La Ligue a installé une femme à sa tête. Et si Karine Reuter, la présidente du RFCU, était celle qui parvenait enfin à faire exister la LFL et ses singularités élitistes dans le paysage du foot luxembourgeois?
Propulsée à la tête de la Ligue lundi soir, Karine Reuter veut être celle qui parviendra enfin à faire passer un cap décisif à la LFL, à un moment de grands bouleversements. Elle semble vouloir s’emparer fermement de l’opportunité.
Pourquoi vous êtes-vous présentée?
Karine Reuter : En fait, on a tous décidé ensemble. Et on s’est dit que je pouvais être la personne pour assumer des responsabilités… dans ce monde d’hommes. Je crois qu’en tant que Ligue nous pouvons réaliser beaucoup de bonnes choses. Parce qu’on a une fédération qui s’occupe de tous les clubs, mais la Ligue doit servir à s’occuper des soucis de la DN. La fédération a une vocation générale, nous, on a nos propres soucis et ils sont très spécifiques parce qu’on ne va pas se mentir : on commence quand même beaucoup à se professionnaliser.
Ressentez-vous ce moment comme un instant charnière, justement?
Je crois que oui, c’en est un. Je crois surtout que c’est un moment où il nous faut adopter une autre politique. Aller dans le sens de la conciliation, mais aussi affirmer qu’on a notre mot à dire. J’ai eu un entretien personnel avec Paul Philipp et Jean-Jacques Schonckert (NDLR : l’un des vice-présidents de la fédération). Il a été très positif, mais tout reste à faire. J’espère encore beaucoup de réunions dans les semaines à venir.
Votre mission, quelle est-elle?
Vu le cadre dans lequel nous évoluons désormais, je dirais que ma mission, c’est de parvenir à changer notre mode de fonctionnement. Nous, les clubs de DN, avons réalisé que nous avons besoin de solidarité, même s’il est évident que les clubs de bas de tableau ont des soucis différents de ceux du haut de tableau. Nos points communs sont plus nombreux que ces divergences et c’est sur cela que nous devons travailler pour obtenir des résultats. Mon mandat sera réussi, aussi, dès que la FLF nous reconnaîtra comme un partenaire de discussion d’égal à égal, que nous serons reconnus comme un organe consultatif avec une relation dans laquelle chacun respecte l’autre.
Par exemple en septembre, quand la FLF envisage de réunir l’intégralité de ses clubs pour se pencher sur l’avenir du football national?
Oui, enfin nous avons déjà une première chose à résoudre : comment jouer la saison prochaine? Discuter du futur du football luxembourgeois, ce ne sera que le deuxième chantier. Mais lors de notre réunion de lundi, à la Ligue, nous avons convenu que lors de cette réunion de septembre, nous ferions nos propres suggestions. Nous allons élaborer une idée commune que nous présenterons.
Je n’ai jamais rencontré le moindre souci avec la misogynie
Nombre de joueurs sur le banc de touche, période des transferts, nombre de premières licences sur la feuille de match, formation… les dossiers sur la table de la Division nationale ne manquent pas. Votre priorité, à vous?
Si je dois répondre à cette question, je me remets dans la peau de présidente du RFCU. Et pour moi, le plus important, c’est le mode de fonctionnement de la formation et de l’école de foot de Mondercange. Nous devons absolument étudier la question de savoir comment faire fonctionner ça mieux.
Comment parvenir à faire admettre un peu mieux la LFL dans le paysage?
Aucune idée. Je vais sans doute le découvrir dans les semaines à venir. Mais je tâcherai, dans les échanges que nous aurons avec la FLF, de faire comprendre que cela nous rapporterait plus d’aller chercher des solutions ensemble plutôt que de se livrer des batailles au travers des médias…
Puisqu’on parle de batailles : l’arme du boycott, brandie depuis plus d’une semaine par votre prédécesseur, Pascal Wagner, est-elle toujours à l’ordre du jour pour faire reculer la fédération sur sa volonté d’une deuxième saison de transition à 15 clubs?
Comme je vous l’ai dit, mon entrevue avec le président Philipp a été très positive. Celle de lundi avec les clubs également. Nous nous sommes tous mis d’accord à propos d’une solution que nous présenterons à la FLF lundi soir prochain et je suis assez certaine que nous sortirons de cette réunion avec un consensus.
Commencer votre mandat par une solution négociée avec la FLF après que cette dernière a pris sa décision « unilatéralement », comme le disait la Ligue il y a encore peu, ce serait déjà une belle petite victoire.
Oui, ce serait bien. En tout cas, cela aurait déjà été bien plus rapide qu’au RFCU, car cela m’a pris beaucoup plus de temps là-bas avant de voir le bout du tunnel.
Cela nous rapportera plus de chercher des solutions ensemble que de se livrer des batailles au travers des médias
Justement, on a fêté en mars vos quatre ans de présidence. Êtes-vous loin de ce à quoi vous aspiriez?
On avait trois grands chantiers : l’équipe première, l’académie et l’équipe dames. Sans ordre de préférence. Pour ce qui est de l’académie, on a vraiment bien travaillé, une structure s’est mise en place et Vivian Reydel abat un travail formidable, on a atteint un niveau exemplaire à l’échelle du Grand-Duché. Notre première équipe affichait, elle, un déficit de 2 millions d’euros et aujourd’hui, tout est arrangé. Et je tiens à préciser que non, je ne les ai pas mis de ma poche. Je ne voulais pas payer pour un passé qui était du grand n’importe quoi. Donc on ne gère pas comme un F91, qui a un budget de 2, 3 ou 4 millions d’euros, on cuisine avec d’autres recettes. Mais avec un rapport qualité-prix différent, on est devenus très stables.
Pour rester sur le Racing, vous dénotez dans ce mercato estival : vos concurrents directs sont hyperactifs. Pas vous.
Oui, on est très tranquilles. Parce qu’on est contents de notre équipe et aussi parce que je n’ai pas envie, personnellement, d’avoir à apprendre dix nouveaux noms chaque mois de juillet. Je préfère avoir la même équipe et Illiès (NDLR : Haddadji, le nouveau directeur sportif) l’a très bien compris. Il fait de l’excellent travail.
LA question à laquelle vous devez vous attendre, pour finir : vous attendiez-vous à ce que tous ces présidents de clubs confient la direction de leur groupement à une femme?
Oh vous savez, je travaille beaucoup dans l’immobilier en tant que notaire et ça aussi c’est un monde très masculin. Je suis habituée et très franchement, je n’ai jamais rencontré le moindre souci avec la misogynie. En général, les hommes voient plus de problème dans le fait que je suis têtue. Et parfois même très têtue. Mais en général, je suis partisane de trouver un consensus. Toujours.
Mais si vous faites consensus après avoir été la première femme à diriger un club de DN, étant élue à la tête du groupement après quatre ans de gestion, quelle est la prochaine étape? La présidence de la FLF?
(Elle éclate de rire) Franchissons déjà ce pas de la Ligue.
Entretien avec Julien Mollereau