Selon les modèles évaluant le retour progressif à la normalité, une deuxième vague mortelle du Covid-19 n’est pas à exclure. La vigilance, combinée à un étroit suivi du déconfinement, reste donc de mise.
Les prochaines étapes du déconfinement ne pourront se faire que si la population continue à respecter les règles», a encore une fois souligné le Premier ministre, Xavier Bettel, mardi, devant la Chambre des députés.
La peur d’une deuxième vague d’infection du Covid-19 reste en effet présente. Le fait que le nombre de nouvelles infections et d’hospitalisations est en baisse constante n’y change rien. Mardi soir, le taux de reproduction du virus était de 0,99 (une personne positive au coronavirus infecte potentiellement une autre personne). Tous ces signes sont positifs. Mais avec la réouverture des commerces depuis lundi, quelque 25 000 salariés sont de retour sur le terrain. Ils se rajoutent aux 63 000 travailleurs qui ont repris le travail dès le 20 avril (ouvriers de chantier et employés des centres de bricolage et de recyclage). S’y ajoutent les milliers de lycéens de retour en classe depuis cette semaine.
Le pays entre donc dans une phase décisive du déconfinement, qui aura certainement son prix. «Il est important de rappeler que l’épidémie ne prendra fin qu’avec la découverte d’un vaccin», souligne la task force Covid-19 dans un rapport intermédiaire, présenté jeudi dernier. Les chercheurs estiment que l’élaboration d’un vaccin prendra encore entre 6 et 18 mois. En attendant, les scientifiques ont établi 14 scénarios évaluant l’impact du déconfinement progressif.
Mardi, le député pirate Sven Clement a déploré à la tribune de la Chambre que les chercheurs se sont contentés de publier des graphiques sans livrer les données chiffrées. «Je vais transmettre votre demande à l’université du Luxembourg. Ces données n’appartiennent pas au gouvernement et je ne suis donc pas en mesure de vous les fournir», se justifie le Premier ministre.
Sven Clement a également critiqué que le scénario qui est d’application depuis cette semaine (ouverture des commerces plus visites privées) ne fait pas partie des prévisions. «On s’est basé sur le scénario concernant les visites à domicile. Il s’agit du plus réaliste», rétorque Xavier Bettel.
Seconde vague en septembre, 400 décès d’ici mars 2021
La courbe choisie par le gouvernement tient donc compte de l’autorisation d’accueillir à nouveaux 6 invités par ménage.
Comme indiqué la semaine dernière par la ministre de la Santé, un des facteurs clés pour accompagner le déconfinement est la capacité d’accueil des lits en soins intensifs. Le cap des 90 patients (ligne rouge) ne doit pas être dépassé, faute de quoi les restrictions pourraient à nouveau devenir plus sévères.
Selon ce premier scénario, repris ci-dessous, une seconde vague d’infection pourrait déferler en septembre sur le pays. Le nombre de personnes admises en soins intensifs se stabiliserait toutefois aux alentours de 40 patients. Le nombre de personnes décédées des suites du Covid-19 pourrait lui atteindre le seuil des 300 victimes en novembre et augmenter à 400 en mars 2021.
Le tout est bien entendu lié au respect des mesures de précaution et des gestes barrières. «Il ne faut pas oublier ces mesures en rendant visite à ses proches», souligne le Premier ministre.
Hôpitaux débordés, jusqu’à 1 000 décès
L’impatience continue à gagner le secteur de l’Horeca. Or la réouverture des cafés et restaurants va constituer un véritable casse-tête pour le gouvernement, du moins si l’on tient compte des prévisions de la task force. Le second graphique reproduit ci-dessous combine l’effet des visites à domicile et la réouverture des restaurants.
Le nombre de patients admis en soins intensifs risque de tourner autour des 120 entre septembre et octobre. D’ici mars 2021, le cap des
1 000 décès liés au Covid-19 serait atteint.
Retard pour les tests, pourtant primordiaux
Les chercheurs de la task force insistent sur l’importance des tests de la population ainsi que du traçage des nouvelles infections pour gérer au mieux le déconfinement. Paulette Lenert indique qu’une combinaison de critères va permettre de prendre les prochaines décisions.
Mardi, les députés de la commission de la Santé ont cependant été obligés d’apprendre que les tests de dépistage à grande échelle ne pourront pas démarrer comme prévu le 19 mai. Le gouvernement s’est procuré 330 000 tests pour 3,66 millions d’euros. Mais la logistique fait encore défaut. «Il est bizarre que la capacité des laboratoires ne suive pas l’ambitieux objectif de réaliser 20 000 tests par jour», constate Claude Wiseler. Si le député CSV dit «comprendre l’urgence» dans laquelle le gouvernement se doit d’agir, il réclame une communication plus claire.
Pour accompagner le déconfinement, il était annoncé que de larges contingents de la population allaient être testés. En cas d’anomalie, des isolements ciblés sont prévus. Après les ouvriers et les élèves des classes terminales, ce sont les commerçants qui sont actuellement testés. Le passage à des tests à plus grande échelle prend du retard. «Il s’agit d’une situation exceptionnelle. Le plus important est de ne pas perdre de vue l’objectif qui reste celui de maîtriser au mieux le virus», conclut Mars Di Bartolomeo (LSAP), président de la commission de la Santé.
David Marques