Mardi, soit la veille de son lancement officiel, c’est via un communiqué qu’on a appris la création de la fédération luxembourgeoise des sports électroniques (Luxembourg Esports Federation – LESF). Du coup, pour en savoir plus, on a décidé de passer un coup de fil à Joe Hoffmann, son président.
À vrai dire, on l’a pris au dépourvu. Joe Hoffmann (30 ans) ne s’attendait pas à recevoir sitôt le communiqué envoyé l’appel d’un journal. «Désolé, je cherche mes mots, je n’ai pas encore l’habitude de répondre en français à des journalistes», s’excuse-t-il d’emblée, un brin gêné.
Plus à l’aise manettes en main que ce soit sur console ou ordinateur (sur des jeux comme League of Legends, FIFA, NBA 2K, Madden NFL, Clash Royale, Counter-Strike, Call of Duty…), l’Eschois, âgé de 30 ans, a toutefois gentiment accepté d’évoquer la création de la fédération luxembourgeoise des sports électroniques. Cette nouvelle ASBL compte ainsi 6 membres fondateurs* (dont son frère jumeau, Kevin) et a été enregistrée au Registre de commerce et des sociétés (RCS) fin juin. Et pas de doute, malgré quelques hésitations dans la langue de Molière, la passion pour l’e-sport, dans sa voix, elle, est bien intacte.
«L’une des missions principales que s’est fixée la LESF est d’obtenir une reconnaissance officielle de l’e-sport au Luxembourg en tant que sport à part entière. En tout cas, nous allons tout faire pour !», assure Joe Hoffmann en se frottant la barbe.
Aujourd’hui, l’e-sport revendique plus de 600 millions d’amateurs et d’enthousiastes à travers le monde. Au Grand-Duché, la communauté des gamers grandit d’année en année, mais il n’y a pas encore assez de joueurs qui ont ce qu’on appelle «un niveau». La LESF, fraîchement lancée, aura pour rôle de fédérer les parties prenantes de la discipline et de la promouvoir au Luxembourg. «En unissant nos forces, on sera plus fort, on combattra ensemble, car on a des buts et des intérêts communs», glisse-t-il.
«Le Luxembourg ne peut pas se permettre de se laisser distancer»
Puis, pour Joe Hoffmann, gamer au crâne dégarni et au cœur tendre, d’entrer dans le vif du sujet : «Ici, au Grand-Duché, on a déjà commencé à parler avec les politiciens, on a contacté le ministère des Sports. Même si pour le moment avec le corona c’est compliqué d’avancer, le Luxembourg ne peut pas se permettre de se laisser distancer par les autres pays. L’e-sport est un phénomène de société : c’est un marché en pleine expansion, en pleine croissance (NDLR : en 2019, les revenus globaux du sport électronique ont dépassé le milliard de dollars). Et l’argument qui consiste à dire que les discussions peuvent attendre, car la discipline n’est pas encore reconnue par le CIO (NDLR : un temps pressenti, l’e-sport ne sera finalement pas présent aux Jeux olympiques de Paris en 2024), n’est pas valable. Regardez juste un peu les gens qui composent ce comité : sans leur manquer de respect, ce sont des « gris » (NDLR : vieux) ! (il se marre)»
L’e-sport est-il un vrai sport ?
Actuellement, plus de 60 pays ont déjà reconnu l’e-sport comme un sport. «Au Danemark, par exemple, un pays qui possède une véritable culture des sports électroniques, les meilleurs joueurs d’e-sport (Bjergsen, dev1ce, N0tail) sont de véritables stars, aussi connus qu’un Messi ou un Cristiano Ronaldo en foot !», s’enthousiasme-t-il.
«Concrètement, de nombreuses études académiques, notamment menées par la Deutsche Sporthochschule à Cologne, ont démontré que l’e-sport possédait tous les attributs, toutes les caractéristiques pour être reconnu comme un sport, explique Joe Hoffmann. Pour performer lors des compétitions de jeux vidéo, il faut être en forme physiquement et mentalement, être capable de gérer la pression, le stress, ses émotions. Les mecs sont de véritables athlètes ! Ça exige des heures d’entraînement, même si la pratique est disons plus libre que les sports traditionnels. Et l’e-sport, j’y tiens, c’est un tout bien qu’il y ait plusieurs sous-genres (NDLR : les arènes de bataille en ligne multijoueurs, les jeux de tir à la première personne, les jeux de combat, les jeux qui imitent les sports traditionnels, les jeux de stratégie en temps réel). En tout cas, l’image du geek bedonnant qui joue depuis sa cave, sur son canapé, avec sa bouteille de Coca et ses chips à côté est aujourd’hui complètement obsolète, dépassée.»
Bientôt des sessions d’e-sport au lycée ?
«Pourquoi ne pas intégrer quelques sessions d’initiation à l’e-sport au sein des cours d’informatique au lycée ? Histoire de faire découvrir réellement au plus grand nombre ce que c’est, suggère Joe Hoffmann. Par le passé, le Luxembourg, même en étant un petit pays, a prouvé que si on investit dans un sport (par exemple : le foot ou le cyclisme) et qu’on crée les bonnes structures, adéquates et professionnelles, on pouvait faire émerger des stars. Alors, faisons en sorte que cela devienne possible dans l’e-sport !»
Ismaël Bouchafra-Hennequin
* Les six membres fondateurs de la LESF sont issus de deux organisations : trois membres de FWRD (qui, dès le 1er août, disposera d’un bureau au sein du 1535° à Differdange, Joe Hoffmann étant même le CEO) et trois autres de la Team Slick (TSK).
L’adhésion à la fédération luxembourgeoise d’e-sport est ouverte à tous et est gratuite la première année. Inscription sur le site internet www.lesf.lu.