Romain Schumacher a officiellement rendu son tablier de président du F91 vendredi matin. Il ne part pas qu’avec des titres et des épopées européennes, mais aussi avec de sacrés souvenirs.
Rien de prémédité.» Romain Schumacher n’a pas choisi la date de son retrait de la présidence du F91. Il l’avait déjà annoncée il y a trois semaines dans une interview qu’il nous avait accordée, mais sans révéler le moment, qu’il ne connaissait d’ailleurs pas. «C’est juste que là, je vois qu’on prépare la prochaine saison, que l’on va passer un cap et que c’était donc le moment. Surtout qu’au conseil d’administration du club, je sais qu’il y a les compétences pour trouver un successeur. Nous aurons une AG en septembre. On verra bien à ce moment-là.»
Comme il l’avait dit en juin, Romain Schumacher ne part pas. Il va mettre ses compétences au service de son club de cœur. Les finances ? Le sponsoring ? Le marketing ? Peu importe, il restera juste un peu plus dans l’ombre après être arrivé aux manettes en 1999 à la demande de Flavio Becca («Je dois tout à sa famille») et avoir laissé la barre une grosse dizaine d’années à Théo Fellerich quand il a intégré le CA de la FLF, au début du siècle : «Cela n’a duré que deux ans mais quand je suis revenu, Théo faisait ça tellement bien que je n’allais pas le déloger.»
Son retour aux affaires, au début de la décennie, a, heureux hasard pour lui, coïncidé avec la montée en puissance d’un club qui s’est offert coup sur coup deux phases de groupes en Europa League. Mais il jure que cela ne lui manquera pas : «Je vais prendre du recul. Moi qui suis souvent dans la critique, je vais tout observer avec plus de calme pour travailler mieux.» Il va surtout accepter d’avoir vieilli. Ces dernières semaines, conscient que son règne arrive à terme, il a passé beaucoup de temps à «consulter les archives». «Je me suis alors rendu compte que j’avais fait beaucoup de voyages et rencontré beaucoup de gens. Ce que j’ai vécu, en fait, c’est fantastique.»
Le joueur qui l’a le plus marqué
«Tony Vairelles a su se mettre à l’heure du F91»
«Aaaah… tous les joueurs me sont chers. Mais si je devais en sortir un, celui qui m’a le plus marqué pour son incroyable implication et sa gentillesse, ce serait Tony Vairelles. Voilà un pro avec un passé incroyable qui a su vraiment se mettre à l’heure du F91. Mais avant lui, dans le même genre, on avait eu Marco Morgante, un grand Monsieur et un joueur largement au-dessus du niveau local. Ou encore un Roger Lutz qui, avec son implication, nous a montré au début du siècle comment il fallait faire, dans le monde pro.»
Le coach qui l’a le plus marqué
«Michel, il avait vraiment tout compris»
«Le premier à m’avoir vraiment marqué de par son caractère, c’est Claude Hausknecht (NDLR : ancien joueur du FC Metz, passé au F91 en 1994 et 1996) mais sinon, il n’y a pas photo : Michel Leflochmoan ! Là, comme avec Morgante, on en revient aux grands messieurs du football. Et Michel, en plus, a connu un succès fou. Lui avait compris mieux que personne comment fonctionne le football au Luxembourg. Il avait aussi compris qu’il débarquait dans un club avec d’énormes moyens et que le plus important était de gérer le groupe. Ça, il l’a fait de main de maître. Il lui fallait mettre une bonne ambiance et par là, je ne veux pas dire organiser des « boums », hein ! Non Michel, il avait vraiment tout compris.»
Le titre qui l’a le plus marqué
«Beaucoup de gens me tapaient sur la gueule»
«Bon, en fait, mes premiers très grands souvenirs ne sont pas des titres mais des finales de Coupe perdues, contre Beggen (NDLR : en 1993 et 1994) parce qu’elles nous ramenaient quand même en Europe après des décennies d’absence et surtout parce qu’elles avaient créé une ambiance fantastique en ville avec les rues pleines de gens. On ne verrait pas ça partout au pays…
Sinon, forcément, le titre qui m’a le plus marqué, c’est le premier (NDLR : en 2000) parce qu’on attendait ça depuis tellement longtemps d’être de retour à la tête du pays… Les conditions, surtout, étaient difficiles puisqu’il était devenu évident, avant même le titre, que les entraîneurs allaient partir en fin de saison et moi, en tant qu’homme de main du sponsor, beaucoup de gens me tapaient sur la gueule. À la tête de l’équipe, il y avait quand même Angelo Fiorucci, avec qui j’avais joué, alors forcément, c’était très délicat.»
