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Demandeurs d’asile laissés dans la rue, sans ressources : la France condamnée par la CEDH


"C'est une situation bien connue sur des cas qui se sont déroulés entre 2012 et 2015, mais cette situation n'a cessé de perdurer depuis", a estimé de son côté Pierre Henry, président de France Terre d'Asile (Photo d'illustration : AFP).

La France a de nouveau été sévèrement condamnée jeudi par la Cour européenne des droits de l’Homme, cette fois pour avoir laissé à la rue et dans des conditions « inhumaines et dégradantes » trois demandeurs d’asile, sa quatrième condamnation en moins d’un mois devant la CEDH.

« Les autorités françaises ont manqué (…) à leurs obligations » à l’encontre des trois majeurs isolés, afghan, russe et iranien, âgés de 27, 33 et 46 ans et qui avaient déposé leurs demandes d’asile en 2013 et 2014, a pointé dans un communiqué la juridiction basée à Strasbourg. « Elles doivent être tenues pour responsables des conditions dans lesquelles les requérants se sont trouvés pendant des mois, vivant dans la rue, sans ressources, sans accès à des sanitaires, ne disposant d’aucun moyen de subvenir à leurs besoins essentiels et dans l’angoisse permanente d’être attaqués et volés », conclut la Cour. Cette décision a été accueillie avec satisfaction par les associations de défense des migrants, qui dénoncent depuis des années l’extrême précarité dans laquelle vivent de nombreux demandeurs d’asile. « C’est cette réalité que l’on dénonce depuis des années à Calais, à Paris ou en Ile-de-France. Cette population n’a accès à rien du tout », a déclaré  Yann Manzi, président d’Utopia56.

« C’est une situation bien connue sur des cas qui se sont déroulés entre 2012 et 2015, mais cette situation n’a cessé de perdurer depuis », a estimé de son côté Pierre Henry, président de France Terre d’Asile. C’est « la conséquence d’une politique publique de premier accueil où l’hébergement devrait être obligatoire mais dans les faits ne l’est pas pour autant », a-t-il ajouté, appelant à « repenser le dispositif national d’accueil » (DNA) de la France, pays qui a enregistré en 2019 138.420 premières demandes d’asile, selon le ministère de l’Intérieur. Les requérants, qui vivaient à Paris et Carcassonne, « ont été victimes d’un traitement dégradant témoignant d’un manque de respect pour leur dignité », pointe encore la juridiction chargée de veiller au respect des droits de l’Homme au sein des 47 pays du Conseil de l’Europe. Elle observe encore que les trois hommes ont « vécu dans la rue sans ressources financières », ne percevant l’Allocation temporaire d’attente (ATA) qu’après des délais très longs.

« Sentiments de peur, d’angoisse ou d’infériorité »

Pour les juges strasbourgeois, « cette situation a suscité chez eux des sentiments de peur, d’angoisse ou d’infériorité, propres à conduire au désespoir ». La Cour prend toutefois bien soin de « souligner qu’elle est consciente de l’augmentation continue du nombre de demandeurs d’asile depuis 2007 et de la saturation » des structures d’accueil. Elle reconnaît également « les efforts consentis par les autorités françaises pour créer des places d’hébergement supplémentaires et pour raccourcir les délais d’examen des demandes d’asile ». Néanmoins, elle estime que « ces circonstances n’excluent pas que la situation des demandeurs d’asile ait pu être telle qu’elle est susceptible de poser un problème » quant au respect par la France de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (interdiction des traitements inhumains et dégradants). La CEDH a donc conclu « à l’unanimité » à la violation de cet article et a notamment alloué 10 000 euros à deux des requérants et 12.000 euros au troisième au titre du dommage moral. C’est la quatrième fois que la France est condamnée par la CEDH en moins d’un mois. Début juin, elle avait été condamnée pour ne pas avoir pris de mesures suffisantes pour protéger la petite Marina, morte en 2009 sous les coups de ses parents. Mi-juin, la Cour avait estimé que la France avait violé la liberté d’expression de militants pro-Palestine, condamnés pour avoir appelé au boycott de produits israéliens. Et fin juin, elle avait été condamnée pour le renvoi « expéditif » vers les Comores de deux enfants entrés illégalement à Mayotte.

AFP