Revus et allégés, les Congés annulés, traditionnel rendez-vous musical des Rotondes, se dérouleront bien cette année. Qu’on se le dise, il y aura un festival cet été au Luxembourg !
Avec la pandémie mondiale, ils sont tous tombés les uns après les autres. Les grands festivals, les plus modestes, comme ceux qui animent la belle saison au Luxembourg (Francofolies Esch, Siren’s Call, e-Lake…). Tous se sont résignés, la larme à l’œil, à annuler leur édition de l’année, impossible à tenir face au danger du Covid-19 et aux directives sécuritaires inhérentes. Un seul, finalement, tient aujourd’hui tête à cette débandade généralisée : les Congés annulés, îlot festif d’une capitale qui, en cette période, sonne le creux.
C’est vrai, contrairement à d’autres, il a cette chance d’être programmé chaque année en août, ce qui lui a permis de profiter de l’assouplissement des normes sanitaires. Mais lui aussi a dû improviser et reculer pour mieux sauter, comme l’explique son programmateur, Marc Hauser : «À la mi-mars, 60% du festival était calé. Puis, en un rien de temps, plus aucun groupe ne pouvait être présent», souffle-t-il, comme recrachant un amer souvenir. Une volatilisation soudaine expliquée par un cercle vicieux : sans festival, point d’artistes sur les routes, et sans artistes, point de festival.
Un ersatz en ligne, ça n’a aucun sens pour moi
La solution numérique, palliatif qui s’est démocratisé pour répondre aux besoins des musiciens et du public, n’a jamais été envisagée sur place. «Un ersatz en ligne, ça n’a aucun sens pour moi», confie-t-il, bien que son festival ait recours, comme dans quelques jours, à des sessions «live» captées par les caméras. Mais elles ne constituent en rien le canevas de la manifestation, qui, obstinée, garde sa philosophie «frontale». D’un côté, la scène, et de l’autre, le public. Au milieu, des sensations… D’où ce chapiteau en extérieur, qui s’est constitué cette semaine, avec des gradins faits de palettes de bois qui, peintes, fleuries, taguées ou dans leur plus simple appareil, font désormais partie du paysage.
Toujours Marc Hauser : «On avait envie d’une expérience ‘classique’ de concert, qu’il se passe quelque chose de l’ordre de la performance, de l’échange.» Contrairement à certains centres culturels qui privilégient l’ambiance «apéro» à distance avec différentes petites tables et une scène au loin, lui cherche à renouer les liens : «Cela fait cinq mois que les gens n’ont pas pu profiter d’un vrai concert. On voulait célébrer comme il se doit ces retrouvailles.» Bon, avouons-le, elles seront quand même tronquées vu que sous la tente, le port du masque sera obligatoire, les boissons interdites et que le public devra rester assis, même si ses jambes le démangent. «Ce ne sera pas marrant, reconnaît le programmateur, mais le plus important, c’est d’être présent.»
Les groupes luxembourgeois ont toujours été présents
Autre correction apportée, celle concernant l’affiche. «Mi-avril, on a su rapidement qu’il allait falloir fonctionner avec des formations locales», poursuit-il. Un plan B qui s’est finalement avéré le bon, bien que les principaux concernés semblaient défaitistes : «Dans l’ensemble, ils ont plutôt été surpris qu’on les contacte pour jouer, car ils pensaient que rien n’aurait lieu cet été.» Tous sont déjà passés au moins une fois par les Rotondes, ce qui fait dire encore à Marc Hauser : «J’aimerais préciser que les groupes luxembourgeois ont toujours été présents aux Congés annulés. L’angle d’attaque, cette année, est différent, mais ils sont toujours bien placés.»
Il poursuit : «Il y a une excellente scène locale, mais pas assez conséquente. C’est dommage !» D’où, ainsi, l’ajout de quelques groupes internationaux, étoffant l’ensemble. Parmi eux, un venant de Suisse (One Sentence. Supervisor), toujours sur la «sellette» car il risque d’être mis en quarantaine lors de son retour chez lui. Un autre, qui joue demain, ose lui faire le voyage depuis la Guadeloupe (Francky goes to Pointe-à-Pitre). «Il était chaud pour faire de la route !»
J’espère que les gens vont jouer le jeu du concert assis avec masque
À cela s’ajoutent quelques réjouissances, qui font le charme du festival : la projection de documentaires (en collaboration avec le Rocklab), une foire aux disques pour particuliers, sans oublier cette terrasse, remodelée pour l’occasion, avec DJ sets en prime. Malgré les circonstances et les normes restrictives, les habitués se sont rués sur les tickets, gratuits, certains concerts affichant déjà complet (l’«Opening Night», Bartleby Delicate, Mutiny on the Bounty). «Les autres sont remplis à 70-80%», précise-t-on sur place.
Un succès qui s’apprécie, mais qui, paradoxalement, est aussi craint : «J’espère que les gens vont jouer le jeu du concert assis avec masque», conclut Marc Hauser, gants de chantier et perceuse à la main. Même inquiétude vis-à-vis du parvis, très prisé et bondé en été. Samedi, pour l’ouverture, une partie des inquiétudes sera levée ou, au contraire, amènera à réviser certains points. Une habitude prise ces derniers temps aux Rotondes, qui n’espèrent qu’une seule chose : que la pandémie n’ait pas raison de la bonne musique et de la bière fraîche !
Grégory Cimatti