Au printemps 2018, une septuagénaire avait été violemment tirée de son sommeil. Le duo lui avait dérobé plus de 12000 euros. Un troisième homme les accompagne sur le banc des prévenus.
C’est une nuit qu’elle n’est pas près d’oublier. Elle venait de perdre son mari quand, le 21 mars 2018 vers 2 h du matin, deux individus l’avaient violemment tirée de son sommeil à son domicile de Frisange. L’un l’avait prise par les pieds, l’autre par les mains. Au moyen d’attache-câbles, ils lui avaient ficelé les quatre membres. Avec l’interdiction de les regarder, les deux hommes, parlant en allemand avec un accent des pays de l’Est, l’avaient sommée de leur présenter le coffre-fort et la clé. Âgée aujourd’hui de 75 ans, la veuve s’en souvient très bien. «Je leur ai directement dit qu’il y avait 11 500 euros dans une enveloppe pour qu’ils me laissent tranquille. On ne peut jamais être assez prudent…» «Ils m’ont donc descendue à la cave où il y avait le coffre-fort et la clé», détaillera-t-elle encore dans son récit jeudi après-midi à la barre de la 13e chambre criminelle.
Une fois le butin recherché en poche, le duo l’avait laissée pieds et mains ligotés, à la cave. Il lui avait juste passé un rouleau de papier toilette pour que cela soit moins dur pour son mal de hanche… En rampant tant bien que mal, la septuagénaire avait réussi à atteindre l’interrupteur de la porte du garage. Et en pyjama, elle avait rejoint le trottoir où deux voitures s’étaient finalement arrêtées et avaient appelé le 113.
Le premier suspect identifié par son ADN
Il n’y avait pas que le contenu du coffre-fort qui avait disparu, mais aussi 350 euros dans son portefeuille ainsi que diverses cartes bancaires et quelques passeports expirés. Face à la police, la septuagénaire avait pu livrer un autre détail saillant : le dimanche soir, vers 19 h 30, soit deux jours avant les faits, deux hommes avaient sonné à sa porte. L’un avait des roses rouges dans la main. «Où est Andreas?», avaient-ils demandé. Mais elle ne s’était pas laissé impressionner : «J’ai refermé les rideaux et puis c’est tout.»
Après l’attaque, la fille de la victime, pour sa part, avait suspecté une connaissance, mais la septuagénaire l’avait priée de ne rien dire, par peur d’une vengeance.
Ce sont finalement les traces ADN saisies sur la victime et divers objets sur les lieux du crime, dont les attache-câbles, qui ont permis d’identifier un premier suspect : Constantin M. (32 ans aujourd’hui). L’homme, qui se trouvait en prison à Trèves lors du «hit» positif dans la banque de données, n’était pas immédiatement passé aux aveux. Mais c’est lui qui donnera le nom du deuxième homme aujourd’hui sur le banc des prévenus : Dietmar S. (46 ans). Tous deux ont d’ailleurs déjà été arrêtés pour avoir commis ensemble d’autres cambriolages en Allemagne.
Et visiblement, ce n’est pas par hasard qu’ils avaient choisi de cambrioler la septuagénaire à Frisange. Ils étaient en effet au courant de l’enterrement de son mari mi-février 2018. Et ils étaient même passés devant sa maison… en compagnie d’un certain Roman L. (57 ans). C’est ce qui finira par filtrer lors de leurs auditions. Le quinquagénaire est le troisième homme qui a atterri sur le banc des prévenus. Il est le seul du trio qui connaissait la fille de la victime à l’époque. Dans les années 80, ils étaient en couple, et ils sont restés amis par la suite. En témoignent les plus de 3 000 messages WhatsApp qui figurent au dossier. Avec des échanges du matin au soir, il était donc bien au courant que la mère de son amie vivait seule. Le prévenu Roman L., extradé au Grand-Duché fin 2019, conteste toutefois avoir été l’instigateur de ce cambriolage.
«Dire « J’ai participé » ne suffit pas»
Si Constantin M. et Dietmar S. reconnaissent les faits, ce n’est pas pour autant qu’ils se sont montrés très loquaces à la barre jeudi. «Dire « J’ai participé » ne suffit pas», les tancera la présidente. Or la chambre criminelle n’obtiendra que des réponses au compte-gouttes. Et encore. Constantin M. finira par lâcher avoir entendu que la victime avait «des sous et de l’or». Et que l’expédition avec le bouquet de fleurs, c’était «pour voir si quelqu’un est à la maison». Enfin, le butin ils l’avaient partagé à deux.
Dietmar S. sera encore moins loquace. Il se souvient de s’être rendu en 2018 depuis la Sarre à Schengen pour acheter des cigarettes avec Constantin M. et Roman L. Ce dernier aurait profité de cette virée pour aller à Frisange et présenter ses condoléances. Mais au final, il n’y aurait eu personne à la maison. Dietmar S. reconnaît aussi y être retourné ensuite seul avec Constantin M. avec des fleurs.
«Je ne peux vous le dire à 100 %…»
«Pourquoi donc ce bouquet de fleurs?, insistera longuement la présidente.
– Je ne sais plus.
– Ou vouliez-vous aussi présenter vos condoléances?
– Non, je ne la connaissais pas.
(…)
– Qui vous a envoyé avec le bouquet?
– Je crois que c’est Roman L., mais je ne peux le dire à 100 %.»
Le quadragénaire a répondu du tac au tac à une seule question. Celle de savoir quand il s’est embrouillé avec Roman L. Lors de l’instruction, tous deux avaient affirmé que c’était en 2017. Ce qui soulève toutefois certaines questions quant à leur virée à Schengen et Frisange…
«N’était-ce pas seulement en 2018?, tentera de creuser la présidente.
– Non!»
Le procès se poursuit ce vendredi matin.
Fabienne Armborst