Des hôtels qui refusent de décaler les réservations ou de rembourser les clients, des billets d’avion peut-être perdus et au final des ardoises salées: les passionnés qui comptaient assister cet été aux Jeux olympiques de Tokyo-2020, reportés d’un an en raison du coronavirus, naviguent entre inquiétude et fatalisme.
Lisa Delpy, professeure américaine de Management du sport à l’Université de Washington, avait réservé 31 chambres pour ses étudiants, pour 28 nuits. Montant de la facture: 90.000 USD (82.300 EUR). Si elle ne demande pas le remboursement, en espérant que ses étudiants pourront se libérer dans un an pour des JO désormais prévus du 23 juillet au 8 août 2021, elle n’a cependant « aucune garantie » que ses réservations d’hôtels et d’avion pourront être reportées d’autant. « La seule information dont on dispose, c’est que cela va prendre du temps », explique cette passionnée qui devait assister à ses « 20e JO, hiver et été confondus ». Seule consolation pour le moment: le Comité d’organisation japonais a assuré que « les billets déjà achetés seront valides pour la même session (d’épreuves) à une nouvelle date, selon les possibilités ».
Mais l’universitaire américaine prévient: « Si les hôteliers et les compagnies aériennes commencent à se montrer trop gourmands et refusent de collaborer avec les spectateurs et les organisations, alors le gouvernement devra intervenir car cela ne sera pas bon pour le tourisme japonais et ternira l’image du Japon ». En 2018, le ministère nippon du Tourisme avait déclaré tabler sur 600.000 spectateurs étrangers pour les Jeux de Tokyo, une manne économique non négligeable. Beaucoup de ces visiteurs, qui avaient déjà réservé leur hébergement depuis parfois deux ans, sont dans l’inconnu, voire dans une impasse, trois semaines après le report.
Un choc énorme pour l’hôtellerie au Japon
« J’ai fait une réservation il y a deux ans pour 6 nuits au Sakura Cross Hotel à Tokyo, pour 60.000 yens environ (506 EUR) via booking.com », explique un Français, préférant rester anonyme et qui devait assister à ses 26e JO. « Je ne demande pas à récupérer ce montant mais juste à transférer la réservation à 2021 », ajoute-t-il. Or l’hôtel a refusé. « Nous ne pouvons pas prendre en considération des circonstances spécifiques », justifie l’établissement. Quant au transport, « j’avais pris une assurance chez AIG, en même temps que le billet d’avion, explique-t-il. Mais les conditions exactes d’assurance ne disent pas clairement si la pandémie est couverte ».
Le report des JO « est un choc énorme pour nous », expliquait récemment Shigemi Sudo, secrétaire général de l’Association des hôtels et ryokan (auberges traditionnelles, ndlr) de Tokyo, « car les recettes de beaucoup de nos hôtels ont déjà diminué de moitié à la suite de l’effondrement de la demande touristique, non seulement venue de l’étranger mais aussi de l’intérieur du Japon, à cause du coronavirus ». Les réservations dans les hôtels ont baissé de 30 à 90% en mars et avril par rapport à la même période de 2019, selon l’Agence japonaise du tourisme (JTA).
Grogne des touristes étrangers
De nombreuses entreprises de l’hôtellerie et du tourisme comptaient donc sur les JO pour les aider à compenser les pertes de cette année. Face à la grogne des touristes étrangers comme japonais, certaines chaînes d’hôtel se montrent compréhensives. « Normalement, nous serions en droit de retenir des frais d’annulation, mais dans ce cas ce n’est pas la faute des clients, donc nous ne retiendrons pas ces frais », a expliqué récemment à l’AFP un porte-parole des hôtels Via Inn.
Avant d’évoquer un possible appel aux organisateurs des Jeux! « Je ne sais pas si nous pouvons négocier ou non une compensation avec les responsables olympiques ». Un responsable du Comité d’organisation de Tokyo-2020 a précisé que la question de l’hôtellerie était « examinée ». Le CIO indique qu’il « n’est pas en position de commenter la question des réservations d’hôtel ou d’avion » et « encourage » le public qui comptait se rendre aux JO cette année « à s’adresser directement » à Tokyo-2020 ou aux prestataires.
LQ / AFP