Je lui réponds que je viens du Luxembourg et lui me dit : « Alors on est des cousins ! Écoute, je suis là avec Constant Vanden Stock (NDLR : l’ancien légendaire président d’Anderlecht) et maintenant tu ne nous quittes plus. »
Ses rencontres les plus folles
«Ils sont peut-être sympas parce qu’on n’est pas dangereux»
«J’en aurais pour des heures à vous faire un inventaire. Mais je me rappellerai toujours de Michel Verschueren (NDLR : ancien célèbre manager d’Anderlecht). Voyez-vous, mon père, qui avait fait ses études à Liège, regardait beaucoup le football belge. Moi, j’aurais préféré regarder la Bundesliga mais bon… Et Verschueren, je le voyais toujours en interviews, à la télé. La première fois que je suis arrivé à l’ECA (NDLR : l’association européenne des clubs), je tombe sur ce type que je voyais toujours à la télé quand j’étais gosse. Il me remarque et comprend que je suis un peu perdu. Il me demande s’il peut m’aider et d’où je viens. Je lui réponds : « Du Luxembourg » et lui me dit : « Alors on est des cousins ! Écoute, je suis là avec Constant Vanden Stock (NDLR : l’ancien légendaire président du RSCA) et maintenant tu ne nous quittes plus, tu viens partout avec nous. Même aux repas, tu t’assoies avec nous, on va te présenter tout le monde. » Au fil du temps, ce monsieur est devenu comme un deuxième père pour moi.
Il y a d’autres gens que j’aime beaucoup qui sont très « footballeurs », très humains, très simples d’approche. Comme Andrea Agnelli, le président de la Juve, ou celui de l’OM, Jacques-Henri Eyraud. Après, ils sont peut-être aussi sympas avec nous parce qu’on n’est pas dangereux pour eux…
Mais il y a encore une personne dont je n’ai pas parlé et que j’ai rencontrée à Doha : Guy Roux (NDLR : le mythique entraîneur de l’AJ Auxerre). Il se trouve qu’on est assis côte à côte dans le bus qui nous amène manger au musée d’art islamique. Sur le chemin, il me demande : « Tu penses qu’on aura droit à un petit verre de chablis ce soir ? » Moi, un peu étonné, je lui réponds : « Excusez-moi mais on va quand même manger dans un musée d’art islamique… » Au final, on a eu du Coca au dîner (il rit). Mais sur le chemin du retour, il m’attrape : « Bon, on ne va quand même pas finir la soirée comme ça, on va quand même boire un petit coup hein ! ».»
Entretien avec Julien Mollereau
«Têtu comme moi»
Romain Schumacher a cette qualité rare : il aime parler et il n’est jamais avare d’un bon mot. La presse appelle ça un bon client. Alors avant de le voir prendre du recul, nous l’avons soumis à un supplice auquel il s’est prêté de bonne grâce, celui de nous dire, si possible en une phrase courte, ce qu’il retient de personnages marquants qui ont fait un gros bout de chemin avec lui.
Flavio Becca, le sponsor «Il a fait du F91 ce qu’il est devenu.»
Théo Fellerich, l’«autre» président «Le plus grand monsieur que j’aie rencontré dans le football luxembourgeois, qui associe la compétence à la gentillesse.»
Jonathan Joubert, son capitaine ancestral «De loin le meilleur gardien luxembourgeois même s’il est introverti, ce qui n’est pas forcément négatif.»
Manou Goergen, son bras droit moderne «Lui, c’est le jeune en devenir, qui s’est intéressé très tôt à la matière et a développé des compétences associées à d’énormes qualités humaines.»
Paul Philipp, le président de la FLF et meilleur «ennemi» «Un connaisseur hors norme de la chose technique, têtu comme moi, mais dans le coup pour ce qui est de la commercialisation du football.»
Son successeur, quel profil ? «Au conseil d’administration de décider mais ce que je sais, c’est qu’il pourrait y avoir des gens intéressants mais qui doivent être intéressés.» L’avenir du F91 «La formule exacte, ce serait « retour au village ».»