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La « discrimination à l’Iban », un poil à gratter pour les néo-banques


Dans de nombreux pays européens, les clients des néo-banques bataillent encore pour que soient acceptés les Iban délivrés par ces établissements (Photo d'illustration : Monese).

Batailler avec des organismes publics, des opérateurs télécoms et autres entreprises pour enregistrer des coordonnées bancaires différentes de leurs pays de résidence est l’un des problèmes récurrents de consommateurs et de clients de néo-banques comme N26, Revolut ou Monese par exemple. Pourtant, la loi est avec eux.

« A-t-on le droit de me refuser mon Iban (International bank account number ou numéro international d’identification bancaire, NDLR) » européen ? « Mes clients galèrent à me faire des virements, l’Iban commençant par DE », le code pays pour l’Allemagne. « J’ai envoyé mon Iban belge avec le texte de directive européenne et ils l’ont encore refusé »… Sur internet, les messages d’utilisateurs mi-furieux mi-interrogateurs ne manquent pas.

« Le Centre Européen des Consommateurs (CEC) France reçoit chaque année des centaines de réclamations de consommateurs qui ne parviennent pas à payer leurs factures en France à partir de leur compte étranger », déplore sur son site le service européen d’aide aux consommateurs.

Pourtant l’harmonisation des paiements par virement et prélèvement est effective en Europe depuis le passage en 2014 des 36 Etats membres de l’Espace unique de paiements en euros (ou Sepa) à un système de paiement unifié du même nom.

Depuis son adoption, les Européens sont censés pouvoir effectuer des virements ou des prélèvements en euros sans que le créancier ne puisse exiger que le compte bancaire utilisé soit domicilié dans leur pays de résidence, tant qu’il est situé dans un pays membre de la zone Sepa.

Phénomène européen

Mais en France, les clients de néo-banques bataillent encore pour que soient acceptés les Iban délivrés par ces établissements implantés à l’étranger: Allemagne pour N26, Royaume-Uni pour Revolut, Royaume-Uni ou Belgique pour Monese, Pays-Bas pour Bunq.

« Ce phénomène de discrimination est relativement important et assez homogène en Europe, la France ne fait pas exception », estime Jérémie Rosselli, directeur France de N26, qui revendiquait à fin juin 1,5 million de clients dans l’Hexagone et plus de 5 millions dans le monde.

« Les raisons invoquées sont multiples: système informatique ne permettant pas l’enregistrement de coordonnées bancaires étrangères, formulaire de prélèvement automatique pré-rempli avec un Iban français, conditions générales de vente exigeant une domiciliation bancaire en France, etc. », détaillaient l’an dernier le CEC France et les services de la répression des fraudes (DGCCRF) .

Selon la réglementation européenne, « toutes ces raisons sont irrecevables », rappelait le CEC France.

La DGCCRF a mené en 2018 des contrôles aléatoires et auprès d’établissements faisant l’objet de plaintes. Résultat: « un taux d’anomalie de 25% » justifié notamment par des « risques plus élevés d’incidents de paiement et de blanchiment de capitaux » liés aux paiements transfrontaliers, indique le gendarme de la consommation.

Il précise conduire cette année une nouvelle investigation sur toute la France.

Frein à l’activité

Pour les néo-banques, la discrimination à l’Iban est un frein à l’activité. « Cela peut faire la différence pour utiliser un compte Monese comme compte principal ou pas », relève Norris Koppel, fondateur et dirigeant de cette néo-banque britannique comptant 250.000 inscrits en France et 2,5 millions en Europe.

Sur le marché très concurrentiel de la banque, devenir la banque principale du client, où il domiciliera ses revenus, est le nerf de la guerre.

D’où l’importance pour les néo-banques aux ambitions européennes de pouvoir fournir des Iban nationaux dans les pays à fort potentiel, tels que la France, l’Espagne ou l’Italie.

Dans l’Hexagone, les établissements de paiement ou crédit fonctionnant via une succursale française enregistrée auprès du régulateur bancaire émettent des Iban français. Ceux exerçant leurs activités en France via un passeport financier européen émettent des Iban issus de leur pays d’origine.

Monese a annoncé la semaine dernière être la première néo-banque européenne à proposer un Iban français.

N26, qui propose des Iban nationaux en Espagne et Italie, y travaille notamment en France, mais cette démarche « prend du temps et demande des ressources considérables », pointe M. Rosselli.

Anticipant le Brexit, prévu le 1er janvier 2021, la britannique Revolut (plus de 10 millions de clients dans le monde) a pour sa part créé une filiale en Lituanie lui permettant de proposer des Iban du pays à ses clients d’Europe continentale.

Car pour poursuivre leurs activités dans l’UE post-Brexit, les sociétés financières britanniques devront soit implanter une succursale dans chaque pays de l’UE où elles souhaitent être actives, soit créer une filiale au sein d’un Etat membre, « qui pourra obtenir le passeport pour les pays de l’UE où elle souhaite opérer », rappelle la Banque de France.

AFP