Pour la Fédération luxembourgeoise des pêcheurs sportifs, la pêche ne serait pas reconnue à sa juste valeur par le gouvernement et doit composer avec de nombreux obstacles et aléas, naturels… ou pas. Le point.
Coup de chaud sur la pêche : alors que les températures grimpent, le président de la Fédération luxembourgeoise des pêcheurs sportifs (FLPS), Jos Scheuer, s’indigne du fait que la pêche ait volontairement été exclue de la stratégie du gouvernement Vakanz Doheem (vacances à la maison). En plein mois d’août, l’ancien député-maire d’Echternach dresse un état des lieux de cette pratique au Grand-Duché, pays qui, d’après le site gouvernemental visitluxembourg, est «le paradis des pêcheurs car ses lacs et ses cours d’eau regorgent de truites, de brochets, de sandres, d’anguilles, de carpes et de nombreux autres poissons».
«Le gouvernement néglige le secteur»
«Tout le monde parle de Vakanz Doheem, mais personne ne parle de la pêche dans cette stratégie : il n’y a pas de pêche dans Vakanz Doheem!?», s’insurge Jos Scheuer. Selon le président de la FLPS, «Ici, au Luxembourg, le secteur est négligé pour je ne sais quelle raison. Dans d’autres pays, comme la France ou la Suisse, la pêche est importante pour le secteur du tourisme. Or, il en va de la valeur touristique de la pêche pour le pays, et je pense par exemple au lac de la Haute-Sûre pour augmenter l’offre au niveau touristique. Le gouvernement doit promouvoir la pêche « responsable », notamment dans les parcs naturels. En effet, la pêche fait partie de l’éducation à l’écologie. Cet « oubli » du gouvernement, le fait de ne pas inclure la pêche dans la stratégie Vakanz Doheem, est volontaire, car la coalition gouvernementale actuelle est sous forte pression concernant la protection des animaux», estime l’ancien député-maire du LSAP.
«Pas ou très peu de contrôles»
Cela dit, Jos Scheuer constate que «beaucoup de touristes et de Luxembourgeois pêchent actuellement sur les plans d’eau du pays». Pire : selon lui, «ils pêchent clandestinement, sans permis, et il n’y a pas ou très peu de contrôles. À Echternach, il faut voir comme de nombreux campeurs pêchent! Et je précise que je n’ai rien contre les gens qui pêchent dans la Sûre, mais ils doivent le faire de façon responsable.»
Sécheresse et kayak : vers une réglementation ?
En ce qui concerne la sécheresse estivale, Jos Scheuer note que ce sont surtout certains ruisseaux qui sont impactés, car on ne peut plus y pêcher à certains endroits. Mais, de toute façon, Jos Scheuer est d’avis qu’«un pêcheur responsable ne va pas à la pêche lorsque le niveau d’eau est trop bas».
Ce qui l’inquiète sensiblement plus, ce sont «les armadas de kayaks qui circulent toujours à un niveau commercial et qui font beaucoup de dégâts à la faune et à la flore de la Sûre en temps de sécheresse extrême». D’ailleurs, il souligne que le Luxembourg et les communes de Rhénanie-Palatinat concernées souhaitent élaborer une réglementation pour que le kayak commercial soit interdit à partir d’un niveau d’eau inférieur à 60 cm, mesuré au pont de Bollendorf. «Nous allons en discuter le 2 septembre.»
Des poissons étrangers qui éliminent les autres
Mais les pêcheurs ont encore bien d’autres soucis, à commencer par la présence de plus en plus invasive des poissons appelés «gobies» qui se propagent depuis des années. «Nous avons organisé un concours de pêche collective les deux week-ends passés à la Moselle : il y avait une trentaine de pêcheurs et ils n’ont pris que des gobies et rien d’autre! Aucun poisson d’une autre espèce n’a pu être péché. Nos cours d’eau sont appauvris par la présence des gobies qui deviennent de plus en plus gros chaque année et qui dominent tout sous l’eau. Ils chassent les autres poissons et ont éliminé leurs œufs. D’autres poissons, eux, sont décimés par le cormoran.»
«Porter plainte contre les pollueurs»
Enfin, si la qualité des eaux du pays est jugée comme n’étant «pas trop mauvaise en elle-même», les diverses pollutions des dernières années font bondir le président des pêcheurs sportifs. «Il y a toujours des accidents qui provoquent une pollution des cours d’eau, mais on n’en parle pas. En effet, on en parle seulement lorsque des pêcheurs ou des promeneurs remarquent qu’il y a une catastrophe, c’est-à-dire lorsque des poissons sont retrouvés morts. Face à ce silence, nous avons pris la décision de transmettre au parquet tous les faits pour lesquels nous sommes avertis, en passant par l’administration de la Gestion de l’eau. Mais il faudrait vraiment que quelqu’un se constitue partie civile pour déposer plainte afin d’encourir des dommages. Car nous avons constaté des centaines d’infractions au cours des dernières années, mais alors que les auteurs ont été identifiés, rien ne se passe : le parquet ne fait rien. Il faudrait un procès modèle», estime-t-il encore.
Claude Damiani
Et qu’en est-il des réintroductions de poissons au Luxembourg ? «Le repeuplement est obligatoire d’après la loi mais l’année suivante, les poissons réintroduits ont déjà disparu. On peut se demander à quoi cela sert, si on ne réussit pas à assurer leur survie», estime Jos Scheuer.
Pour lui, «le cormoran joue un rôle important» dans ce phénomène. «D’ailleurs, deux documents ne sont pas publiés par le ministère de l’Environnement (administration de la Gestion de l’eau) : le premier se rapporte à la présence du cormoran au Luxembourg et dans ses rivières, car il y a un comptage qui est fait. Le second répertorie les espèces exotiques invasives sur lesquelles une étude a été faite.
Pourquoi ces documents ne sont-ils pas publiés ? Car l’État ne sait pas quoi faire, il n’a pas de recette. Il s’agit d’un aveu tout simple.» D’après l’association natur&ëmwelt, le grand cormoran est «présent toute l’année» au pays et «consomme environ 200 à 400 grammes de poisson par jour».
C. D.