Braquages, homicides, pédopornographie, trafic de stupéfiants, alcool au volant,… L’année judiciaire 2019/2020 s’achève. Cette année encore, entre audiences difficiles et faits tragiques, on en a entendu de belles.
Tentant tant bien que mal de se dépêtrer, les prévenus défilant devant les juges lâchent des petites phrases qui viennent émailler les longs débats. Explications fumeuses, réflexions insolites, histoires surréalistes… Voici un florilège des meilleures perles entendues ces derniers mois dans les salles d’audience du tribunal d’arrondissement et de la Cour d’appel de Luxembourg. Certaines prêtent à sourire même derrière le masque qu’on porte depuis la crise sanitaire.
«C’est une chance pour moi d’être en prison. Cela m’a laissé le temps de réfléchir»
3 octobre 2019 : Martin K. (30 ans), qui durant de longs mois, avait escroqué de petites sommes. Son modus operandi : il se présentait à des cabinets médicaux prétendant avoir un problème de clé. Avec cette histoire, il embobinait ses victimes pour qu’elles lui prêtent de l’argent afin de lui payer le serrurier. Le trentenaire, détenu à Schrassig, a écopé de trois ans de prison et doit rembourser 4088 euros à la dizaine de victimes qui s’étaient déplacées à l’audience.
«Si j’étais conscient d’être un criminel ou de détenir du matériel pédopornographique, j’aurais tout effacé!»
7 octobre 2019 : Pas moins de 5 241 images pédopornographiques avaient été décelées chez ce quadragénaire au printemps 2017. Mais à entendre ce père de famille de 45 ans, ces images ont atterri malencontreusement sur ses ordinateurs. Ses explications n’ont pas emporté la conviction du tribunal. Il écope de 18 mois avec sursis et d’une amende de 2 500 euros. Placé sous le régime du sursis probatoire, il a l’obligation de se soumettre à un traitement. Et pendant dix ans, il lui est interdit d’exercer une activité avec des mineurs.
«Je ne suis pas la seule tête chauve dans cette salle»
8 novembre 2019 : Lee K. (36 ans) reconnu par les enquêteurs, à l’heure de la disparition d’une prostituée le 13 novembre 2016, sur des images de vidéosurveillance dans le quartier de la Gare à Luxembourg au volant d’une Mercedes A170. Le véhicule avec lequel la victime tuée d’une balle dans la tête a été conduite au parking du Fräiheetsbam. Pour le prévenu clamant son innocence, ce n’était pas une preuve… Mais la chambre criminelle l’a reconnu coupable, tout comme pour la mort du dealer dont le corps a été retrouvé dans la forêt à Leudelange. Il écope de la réclusion à vie.
«J’avais fréquenté un bordel. Ça, ma copine, fallait pas qu’elle le sache. Il a fallu que je trouve une parade. Je lui ai donc raconté avoir commis un casse!»
13 novembre 2019 : Contre vents et marées, Serge L. (32 ans) avait clamé son innocence dans le braquage d’une station-service à Frisange le 15 août 2017. Et ce, malgré le fait que sa copine habitant en France était particulièrement bien informée de ce qui s’était passé. La chambre criminelle l’a reconnu coupable : 13 ans de réclusion!
«J’ai fait appel dans le but de soulager ma conscience. C’était la dernière volonté de mon père que j’ai perdu il y a deux mois.»
3 mars 2020 : Condamné en première instance pour avoir participé au braquage, Serge L. n’a pas fait appel à cause des 13 ans de réclusion, mais… pour changer sa version et avouer les faits. Avec ses aveux, le trentenaire a finalement obtenu neuf ans de prison ferme.
«Je ne peux pas jurer devant vous. C’est un truc de religion…»
14 novembre 2019 : Appelé à témoigner à la barre, Yakoub T. (24 ans) s’était montré très réticent au moment de jurer de dire toute la vérité. Une fois convaincu par la présidente qu’il ne jurait ni sur le Coran ni sur la Bible, il a finalement prêté serment.
«On n’est pas venus pour une pizza»
5 décembre 2019 : Redda B. (49 ans), qui, avec son acolyte Ali A. (48 ans), avait réussi à s’introduire par ruse au domicile d’un homme d’affaires à Luxembourg le 12 décembre 2012. Jouant au prétendu prince intéressé dans l’achat de montres de luxe et à son chef de la sécurité, le duo armé avait réussi à faire main basse sur un butin impressionnant. À la barre, le vieux routier des prétoires y est allé cash. Les deux braqueurs ont pris 18 et 15 ans de réclusion ferme.
«Ce n’est pas comme si je jouais aux échecs avec mes serpents!»
6 décembre 2019 : Cobras, mambas verts, bothrops, mille-pattes… Pas moins de 252 animaux, dont 127 venimeux, avaient été saisis le 13 décembre 2018 chez un commerçant d’animaux à Esch-Lallange. Outre le défaut de certaines autorisations, on lui reprochait la « cruauté envers les animaux ». Ce n’est pas le premier rapport que la police dressait contre ce mordu de serpents. Par trois fois, il s’était fait mordre par l’une de ses petites bêtes. Comme explication à ses accidents, le prévenu de 35 ans a invoqué l’alcool et la cocaïne… Le tribunal l’a condamné à une amende de 4 000 euros et une interdiction de tenir des animaux pendant trois ans. La fermeture de l’établissement a été ordonnée jusqu’à réception des autorisations.
