Tout le football international réfléchit avec intensité à la façon de voir le bout du tunnel et même à ce qu’il y aura, justement, au bout de ce tunnel. Pas le Luxembourg visiblement.
Alors que Pascal Wagner, président de la LFL, a consenti à quelques réflexions que lui-même taxe d’orientées puisqu’il officie au sein du comité du Titus Pétange, nous sommes allé trouver trois personnages n’ayant aucun lien immédiat avec l’un ou l’autre club de l’élite qui puisse parasiter la réflexion. Et nous leur avons soumis les scénarios auxquels chacun a déjà pensé. Roby Langers, Henri Roemer et Nico Braun nous livrent leurs réflexions.
Il n’y a pas eu besoin de les pousser pour que chacun d’entre eux évoque le nécessaire besoin de faire acte de démocratie en ces temps si mouvementés. «Il faut demander l’avis des clubs», lance Nico Braun. Henri Roemer appelle aussi à la consultation, et vite, indiquant que la FLF doit prendre les devants avant de se retrouver confrontée à une reprise tardive sans avoir de plan B coopté par ses clubs.
Scénario 1 : Annuler la Coupe pour… gagner du temps
Si l’on vient à manquer de temps pour finir le championnat, dire adieu à l’édition 2020 de la Coupe, situation extrême, permettrait de libérer trois dates. Pas énorme? Cela pourrait pourtant constituer un luxe. «Ce serait une première solution à envisager, admet Pascal Wagner en son nom propre plus qu’en celui de la Ligue. Mais si je m’exprime là-dessus, on m’accusera d’arrière-pensée puisque Pétange est éliminé et qu’annuler la Coupe ferait peut-être de la 4e place une place européenne.»
C’est bien pour ça qu’on est allé sonder ailleurs. Cette option séduirait-elle des esprits libres? Réponse claire et nette : non. «Moi je la laisserais», indique ainsi l’ancien président de la FLF Henri Roemer. «Parce qu’on n’a pas le droit d’ôter à une petite équipe, dont certaines de PH, le droit de rêver à l’Europe.» Le Swift, Wiltz et Mondercange sont en effet encore qualifiés pour les quarts. «Moi, j’annulerais plutôt le championnat que la Coupe si j’avais le choix», assène même Nico Braun, meilleur buteur de l’histoire du FC Metz. «Je ne pense pas, effectivement, que cela soit primordial d’annuler la Coupe. On ferait quoi alors pour la place européenne? On prendrait une autre équipe du championnat?», demande Roby Langers.
C’est bien le seul sujet sur lequel l’ancien international puisse être taxé d’être partisan puisque son employeur, la Loterie nationale, sponsorise justement l’épreuve. Mais il fait preuve d’ouverture, vu les circonstances plus qu’exceptionnelles : «À la limite, tu pourrais imaginer un tirage au sort entre ces huit équipes restantes pour désigner celui qui prend la place en Europa Ligue. Cela laisserait une petite chance aux petits. Mais bon…» Mais bon, pas convaincus.
Scénario 2 : