Sans les employés de bureau de la zone, majoritairement en télétravail, les commerces et restaurateurs du centre commercial font grise mine.
Pour un pays comme le Luxembourg, le télétravail a une incidence directe sur l’économie, notamment sur la restauration et les commerces.
Le problème est relativement simple. En travaillant depuis son domicile, le salarié ne va plus consommer son déjeuner au restaurant ou au snack du coin. Il n’ira pas non plus à la soirée afterwork dans le bar branché qui se trouve à deux pas du bureau ou à quatre stations de tram. Enfin, le télétravailleur ne se rendra pas dans la grande surface ni le magasin du coin avant ou après le travail pour y acheter deux-trois bricoles.
Du fait de la crise sanitaire, certains quartiers de la capitale sont déserts, alors même qu’ils ont été construits et pensés pour permettre aux employés de bureau et aux salariés de la zone de consommer le plus facilement possible. «Il suffit de se rendre au Kirchberg pour s’apercevoir que les rues sont vides à midi, alors qu’avant c’était noir de monde en costume-cravate et tailleur», rappelle Justin qui travaille depuis cinq ans dans le quartier. «Aujourd’hui, presque la totalité du plateau du Kirchberg est en télétravail. On tourne en effectif réduit, le service du midi est en baisse de 50 % et les soirées afterwork sont presque inexistantes. Le gars qui télétravaille ne va pas prendre sa voiture pour venir boire un verre ici, il ira faire ça à proximité de son domicile au mieux. Résultat, nous avons du mal à faire vivre l’activité alors qu’auparavant notre clientèle était exclusivement celle des bureaux alentours», explique un serveur d’un restaurant situé sur l’avenue J.-F.-Kennedy.
Même constat au sein du centre commercial Cloche d’or. En semaine, les clients descendent principalement des bureaux environnants. «D’après nos informations, les bureaux occupent actuellement 10 % de leur effectif dans notre zone de chalandise, le reste est en télétravail. Il est prévu qu’un retour à la normalité soit réalisé par étapes jusqu’à la rentrée. Mais en attendant, la situation est catastrophique pour les commerces de la Cloche d’or», explique Konstantin Kiermeier, représentant de l’Association des commerçants Cloche d’or.
Il faut dire que le lieu a été conçu en prenant en compte notamment le nombre d’employés actifs dans le nouveau quartier. La promesse de départ était un lieu accueillant en tout onze millions de visiteurs en un an. Aujourd’hui, cela paraît impossible. «Le domaine de la restauration dans lequel je suis et que je représente au sein de l’association a énormément de mal actuellement. Déjà dans le passé, le manque d’habitations autour était préjudiciable et l’on arrivait à s’en sortir grâce aux personnes qui travaillaient dans les bureaux autour et qui venaient faire leur pause de midi dans le centre commercial. Actuellement le domaine de la restauration subit une perte de 50 à 60 % des recettes», explique Konstantin Kiermeier qui n’est franchement pas pour le télétravail. «Au niveau du commerce, le télétravail n’est pas la solution d’avenir. Je peux comprendre les arguments en faveur de l’environnement et autre. Mais pour nous, les commerçants qui avons réalisé nos business plans en fonction du nombre de personnes dans la zone de chalandise, c’est évidemment une catastrophe.»
On ne veut pas un deuxième Belval
Pour le moment, il n’y a pas eu de faillite ni de départ d’enseigne au sein de la galerie commerciale qui regroupe près de 130 cellules commerciales. «Je ne veux pas broyer du noir, mais la plupart des commerces sont en train de réfléchir à partir ou à déposer le bilan. Nous sommes en négociation avec le bailleur afin d’éviter cela. Le bailleur comme les commerçants ont investi beaucoup d’argent et veulent éviter cela. Ce qu’il faut faire en premier lieu, c’est sauver les commerces. Si les enseignes commencent à partir, le lieu va être moins attractif. Nous voulons éviter ça, on ne veut pas un deuxième Belval», assure Konstantin Kiermeier avant de nuancer : «Je ne veux pas être péjoratif avec Belval, mais les débuts ont été difficiles pour les commerçants là-bas et où plus de la moitié des surfaces commerciales sont restées vides très longtemps.»
D’autant plus que les commerçants de la toute nouvelle galerie commerciale n’approuvent pas vraiment la façon de faire du bailleur en cette période de crise où la solidarité devrait être le maître-mot.
Ce n’est pas bien, ce n’est pas correct
Selon l’Association des commerçants Cloche d’or, contrairement aux autres galeries marchandes du pays, le bailleur, Ceetrus, n’a pas été des plus généreux avec ses commerçants. En effet, le bailleur a seulement offert de geler les loyers, alors que la concurrence les a offerts. «Nous avons beaucoup échangé sur le sujet avec le bailleur qui a décidé de faire quelques concessions, mais au cas par cas en annulant les loyers de certaines enseignes. C’est une bonne chose. Mais ce qui est regrettable, c’est que cela ne se fasse pas de manière transparente comme l’ont fait la Belle Étoile ou le City Concorde qui ont décidé d’agir de la même façon pour tous en renonçant aux loyers. Je trouve que c’est vraiment correct de leur part. Ici à la Cloche d’or, on se demande pourquoi Ceetrus fait du cas par cas, car le virus a touché tous les commerçants de la même manière. Ce n’est pas bien, ce n’est pas correct surtout si on regarde comment les autres centres commerciaux ont agi.»
Pour rappel et pour faire simple, Ceetrus appartient à 75 % au groupe Auchan. Les 25 % sont détenus par des actionnaires divers dont Flavio Becca. Autrement dit, des actionnaires solides d’un point de vue financier.
Désormais, les commerçants vont tout faire pour résister au calme habituel de l’été luxembourgeois et attendent avec impatience le mois de septembre qui doit être le véritable mois de la reprise. La rentrée, à condition que la situation sanitaire s’améliore, sera donc à suivre avec attention.
Jeremy Zabatta