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Vols de voitures aux trois frontières : à 18 ans il avoue, à 23 ans il se rétracte


Seul un des deux prévenus s'est présenté à la barre jeudi. Le second jeune homme a préféré rester à Schrassig et se faire représenter par son avocat. (Photo : Fabienne Armborst)

Placé en garde à vue à la gendarmerie française, le jeune homme avait fait des aveux complets sur ses méfaits en septembre 2015. Volte-face, jeudi matin, à la barre où il a plaidé non coupable.

Le coin des trois frontières entre Schengen, Perl et Sierck-les-Bains est bien connu pour le tourisme à la pompe. Nombreux sont ceux qui viennent faire le plein dans l’une des stations-service côté luxembourgeois. Ce que les images des caméras de surveillance avaient capté mi-septembre 2015 ne ressemblait toutefois pas à un simple plein. Le 20 septembre, vers 22 h, un individu coiffé d’une casquette de baseball grise avait quitté la pompe à Remerschen avec une Skoda Octavia sans payer. Rebelote le lendemain peu avant minuit dans une station-service à Schengen. Cette fois-ci, c’est un automobiliste vêtu d’une autre casquette qui en était sorti. Il avait également rempli un bidon de carburant…

Saisie par ces faits de grivèlerie, la police avait constaté que le véhicule avait été volé le 17 septembre, devant une maison située route du Vin à Schwebsange. Et que ce n’était pas le seul vol de véhicule qui avait eu lieu dans les environs. La même nuit, la police de Perl avait été informée de la disparation d’un scooter. Le deux-roues avait été retrouvé derrière une haie. Un témoin disait avoir observé un trio s’en débarrasser à Wintrange quand il avait pris la fuite avec la Skoda Octavia. C’est ce qu’avait permis de retracer l’enquête du SREC Grevenmacher en coopération avec ses collègues allemands. À Schengen, une Renault Modus et une Renault Kangoo appartenant à un couple avaient également disparu quelques jours plus tôt…

«Ils s’amusaient à voler les véhicules pour les incendier»

En tout cas, la Skoda Octavia avait suffisamment de carburant pour échapper à une patrouille de police le 22 septembre près de Thionville. Le véhicule, avec trois personnes à son bord, avait réussi à éviter un barrage, puis à semer les gendarmes français. Il avait visiblement terminé sa course à Sierck-les-Bains. Car c’est près de ce petit village lorrain, au bord de la Moselle, que la gendarmerie avait retrouvé l’épave fort endommagée le lendemain. Vu la boue et les branches, il était fort probable qu’elle soit passée par la forêt. Mais elle n’avait pas été incendiée. Contrairement aux véhicules près desquels Alexandre H. et Jordan C. ont pu être interceptés par la suite. D’où le bidon d’essence?

«Ils s’amusaient à voler des véhicules pour les incendier plus tard en France afin de faire disparaître les preuves», a résumé la représentante du parquet lors de leur procès jeudi matin. Les deux jeunes prévenus, qui à l’époque avaient 18 ans au compteur, avaient fait des aveux complets lors de leur garde à vue en France en 2016. Changement de cap pour Alexandre H. (23 ans) jeudi matin à la barre.

«Mon audition en France a été falsifiée»

«Je plaide non coupable», s’est exclamé celui qui est en détention depuis quatre ans et purge actuellement une peine de prison de cinq ans pour vol avec armes. «Je conteste tout. Mon audition a été falsifiée. Ce n’est pas ce que j’ai signé», a-t-il embrayé quand le président l’a rendu attentif au fait que ce n’est pas ce que retient le procès-verbal français. La remarque qu’il lui a lancée, «Vous avez le droit de mentir Monsieur, mais le policier n’a pas le droit. Autrement, il commet une infraction», n’aura rien changé.

«Est-ce qu’un aveu fait par un gamin de 18 ans est la reine des preuves? Je pense que non», considérera Me Pim Knaff dans sa plaidoirie. «Mon client a peut-être employé le mauvais terme en parlant de falsification… Mais les conditions dans lesquelles sont menés les interrogatoires en France lors des gardes à vue de 24 h ne peuvent être vérifiées. Cela ne fonctionne pas comme ça chez nous.» Il demandera l’acquittement pour absence de preuve. Ses condamnations lorsqu’il était mineur n’auraient pas le droit de faire pencher la balance, a-t-il ajouté.

On n’aura pas entendu le second prévenu de vive voix. Jordan C., qui ne conteste pas les déclarations faites à la gendarmerie française, avait préféré rester à Schrassig et se faire représenter par son avocat. «À l’époque, on a affaire à quelqu’un qui est en rupture sociale et affective et qui n’a plus aucun repère», plaidera Me Philippe Stroesser.

Pour le parquet, il y a suffisamment d’éléments pour retenir la culpabilité du duo pour le vol des trois voitures, les grivèleries et le recel du scooter.

Le parquet requiert 24 mois de prison

«Aujourd’hui, Alexandre H. nie tout, mais à l’époque il était bien clair. Et Jordan C. dit aussi l’avoir eu comme comparse.» Pour l’association de malfaiteurs seulement, il se rapporte à prudence de justice. «Je n’ai pas suffisamment d’éléments pour prouver qu’il y avait une organisation au préalable», dira sa représentante avant de requérir 24 mois de prison ainsi qu’une amende contre les deux prévenus. L’assurance du propriétaire de la Renault réclame un peu plus de 5 500 euros de dommages et intérêts au duo.

«Est-ce que vous voulez changer de déclaration?», retentera le président une dernière fois auprès d’Alexandre H. Il lui donnera aussi lecture des déclarations faites le 7 mars 2016 à la gendarmerie nationale. Le jeune homme campera sur sa position : «Je nie les déclarations.» Et ce, malgré les aveux de Jordan C.

La 12e chambre correctionnelle rendra son jugement le 30 juillet.

Fabienne Armborst