Nouvel acte des joyeuses a ajouté une dimension épique inédite: aventures estivales du FC Differdange 03, la qualification contre Bala Town, jeudi, même quand il ne le mérite pas forcément, il arrive désormais à passer.
À dix secondes près, Differdange était dehors. C’eut été immérité sur l’ensemble des deux matches, pas sur la seule production du match retour.
Il y a eu de la satisfaction, du soulagement et quand même un petit peu de frustration, jeudi soir, au sortir de la qualification contre Bala Town. C’est que, quand on franchit un tour de Coupe d’Europe quatre fois lors des cinq dernières années, et même qu’on atteint le 3e tour deux fois dans le même laps de temps, on ne peut pas ne pas développer un certain degré d’exigence nécessaire pour recréer les conditions de l’exploit chaque été. C’est humain. Plus on y goûte, plus on en reveut!
Concrètement, Differdange y a tellement pris goût, à ces 2e tours d’Europa League, qu’il se fait lentement un devoir d’y être. Et puisqu’il sait avoir largement les moyens de battre des équipes comme Bala Town, ne pas avoir complètement maîtrisé son sujet au pays de Galles et avoir dû s’en remettre, un peu, au hasard d’un exploit non pas de dernière minute, mais carrément de dernière seconde, cela lui gâche un peu le plaisir. Un peu seulement, parce qu’il n’a pas le temps de s’en formaliser : Marc Thomé et ses gars ont encore bien des choses à faire avant que la Division nationale ne reprenne. Entre autres s’assurer que cette campagne soit à la hauteur des précédentes pour soigner sa légende.
Le FCD03 a-t-il eu de la chance ?
Dans le timing et dans le scénario du match tel qu’il s’est déroulé contre Bala Town, oui, énormément. Quasi miraculeuse même. Arracher une qualification ainsi, à l’arrachée, ne leur était jamais arrivé. Jusque-là, ils avaient toujours très largement mérité ce qui leur arrivait et le franchissement d’un tour ne souffrait jamais la contestation. Même quand il a passé Tallinn en 2011, en restant bas, il y avait une forme de consécration logique à accéder au 2e tour : c’était le prix du sérieux et de la rigueur d’une première qualification souhaitée, réfléchie… et obtenue.
Là, après avoir reçu le prix de la virtuosité de la première demi-heure du match aller face à Bala Town et sans avoir été infâme durant tout le reste de sa prestation grand-ducale, il a, pour ainsi dire, complètement raté tout ce qu’il voulait faire au Royaume-Uni. Signant une grande première : la qualification pas complètement méritée. Mais si le cynisme est une nouvelle corde à son arc, on signe tout de suite, cela peut toujours servir.
Le FCD03 est-il guetté par la routine ?
La preuve que non : à qualité d’adversaire très légèrement supérieure, le Progrès Niederkorn, en manque d’expérience, a plongé un peu contre le cours du jeu. Tandis qu’à qualité moindre, l’UC Dublin a piégé le F91. Bref, que ce soit par manque de repères à ce niveau ou par manque complet de réalisme, le résultat est le même : les autres clubs luxembourgeois se font sortir même quand ils devraient passer et le FC Differdange 03, lui, est toujours là.
Mais le challenge, cette saison, va devenir d’autant plus intéressant qu’il va se doubler de la nécessité pour Marc Thomé d’apprendre à gérer un effectif de plus en plus compétitif et resserré. Le FCD03 a toujours bâti ses épopées au mental. Il en a, de fait, de moins en moins besoin puisque individuellement et donc collectivement, le niveau ne cesse d’augmenter. La ligne défensive, par exemple, dégage désormais une sérénité toute aussi intéressante que la créativité de la ligne d’attaque. Dans ces cas-là, il arrive que les préoccupations individuelles détricotent le projet collectif. Il fallait une sacrée force de caractère tout de même pour y croire jusqu’au bout, même si c’est aussi le fonds de commerce du club en DN que ces périodes d’arrêts de jeu. Donc non, le FCD03 ne devient pas lentement suffisant. C’est juste qu’il progresse.
Le FCD03 peut-il battre Trabzonspor ?
Très bonne question, merci de l’avoir posée. Théoriquement, en 2013, il ne devait pas battre Utrecht non plus. Or les Pays-Bas jouissent, pour une place seulement, d’un meilleur classement UEFA que la Turquie pour ce qui est du football de clubs. Il n’y aurait donc pas de raison d’écarter l’hypothèse de l’exploit, d’autant que face à Tromsø deux semaines plus tard, on avait frôlé le deuxième.
Bon, il s’agit là d’une vision de l’esprit car on a bien vu, face au PSG deux ans plus tôt, ce que cela pouvait donner (0-4, 2-0) contre une équipe au potentiel véritablement avéré et animée par des joueurs dotés d’un talent évident, ce dont manquait furieusement Utrecht (sans que cela minimise la portée de l’exploit majuscule réalisé à l’occasion) hormis son attaquant, Mulenga, auteur d’un quadruplé sur les deux rencontres. Trabzonspor est doté de joueurs au talent incontestable (lire ci-dessous) et brasse assez d’argent et d’ambitions pour que des noms comme ceux de Balotelli ou Mexès circulent ou aient circulé autour de son mercato estival.
Là, Differdange est coincé entre son envie de faire taire tous les rêveurs, c’est-à-dire la réalité… et son histoire récente qui, elle, relève du rêve éveillé. Mais il aurait raison de s’en tenir à sa sagesse plutôt qu’à toute autre chose. Car physiquement, l’affaire sera compliquée : à force de petits trajets agaçants au pays de Galles, son hôtel étant situé à une heure de l’aéroport (qui était à deux heures de bus de Differdange) et une autre heure du stade, les joueurs y ont lâché des forces. Et Trabzonspor, quatre jours seulement après son retour, s’annonce comme un nouveau périple, avec bus jusqu’à Düsseldorf puis changement d’avion à Istanbul. Mais bon, vu que maintenant, les Rouge et Noir donnent dans le miracle…
Julien Mollereau