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Virus : l’Espagne en situation « critique » avec les contaminations


File d'attente devant un centre de test du nord de Barcelone (Photo : AFP).

Six semaines après avoir résisté au premier assaut de l’épidémie du nouveau coronavirus, l’Espagne se retrouve dans une situation « critique », selon les experts, avec les pires chiffres de contagion d’Europe occidentale.

L’Espagne a communiqué lundi une moyenne de 4.923 nouveaux cas quotidiens durant les sept derniers jours, soit plus que la France, du Royaume-uni, de l’Allemagne et de l’Italie réunis, d’après un calcul de l’AFP à partir de sources officielles.

Avec 323.000 cas, le pays est le premier d’Europe occidentale, le onzième dans le monde, et devance largement ses voisins avec 108 cas pour 100.000 habitants contre 28 en France, 18 au Royaume-uni, 13 en Allemagne et 8 en Italie.

Si bien que de plus en plus de pays européens imposent une quarantaine aux voyageurs revenant d’Espagne.

C’est une situation « critique, nous sommes juste au point où les choses peuvent s’améliorer ou empirer (…) cela implique de faire tout notre possible et d’essayer de freiner les foyers avant qu’ils ne s’aggravent », a déclaré Salvador Macip, professeur en sciences de la santé à l’Université ouverte de Barcelone et auteur du livre « Les grandes épidémies modernes ».

L’Espagne a vu éclore plus de 500 foyers de contagion depuis la première vague et connait de plus une transmission communautaire, c’est-à-dire dont on ne peut pas retrouver l’origine.

Cette transmission « n’est pas parfaitement contrôlée mais s’atténue progressivement », a assuré lundi l’épidémiologiste en chef du ministère de la Santé, Fernando Simon.

L’Espagne a mis fin le 21 juin à l’un des confinements les plus stricts du monde, où pendant des semaines la population a été assignée à domicile. A cette date, Les autorités enregistraient 238 nouveaux cas par jour et une moyenne de 8 cas pour 100.000 habitants, loin du rebond statistique constaté depuis mi-juillet: que s’est-il donc passé ?

Cocktail explosif 

« Il y a eu beaucoup de précipitation à déconfiner, sûrement en pensant au tourisme », pilier de l’économie espagnole, et considérant « qu’en été, avec la chaleur, il y aurait moins de chance d’avoir des foyers, qui ne viendraient qu’à l’automne », explique Joan Cayla, président de l’Unité de recherche sur la tuberculose de Barcelone, désormais dédiée à l’étude du Covid-19.

Mais « les foyers sont apparu cet été, coïncidant avec les vacances d’une partie du personnel sanitaire », ajoute Cayla, qui souligne que le rebond épidémiologique a commencé deux semaines après le déconfinement, le délai habituel pour que les contagions apparaissent dans les statistiques.

Pour Salvador Macip, d’autres facteurs s’ajoutent à ce cocktail explosif: les saisonniers agricoles qui travaillent dans des conditions précaires et qui ont été à l’origine de plusieurs foyers, et le « relâchement » excessif de la population dans une culture méditerranéenne encline au contact physique et aux réunions familiales et entre amis, peut-être « plus faciles à éviter » dans le Nord de l’Europe.

Trois « armes » sont nécessaires contre les regains de contagions : éduquer les populations pour les mois difficiles, multiplier les tests et embaucher du personnel pour traquer les contacts des personnes contaminées, estime le chercheur, mais il y a eu des « échecs » dans tous ces domaines.

Plus de tests

Face à ces foyers de contagion, les régions, compétentes en matière de santé, ont pris des mesures drastiques allant jusqu’aux confinements partiels dans les zones les plus affectées du Nord et du Nord-Est comme la Catalogne, l’Aragon ou le Pays basque.

Le masque est devenu obligatoire dans tous les lieux publics, sauf dans l’archipel des Canaries, et de nombreuses boîtes de nuit, considérées comme des accélérateur de transmission, ont été fermées.

Plusieurs régions ont aussi diffusé de vidéos choc pour sensibiliser les jeunes aux risques mortels de la contagion.

Le gouvernement défend son travail, rappelant que les cas augmentent au fur et à mesure que les tests se multiplient (près de 7,5 millions au total, 407.000 la semaine dernière), que plus de la moitié des nouveaux cas sont asymptomatiques, que les hôpitaux sont loin d’être saturés et que « la létalité a énormément baissé », comme le soulignait lundi le Dr Simon.

De fait, l’Espagne comptabilisait 950 morts par jour durant le pic de la première vague, contre 253 au total depuis la fin du confinement le 21 juin, portant le bilan à 28.576.

AFP