connaître son calvaire.

M. Keans est atteint d’un cancer en phase terminale, et ses proches avaient auparavant été informés que seul un de ses quatre enfants serait autorisé à entrer au Queensland (nord-est) pour lui rendre visite.

Cet Etat interdit actuellement presque toutes les entrées en provenance de Nouvelle-Galles du Sud, citant un risque de propagation du Covid-19.

« Comment choisit-on celui des enfants qui aura le droit d’aller voir leur père pour la dernière fois », demandait sur les ondes de la chaîne publique ABC Tamara Langborne, la soeur de M. Keans.

La tension est telle que le chef des services de santé du Queensland a demandé une protection policière en raison de menaces de mort.

Pourtant, nombre de dirigeants d’Etats qui ont fermé leurs frontières ont vu leur popularité grimper en flèche.

C’est le cas du Premier ministre d’Australie-occidentale Mark McGowan (centre-gauche) qui s’en est pris aux « buveurs de Pinot gris » de Sydney qui lui demandaient d’ouvrir son Etat.

L’Australie-occidentale, a-t-il promis, demeurera « une île dans l’île ».

Un journal local le soutenant a même lancé l’idée du « Westralia Day », une « fête nationale d’Australie-occidentale », et le mot-dièse #WAexit a fait son apparition sur les réseaux sociaux, en écho au Brexit.

Récupération politique

Elu au Parlement local, le travailliste Patrick Gorman a appelé dans le journal The Australian, à ne pas prendre ces appels à la légère.

« La dangereuse idée de sécession revoit le jour à Perth et dans notre Etat », a-t-il observé. « Ceux de la côte Est de l’Australie sous-estiment considérablement les risques qui existent pour la fédération. »

M. Morrison a même dit s’être inquiété du risque que « l’Australie éclate ».

Alors qu’il avait longtemps cherché à rester au-dessus de la mêlée, il vient de prendre position sur un autre cas particulier, celui de Sarah Caisip.

Cette habitante de Canberra a été contrainte d’observer une quarantaine alors qu’elle était entrée au Queensland pour se rendre au chevet de son père décédé.

M. Morrison a personnellement plaidé auprès de la Première ministre du Queensland Annastacia Palaszczuk, lors d’une interview à la radio, pour que Mme Caisip puisse assister aux obsèques.

« Je l’ai appelée à revenir sur la décision pour permettre à Sarah de se rendre aux funérailles », a déclaré à la radio 2GB, en retenant un sanglot, M. Morrison qui a perdu son père il y a peu.

« Il ne s’agit pas de frontières, il ne s’agit pas de la fédération, il ne s’agit pas des hommes politiques, il ne s’agit pas des élections. »

La tirade n’a pas convaincu les adversaires du Premier ministre qui crient au contraire à la récupération politique.

Ils en veulent pour preuve le fait que le gouvernement conservateur s’en prenne aux Etats gérés par les travaillistes.

Mme Palaszczuk est elle-même en pleine campagne pour sa réélection, qui n’est pas du tout assurée face au candidat de la coalition de M. Morrison.

Reconnaissant un cas particulier « déchirant », la dirigeante a répliqué qu’elle ne se laisserait pas « intimider ».

Mark McGowan a également estimé que Mme Palaszczuk était ciblée du fait des élections d’octobre.

« La Tasmanie et l’Australie-méridionale ont également fermé leurs frontières, mais on ne les critique pas », a-t-il observé au sujet des deux Etats gouvernés par la droite.

AFP