Jamais l’un sans l’autre: durant le sommet de Bruxelles consacré à la relance économique de l’UE, Angela Merkel et Emmanuel Macron ont affiché un front commun, mais, même uni, le couple franco-allemand a vu son autorité contestée par les dirigeants de petits pays décomplexés face aux grands.
L’enjeu est un plan de 750 milliards d’euros préparé par Berlin et Paris durant tout le printemps et endossé par la Commission européenne. Pour le défendre, Angela Merkel et Emmanuel Macron bataillent ensemble depuis vendredi, et « leur coordination est probablement plus étroite qu’elle ne l’a été depuis longtemps », constate un diplomate. « Je continuerai à me battre (…) avec la chancelière Merkel, puisque, comme vous le savez, nous avons beaucoup œuvré ensemble pendant ces derniers jours et dernières nuits », a déclaré le chef de l’État français à son arrivée lundi pour la reprise des négociations. « Je suis très heureuse que le président français et moi-même ayons fait pression pour obtenir un programme vraiment substantiel dans cette situation extraordinaire », a pour sa part déclaré la chancelière.
« L’alignement entre eux deux est total », affirme une source diplomatique française. Et de donner l’exemple de leur décision commune de quitter samedi soir une réunion au cours de laquelle les dirigeants des pays dits « frugaux » (Pays-Bas, Danemark, Autriche et Suède) « ne montraient aucun signe de bonne volonté », selon la même source. 24 heures plus tard, dimanche, au cours d’un dîner tendu, Emmanuel Macron a « tapé du poing sur la table, soutenu par Angela Merkel », pour dénoncer l’attitude de blocage de ces pays.
Chacun le fait avec son style. Direct pour le président français, qui alterne déclarations de charme et formules chocs, comme lorsqu’il compare la position de négociation du Premier ministre néerlandais Mark Rutte à celle du Britannique David Cameron avant le Brexit. Moins spectaculaire, la méthode de la chancelière repose sur son expérience, longue de 15 années au pouvoir, de la recherche de compromis, que ce soit dans son pays comme sur la scène européenne.
Ils ne mènent plus la file, selon Asselborn
Mais, depuis vendredi, ils font face à une opposition plus coriace que prévue des « frugaux », au premier rang desquels les Pays-Bas, « qui ont réussi à ne pas être isolés », souligne Fabian Zuleeg, de l’European Policy Center.
« Au départ, nous étions quatre pays, maintenant nous sommes cinq » avec le soutien de la Finlande, s’est félicité le chancelier autrichien Sebastian Kurz. « Des petits pays » qui, seuls, « n’auraient jamais pu peser ainsi face aux « grands », souligne-t-il. « Le temps est révolu où l’Allemagne et la France proposaient quelque chose » et où « tout le monde » devait ensuite « se mettre à la queue », a commenté l’expérimenté ministre des Affaires étrangères du Luxembourg, Jean Asselborn.
Pour Fabian Zuleeg, ce sommet montre que « le couple franco-allemand est nécessaire, mais n’est plus suffisant » pour faire avancer l’UE. L’optimisme était pourtant de mise, surtout à Paris, depuis la décision de Berlin d’accepter le 18 mai le principe d’une mutualisation de dettes européennes pour faire face au choc économique de la crise du Covid-19. Les deux dirigeants ont ensuite accordé leur stratégie alors que l’Allemagne prenait la présidence de l’UE pour le second semestre 2020. Emmanuel Macron a multiplié les échanges avec ses homologues pour les « convaincre sur la base de l’accord franco-allemand », tout en précisant que « chacun » devait « être entendu ». Comme Mark Rutte, à qui il est allé rendre visite le 23 juin à La Haye.
LQ/AFP