Quibi, la plateforme des « bouchées » de vidéo, a été officiellement lancée aux États-Unis et au Canada lundi, malgré la pandémie de Covid-19 qui cloue chez eux la moitié des humains, déjà saturés de vidéo et autres divertissements sur tous les écrans.
Le nouveau service de streaming entend secouer l’industrie des contenus filmés, avec des programmes originaux de 10 minutes, de qualité hollywoodienne, dispensés via une technologie entièrement conçue pour les smartphones et la mobilité. Mais après des mois de campagne marketing pour susciter l’intérêt du public, Quibi se jette à l’eau dans un contexte radicalement différent de celui dans lequel il a été conçu. « Nous vivons une époque sans précédent », a reconnu Rob Post, directeur de la technologie de la plateforme, lors d’une interview. « Nous faisons tout notre possible pour nous adapter à l’évolution du monde », a-t-il ajouté. « Raconter des histoires semble plus important que jamais aujourd’hui ».
Jeffrey Katzenberg, le fondateur de Quibi, avait imaginé des utilisateurs qui regarderaient les vidéos courtes dans les transports en commun ou lors d’une pause au bureau. Avec les mesures de confinement et de distanciation sociale, la plateforme doit finalement séduire des audiences sédentaires. « Le point positif (pour Quibi), c’est que nous sommes déjà en train d’enchaîner les contenus en streaming. Avoir plus de choix n’est pas une mauvaise chose », remarque Carolina Milanesi, analyste chez Creative Strategies. « Par contre nous ne consommons plus du tout de vidéo en ‘snack' ». Elle estime que la nouvelle plateforme pourrait tout de même plaire aux plus jeunes, amateurs de divertissement sur leur téléphone où qu’ils se trouvent. L’idée est de séduire les jeunes actifs susceptibles de consommer une ou deux bouchées de dix minutes dans les transports en commun ou durant leur pause-café.
Quibi va cependant se retrouver en compétition avec YouTube, TikTok ou Instagram, où l’on peut déjà regarder, gratuitement, des vidéos courtes, réalisées par des amateurs ou des professionnels. L’abonnement à la plateforme coûte 8 dollars par mois sans la publicité, et 5 dollars avec (jusqu’à 2 minutes et demie d’annonces par heure de contenu). Pour se distinguer des services gratuits, Jeffrey Katzenberg parie sur la qualité : des comédies, des documentaires, du sport et de l’actu produits par les plus grands noms d’Hollywood.
Faire abandonner le câble aux téléspectateurs
Une cinquantaine de programmes sont disponibles d’emblée, et des nouveaux contenus doivent être ajoutés tous les jours. Technologiquement, l’appli a été envisagée « spécialement pour la paume de votre main », assure Tom Conrad, le directeur produit. Si on bascule le smartphone de l’horizontale à la verticale, et inversement, l’image s’adapte au nouveau format. Les comptes, nominatifs, sont personnalisés en fonction des goûts de l’utilisateur. La plateforme est aussi censée tenir compte de la géolocalisation et de l’heure qu’il est. Et tous les contenus peuvent être téléchargés via la wifi pour un visionnage ultérieur.
Les employés de Quibi travaillent de chez eux depuis environ trois semaines pour apporter les touches finales. « Ç’a été vraiment incroyable de voir comment l’équipe de Quibi a continué à s’investir dans le projet malgré tout », s’enthousiasme Tom Conrad. Quibi intègre un secteur longtemps dominé par Netflix, et rejoint notamment par Disney et Apple TV en novembre dernier. Ce printemps, HBO Max (AT&T) et Peacock (Comcast) doivent aussi entrer dans la danse. Certaines de ces plateformes dépensent des milliards de dollars chaque année pour produire des contenus originaux et encourager les téléspectateurs à abandonner leurs coûteux abonnements au câble, au profit de la vidéo à la demande.
AFP/LQ