Pour Céline Veitman, psychopédagogue, cette rentrée est une bonne chose. Les enfants vont se revoir et découvrir de nouvelles activités, plus individuelles mais pratiquées ensemble.
Quand il a reçu une tablette flambant neuve le jour de ses 7 ans en avril dernier, Tiago savait que l’outil informatique lui servirait surtout à faire ses devoirs. Jusqu’ici, sa maman ne disposait que de son smartphone pour rester en contact avec l’institutrice de son fils et ne parvenait pas à rejoindre le réseau mis en place. Grâce à sa tablette, Tiago a pu se connecter au groupe et il aurait fallu immortaliser sa joie quand il a revu tous ses petits camarades à l’écran.
«Je pense que c’est une très bonne chose de reprendre l’école car l’impact sanitaire est moindre en comparaison au coût psychologique du confinement pour les enfants», estime Céline Veitman, praticienne en psychologie et psychopédagogie positive que nous avions rencontrée lors d’un de ses cours de philosophie pour les petits écoliers. Elle évoque cette période d’isolement très «perturbante» pour l’enfant qui se retrouve face à la seule «autorité parentale».
Bien sûr, tous ces gestes barrières sont angoissants pour les enfants comme pour les parents qui imaginent leur progéniture isolée dans un coin de la classe n’osant pas dépasser le cercle qui définit désormais un petit périmètre de sécurité. Les conditions de cette rentrée ne sont peut-être pas optimales mais elles sont ce qu’elles sont vu le contexte. «Le fait de reprendre l’école, de récupérer des petits rituels comme des horaires plus structurants, c’est un bénéfice pour les enfants», explique Céline Veitman.
Des nombreux retours qu’elle a eus de parents, elle a pu en conclure que les enfants se sont montrés plus irritables pendant le confinement, ont eu le sommeil difficile et un appétit moindre. «Le fait de se remettre en route est la meilleure chose qui puisse arriver à l’enfant», poursuit-elle en regrettant que ses propres enfants, de 4 et 7 ans, ne puissent pas en faire autant. Scolarisés à l’École européenne, ils ne retrouveront les bancs de la classe qu’en septembre prochain. «C’est terrible ce manque de contacts sociaux alors que le vivre-ensemble est fondamental pour les enfants. Les miens veulent retourner à l’école et sont très déçus», déplore-t-elle.
Taï-chi ou yoga
Elle rappelle que personne n’a vécu une situation comparable en étant petit. «Du jour au lendemain, les enfants se sont retrouvés seuls, sans leurs copains, sans leurs jeux, pour vivre à la maison confinés, parfois dans un contexte difficile avec des parents qui ont peur de perdre leur travail, des parents qui ne parlent pas allemand, qui n’ont pas les ressources numériques», énumère-t-elle.
Il y a toujours des parents sceptiques qui craignent que les exigences sanitaires imposées dans le cadre de cette reprise ne perturbent encore davantage les enfants. «Au niveau des activités, ce sera très différent, c’est évident, mais les enseignants sont très créatifs et ils ont mis en place des activités comme des séances de taï-chi que je trouve très sympas, ou encore du yoga. Donc les enfants font une activité ensemble, c’est ce qui est primordial, mais intrapersonnelle.»
Céline Veitman estime au contraire que cette période particulière qui impose l’école une semaine sur deux peut être bénéfique pour l’enfant. «Il retourne à l’école avec des activités différentes, aura des cours plus soutenus avec un éducateur, plus de temps pour réviser, c’est presque mieux comme pédagogie», explique-t-elle.
Avec dix enfants par classe, les risques de contamination sont limités et une relation qualitative s’instaure entre enseignants et écoliers. Il va falloir expliquer aux enfants pourquoi la classe est désormais scindée en deux groupes. «En revanche, afin que tous les élèves puissent se voir quand même, on pourrait imaginer des activités en extérieur, organiser une chorale, par exemple», suggère-t-elle.
Proposer des activités barrières
Il est à redouter que les parents qui remettent les enfants à l’école mais qui ont peur communiquent ce sentiment d’angoisse à l’enfant qui ressentira cette tension. «L’enfant risque de se restreindre lui-même et de refuser de participer à certaines activités parce que ses parents lui ont interdit de le faire», craint Céline Veitman.
Pour elle, la clé de la réussite de ce déconfinement est de mener les enfants vers des activités barrières. «On peut leur proposer des activités qui ne sont pas angoissantes et c’est la préparation pédagogique des écoles. Au niveau de l’intelligence collective, on peut faire des tas de choses», explique la psychopédagogue.
Et il faudra s’y faire parce que le virus «ne va pas partir du jour au lendemain comme chacun sait» et les parents ne peuvent plus gérer une quinzaine de photocopies de devoirs par jour entre les différents niveaux d’enseignement de leurs enfants. «Les enfants sont capables de comprendre les nouvelles règles et il faut leur expliquer qu’ils ne vont pas mourir parce qu’ils sortent dans la rue», conclut Céline Veitman.
Geneviève Montaigu