L’institutrice avait témoigné dans nos colonnes en plein confinement. De l’eau a coulé sous les ponts depuis, avec la reprise scolaire du 25 mai suivie des grandes vacances. En amont de la rentrée scolaire de mardi, l’institutrice fait part de ses sentiments.
Une fin d’année scolaire précédente «chaotique»
Si elle se dit «très contente» de pouvoir reprendre son métier ce mardi, l’enseignante de Pétange ne souhaite plus revivre les conditions de la fin de l’année scolaire 2019/2020. «La reprise du 25 mai après le confinement ? Tout s’est bien passé au début. Les enfants ont bien respecté les règles sanitaires. Mais alors qu’on approchait des vacances estivales, des cas positifs au Covid ont commencé à surgir parmi les élèves. Mes collègues et moi-même étions un peu stressés et ne savions pas toujours comment réagir. De plus, cette période a coïncidé avec les bilans que nous devions faire avec les parents d’élèves : on ne pouvait pas savoir s’il pouvait s’agir de cas contacts… Nous avons dû improviser à chaque nouveau cas positif. Bref, nous étions un peu dans l’inconnu», se rappelle-t-elle.
«La situation peut très vite changer»
De manière générale, l’institutrice, de même que ses collègues, nous dit-elle, est «consciente que la situation peut très vite changer» concernant la multiplication de cas positifs. En effet, selon elle et les autres instituteurs qu’elle côtoie au quotidien, la vraie question à se poser n’est pas celle de savoir «est-ce que cela va arriver? Mais plutôt : quand est-ce que cela va arriver?» Fatalisme ou réalisme, à chacun de juger… Ceci dit, cette notre interlocutrice s’attend à «devoir gérer un automne et un hiver durant lesquels pourront se conjuguer Covid, grippe, rhume».
Annonces de Meisch : «Une bonne chose, mais…»
Dans ce cadre, la conférence de presse du ministre Claude Meisch aura forcément retenu l’attention de l’instit de Pétange. «C’est une bonne chose que le ministre n’impose pas le port permanent du masque au fondamental et qu’il réduise les mesures d’hygiène au strict minimum, afin de ne pas tomber dans l’hystérie, tout en assurant la sécurité de tout un chacun. Cela permet de ne pas commencer l’année scolaire dans un climat anxiogène. Cependant, moi qui, par exemple, aurai une nouvelle classe à gérer, avec de nouveaux élèves que je ne connais pas encore donc, il s’agira de les mettre en confiance dès le début. Mais d’un autre côté, certaines consignes ne sont pas claires et je suis d’avis qu’il faut mettre en place une procédure au niveau national, c’est-à-dire valable pour toutes les écoles. Il faut les mêmes consignes pour toutes les écoles et non un système au cas par cas, selon l’établissement scolaire. De plus, je trouve que le ministre aurait pu chercher le dialogue avec les acteurs du terrain, au lieu d’imposer ses règles.»
«La vraie question est : quid du retard scolaire ?»
Certes, le virus l’inquiète, mais pour l’institutrice il ne faudra pas occulter un autre problème : celui du retard scolaire accumulé par certains élèves. «Malgré la mise en place de cours à distance pendant le confinement et la reprise scolaire du 25 mai aux grandes vacances, nous n’avons pas pu travailler normalement. La vraie question que mes collègues et moi-même nous nous posons est celle de savoir si les élèves arriveront à suivre le programme. Il y a eu l’initiative des cours d’été («Summer school») et il y a un projet de cours de rattrapage – en dehors des horaires normaux – qui est avancé. Je ne sais pas si cela sera suffisant, et puis j’estime que si des cours de rattrapage doivent avoir lieu, ils doivent se tenir pendant les horaires de cours et au sein de l’établissement scolaire même! Car, à ce moment-là, nous aurons besoin de plus de ressources. Dans ce contexte, les plans de développement scolaires (PDS) prônés par le ministre apparaissent comme étant moins prioritaires. Je pense qu’il faut mettre l’accent sur ce qui est important. Il faut savoir que la pratique des langues de manière orale a fait défaut pendant la crise sanitaire. Certains élèves qui avaient déjà à la base des difficultés en langues allemande ou française n’ont pas, ou peu, pratiqué ces deux langues durant la crise, car depuis la mi-mars les cours sont avant tout axés sur l’écrit. Et on ne peut pas rattraper ce retard à l’aide de simples fiches didactiques. On ne peut combler ce retard que par le biais d’interactions verbales, car, en définitive, c’est cela l’école.»
En clair, la «Joffer» pétangeoise se demande s’il sera possible de procéder à des activités de groupe et, donc, si les chaises des élèves pourront être rapprochées, afin de nourrir la relation de confiance entre les instituteurs et leurs élèves : «Faudra-t-il que les élèves remettent leurs masques à chaque interaction, à chaque fois qu’ils se lèvent de leur chaise, par exemple? Je me pose la question, car si j’ai bien compris, le port du masque sera obligatoire jusqu’à ce que les enfants soient assis sur leurs chaises. Mais ensuite, pendant le cours?»
Un soulagement pour les enfants vulnérables
Enfin, l’institutrice explique que sa principale crainte est un éventuel retour aux cours à distance : «On ne veut plus de cela à l’avenir, on veut un retour effectif à une certaine normalité.»
Quoi qu’il en soit, l’un des points positifs de cette rentrée scolaire pas comme les autres sera, estime l’enseignante, le fait que «les enfants vulnérables pourront à nouveau se rendre à leur école et ne seront donc plus forcés de rester à domicile».
Claude Damiani