«J’ai eu peur quand j’ai vu le chien de la douane»
18 décembre 2019 : Badr B. (32 ans), contrôlé avec des paquets de biscuits fourrés d’argent – plus de 236 000 euros – dans sa valise en ralliant le Grand-Duché en TGV le 28 février 2017. Lui et son comparse Sid M. (37 ans) n’avaient pas déclaré l’argent aux douanes épaulées du chien Cash. «Une réaction épidermique par rapport au chien», selon leur avocate. Le tribunal correctionnel leur a livré l’addition : 5 000 euros d’amende chacun et la confiscation de l’importante somme avec laquelle ils prétendaient vouloir acheter des voitures de luxe.
«Madame, depuis 13 ans que je suis frontalier, je n’ai jamais tapé une mouche»
20 décembre 2019 : Un jeune homme de 28 ans poursuivi pour tentative d’avortement. Enceinte, sa copine de 27 ans avait porté plainte en 2019 pour coups et blessures. «Je vais taper jusqu’à ce que l’enfant tombe.» Dans ses déclarations à la police, il y avait du lourd. Le tribunal l’a condamné à 700 euros d’amende et quatre ans de prison, dont deux avec sursis avec l’obligation notamment de suivre un traitement psychiatrique.
«À l’époque, c’était la fin de l’année judiciaire. Nos cerveaux ne travaillent plus de la même manière avant et après les vacances»
7 janvier 2020 : Un avocat de 45 ans jugé pour ne pas avoir fait les vérifications requises en matière de lutte antiblanchiment quand 11 500 euros ont transité sur son compte tiers en juin-juillet 2012. Il a écopé en première instance de 3 000 euros d’amende. L’Ordre des avocats, qui s’était constitué partie civile, se voit allouer l’euro symbolique.
«Il y a des personnes qui ont des stylos, d’autres des rouges à lèvres… et certains des briquets. Ce n’est pas pour autant qu’il est pyromane»
10 janvier 2020 : Au printemps 2018, en l’espace de 24 heures, une voiture et une moto étaient parties en fumée à Esch. Sur le banc des prévenus : José P. (56 ans) arrêté avec 15 briquets dans son sac à dos. Grâce aux caméras de vidéosurveillance, la police avait pu l’identifier. En récidive, le quinquagénaire écope de quatre ans de prison ferme. La plaidoirie de son avocat n’a pas convaincu la chambre criminelle. «Même au frigidaire où marinait une morue, aucune trace d’hydrocarbure», avait-il appuyé.
«Je vous jure. Je ne veux pas vous mentir. Si je mens, je vais vous énerver…»
13 janvier 2020 : Condamné à quatre ans de prison ferme pour avoir mené en 2016 un florissant trafic de cocaïne – 2 kg pour 132 000 euros – à Esch, Raoul A. (39 ans) a tenté d’amadouer les magistrats de la Cour d’appel. Mais cela n’a visiblement pas marché. La peine de prison prononcée par les premiers juges a été confirmée.
«Monsieur le président, vous avez déjà eu une dépression? Vous savez, quand on est là-dedans…»
13 février 2020 : Patrick A. (46 ans), qui travaillait comme agent de chômage à l’Adem, s’était frauduleusement fait virer près de 95 000 euros d’indemnités de chômage entre février et avril 2019. Son explication à la barre : en instance de divorce, il aurait traversé une phase difficile… Le tribunal l’a condamné à deux ans de prison avec sursis et 10 000 euros d’amende. Il doit également rembourser l’argent détourné.
«Je n’ai pas l’habitude de boire. J’ai bu deux whiskys-cocas et un verre de vin»
4 mai 2020 : Un quinquagénaire, qui avec ses 1,93 g d’alcool par litre de sang, avait percuté un véhicule boulevard J.-F.-Kennedy à Esch et arraché un rétroviseur. Son histoire ne tient pas la route, d’après le juge :
«Cela ne donne pas un tel taux. Soit il y avait beaucoup de whisky et peu de coca ou c’étaient deux gros whiskys…»
Ni celle de sa prise de médicaments d’ailleurs :
«Un mélange d’alcool et de pilules ne fait pas augmenter le taux d’alcool dans votre sang!»
«Chez nous au Portugal, une sorcière au nez cassé, cela porte malheur»
26 mai 2020 : Poursuivi pour avoir frappé, violé et menacé de mort… son épouse durant des années, le quinquagénaire a nié en bloc. Pour expliquer un SMS troublant qu’il avait envoyé, le prévenu de 50 ans a sorti une histoire de poupée-jouet sorcière… avec laquelle il n’a toutefois pas réussi à embobiner les juges : 4 ans de prison avec sursis et 1 000 euros d’amende.
«Vous savez, des fois je me rappelle même plus ce que j’ai mangé hier»
28 mai 2020 : Salah A., l’aîné du jeune duo arrêté mi-juillet 2019 à Pétange pour avoir mené un important trafic de stupéfiants. D’où les deux jeunes hommes tiraient leurs faux papiers, les juges ne l’ont pas appris. Le duo échappe à l’amende, mais pas à la prison : 42 mois ferme pour l’un, 30 mois, dont 15 avec sursis, pour l’autre.
Fabienne Armborst