« On a doublé les postes et la cadence ! »: un centre de traitement des déchets à Ludres (Meurthe-et-Moselle) s’est réorganisé pour absorber l’afflux de déchets infectieux, masques, gants, surblouses ou charlottes, liés à l’utilisation accrue de protections contre le Covid-19 dans les hôpitaux.
Au CHRU de Nancy-Brabois, les volumes de déchets produits ont bondi. Dans le service pneumologie, transformé en unité de soins Covid-19, Gauthier, infirmier de 37 ans, jette un sac jaune dans une benne dédiée aux déchets d’activités de soins à risques infectieux (dasri), dans un local au fond d’un couloir. Le grand sac, sur lequel sont inscrits la date et le numéro du service, contient un carton fermé dans lequel a été glissé… un autre sac, renfermant masques, surblouses, gants et autres matériels de protection.
À chaque fois qu’un agent entre dans une chambre pour s’occuper d’un malade du coronavirus, il s’équipe dans le sas attenant, puis retire tout en sortant. « On se change toute la journée pour éviter de transporter des germes dans le couloir et les autres chambres », explique Gauthier. Quatre fois par jour, des agents récupèrent les bennes au couvercle jaune, qui sont acheminées au centre de valorisation des déchets Veolia à Ludres, à quelques kilomètres de l’hôpital.
« Si on ne collecte pas un jour les déchets, on bloque l’hôpital », résume Ambre Bastien, directrice de la collecte en Lorraine sud à Veolia. Le groupe traite 55 000 tonnes par an de dasri, soit un tiers du volume produit en France. Aucune des 12 unités d’incinération de Veolia en France n’a été saturée, mais « on a rencontré des difficultés, car ce sont des augmentations inédites (+60% en volume, +30% en tonnage), sur des périodes très concentrées », relève Marc-Antoine Belthé, directeur de la filiale recyclage et valorisation des déchets pour Veolia. « On a accueilli sur nos unités d’incinération en Normandie ou dans les Hauts-de-France certains flux qui n’avaient pas pu être traités dans les temps » par un autre acteur du secteur en région parisienne, précise Marc-Antoine Belthé.
La semaine dernière, la ministre de la Transition écologique française, Elisabeth Borne, avait assuré étudier « toutes les solutions pour éviter une accumulation de ces dasri dans les enceintes des hôpitaux (…) pour les envoyer dans des régions voisines moins saturées ou les stocker temporairement ».
Aucune « contamination avérée des salariés »
À Ludres, où tous les types de déchets sont traités, il a fallu se réorganiser pour s’adapter au surcroît d’activité. « On a doublé les postes et la cadence! », relate Joël Keller en combinaison orange, directeur du traitement, en gardant un œil sur les bennes scannées à peine déchargées du camion. « Je dois savoir d’où viennent les bacs, à quelle heure ils sont arrivés et j’ai 72 heures pour les incinérer », ajoute-t-il.
En temps normal, les bennes patientent cinq à six heures avant d’être englouties dans l’un des deux fours qui consument sept tonnes de déchets ménagers et de dasri à l’heure, à une température moyenne de 1 100 °C. Avec la crise sanitaire, le délai d’attente a été réduit à deux heures. À côté, Franck, un foulard coloré sous son casque, vêtu d’une surblouse et de deux paires de gants, les manœuvre une par une pour les faire entrer dans un ascenseur. Après une ascension de 25 m environ, la benne se renverse dans un wagonnet qui file ensuite sur des rails vers un four. Tout est automatisé, mais le technicien peut intervenir sur un tableau de bord doté d’un écran. « On n’a pas le droit à l’erreur. On a mis tous les moyens en œuvre et on réussit à suivre », souligne Joël Keller.
L’usine de Ludres est la seule à incinérer les déchets infectieux du secteur. Parmi les bacs, qui doivent être hermétiques, quelques couvercles peinent à fermer à cause de sacs qui dépassent. La procédure de gestion des dasri impose pourtant « zéro contact » entre les salariés et les déchets, rappelle le directeur du site, David Bourgatte. « On fait tout ce qu’il faut pour que personne ne soit en contact avec le virus, mais ça reste une activité à risque », glisse Joël Keller. Aucune « contamination avérée des salariés qui travaillent sur ce segment des dasri » n’est à déplorer, précise Marc-Antoine Belthé.
AFP/LQ