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Wolfgang Schäuble, le Père Fouettard de l’euro


La popularité de Wolfgang Schaüble a atteint un record début juillet à 72% de satisfaits en Allemagne.

L’Allemand Wolfgang Schäuble est présenté comme une « menace pour l’Europe » après sa démonstration d’intransigeance envers la Grèce, en décalage avec une popularité record en Allemagne pour ce vétéran politique, profondément pro-européen mais aucunement disposé à dévier des règles.

A 72 ans, ce conservateur doyen du gouvernement d’Angela Merkel est devenu une figure honnie pour beaucoup d’Européens. Son visage aux lèvres pincées ornait les panneaux électoraux appellant les Grecs à voter début juillet non à l’austérité, concept étroitement associé à son nom.

Le ministre des Finances allemand est « la principale menace pour l’Europe », commentait lundi le journal portugais Publico. Sa propostion d’un « Grexit temporaire » lui vaut d’acerbes critiques, l’ex-ministre des Finances grec Yanis Varoufakis l’accusant ainsi d’avoir délibérément « mené l’Europe dans l’impasse ».

Un comble pour celui qui peut aisément se targuer d’être le plus Européen des responsables allemands.

Né en 1942 à Fribourg-en-Brisgau, près de la frontière française, c’est l’une des rares personnalités politiques allemandes à avoir connu la guerre, ne serait-ce qu’enfant. C’est là qu’est ancrée la conviction européenne de ce juriste qui rêve à haute voix d’une Europe fédérale. Depuis 2010 il a oeuvré sans relâche à maintenir l’intégrité de la zone euro, aux dépens d’une santé déjà fragilisée par un attentat perpétré par un déséquilibré qui le cloue dans une fauteuil roulant depuis 1990.

« Credo » d’une vie

Il l’a redit vendredi, l’intégration européenne a été le « credo » de toute sa vie. Mais c’est du ressort « du coeur », et en face il y a « la tête » qui impose « de voir ce qui fonctionne ». Sous-entendu, pour ce juriste, ce qui est conforme aux règles. C’est là qu’il se distingue de sa patronne Angela Merkel, physicienne de formation, plus pragmatique.

M. Schäuble, qui s’est décrit comme « impitoyable » dans sa gestion des deniers publics allemands, a posé des conditions strictes aux aides auxquelles Berlin est le plus gros contributeur. Les Allemands lui en savent gré, avec une popularité qui a atteint un record début juillet à 72% de satisfaits.

Obstiné et belliqueux, ne mâchant pas ses mots, il s’était déjà attiré pas mal d’inimitiés en Grèce. Ces derniers mois sa rectitude a semblé se muer en une croisade personnelle contre les dirigeants grecs, dont thèses et style politique si différents des siens l’ont rapidement excédé. Les semaines récentes ont vu son visage se renfrogner toujours un peu plus, ses lèvres réduites à un trait. Il a endossé l’habit de Père Fouettard de la zone euro, rappellant sans cesse les uns et les autres à leurs devoirs.

Une confiance trahie

Son biographe Peter Schütz parle à propos de cet artisan majeur de la Réunification allemande de 1990 de l’homme « le plus direct » qu’il connaisse. Un trait qui semble s’être renforcé alors que l’intéressé, qui détient le record de longévité des députés du Bundestag (43 ans) et a été cinq fois ministre, ne semble plus avoir de grandes ambitions personnelles. Sa carrière et son handicap lui ont en outre forgé une carapace.

Il estime être monté au front pour les intérêts allemands mais aussi au nom des petits pays qui sont entrés ou restés dans l’euro au prix de lourds sacrifices – le Portugal, les pays baltes. « Schäuble est notre héros », confiait il y a peu une source diplomatique balte.

Yanis Varoufakis a décrit un Eurogroupe, le cénacle des ministres des Finances de la zone euro, à la botte du grand argentier allemand. C’est lui qui fait le plus activement barrage à un allègement significatif de la dette grecque, pourtant appelé de ses voeux même par le Fonds monétaire international (FMI). La directrice générale de celle-ci, Christine Lagarde, est pourtant très proche du ministre.

Peu peuvent en dire autant. La carrière politique de Wolfgang Schäuble est une longue histoire de confiance trahie, d’abord par son mentor Helmut Kohl, auquel finalement il n’a jamais succédé. Son nom a ensuite circulé pour la présidence de la République, mais Angela Merkel en a préféré un autre.

Rien de cela n’a entamé sa loyauté, envers Helmut Kohl d’abord, Angela Merkel maintenant. Son biographe Peter Schütz voit dans cette fidélité sans faille le trait caractéristique de « l’homme de devoir protestant » qu’est Wolfgang Schäuble, profondément croyant.

 

AFP