L’affaire de l’ex-prof du LTB poursuivi pour abus sexuels avait fait l’objet d’une rupture du délibéré. Près de six mois plus tard, rendez-vous jeudi après-midi avec son médecin qui dit qu’il souffre d’une maladie…
«Le parquet n’est pas intéressé de savoir s’il a une forte ou faible sexualité. La question de savoir si sa pulsion est un trait de caractère ou une maladie ne change rien pour le parquet. Il a enfreint la loi. Car il a choisi des mineurs plutôt que des adultes pour assouvir ses pulsions sexuelles.» Les premières minutes de l’audience, jeudi après-midi, auront suffi pour comprendre que la partie poursuivante dans le procès de l’ex-prof du lycée technique de Bonnevoie (LTB) ne partageait pas la position de la 9e chambre criminelle qui avait ordonné la rupture du délibéré, le 15 janvier dernier. L’enseignant suspendu depuis l’automne 2016 est poursuivi pour avoir eu des contacts sexuels avec des adolescents âgés entre 15 et 17 ans qu’il avait rencontrés sur internet sur une plateforme pour homos. Le parquet reproche également au quadragénaire d’avoir incité les mineurs à la prostitution en les payant pour leurs services sexuels et de leur avoir transmis des messages à caractère pornographique.
Même une addiction «n’excuse rien»
«Afin de permettre au tribunal de pondérer de manière plus juste la peine», son avocat Me Sébastien Lanoue avait fait parvenir après la clôture de débats de nouvelles conclusions. Le médecin traitant de son client était donc appelé jeudi à éclairer le tribunal. Celui qui exerce comme neuro-psychiatre et qui a vu le prévenu la première fois fin 2015 lui a diagnostiqué une «addiction au sexe». Face aux juges, le spécialiste a encore parlé d’une «obsession» et d’un «alcoolique du sexe».
Le parquetier Laurent Seck filera cette métaphore : «Si vous êtes alcoolique et cassez la vitrine d’un magasin pour une bouteille de vodka, c’est quand même une infraction. Cela n’excuse rien.» Ce que constate la partie poursuivante est non seulement que la défense arrive «trop tard après clôture des débats» avec ces nouveaux éléments, mais aussi que ce diagnostic est diamétralement opposé aux conclusions de l’expert psychiatre mandaté dans cette affaire. Ce dernier l’a reconfirmé jeudi : «Le prévenu ne présente pas de maladie. Et il est pleinement responsable de ses actes.» «La dépendance à la sexualité, ce diagnostic n’existe pas», dira-t-il encore. Et même d’après le nouveau barème des pathologies à paraître début 2022, le diagnostic de cette maladie mentale ne pourrait être posé sur le prévenu. Mais ce n’est pas pour autant qu’il ne pourrait pas profiter d’une thérapie.
Les mineurs : «C’est plus facile et moins cher»
«Il avait une impulsion forte sur laquelle il n’avait pas d’emprise. Par sa thérapie, il a retrouvé un certain contrôle pour ne plus être contraire à la loi», plaidera Me Lanoue. Le parquetier reviendra à charge : «On ne lui reproche pas son impulsion, mais de l’avoir canalisée sur des moins de 18 ans et des moins de 16 ans. Aussi fort que soit son désir, il a pris cette décision. C’est plus facile et moins cher d’aller chez les mineurs que chez les prostitués mâles adultes. C’est ça que le parquet lui reproche.» Et d’ajouter : «Aujourd’hui, il se cache derrière cette maladie pour espérer que le tribunal en tienne compte lors de la détermination de la peine. Il manque de repentir.»
«Il a reconnu sa responsabilité. Il ne se cache pas derrière sa maladie. Il s’en explique, mais il ne s’en excuse pas», rétorquera l’avocat. «On fournit ces éléments pour que le tribunal puisse les prendre en considération dans le quantum de la peine.» «Je ne me cache pas derrière mon addiction au sexe», réaffirmera le prévenu de 46 ans à la toute fin.
Le parquet maintient son réquisitoire : dix ans de réclusion
En tout cas, le parquetier ne bougera pas d’un iota. Il se rallie aux réquisitions qu’il avait faites fin novembre, c’est-à-dire qu’il demande que l’ex-prof, qui était aussi attaché de direction à l’époque, soit condamné à dix ans de réclusion. À l’époque, il avait parlé d’un «prédateur sexuel» qui aurait «chassé sur les sites de rencontre». Au cours de ces cinq ans, 14 victimes auraient pu être comptabilisées. Seule une n’avait pu être identifiée. Au moins un des garçons n’avait pas atteint l’âge de 16 ans au moment des faits. Par conséquent, il ne pouvait donner son consentement, et donc il y aurait bien eu viol.
À noter que dans cette affaire, il y a également eu constitution des parties civiles. Un jeune homme, qui avait déposé plainte pour viol, s’était suicidé en juin 2019. Me Michel Karp, représentant les parents et les frère et sœurs de la victime, avait dès la première audience du procès fin novembre réclamé un total de 320000 euros de dommages et intérêts.
Prononcé le 30 juillet.
Fabienne Armborst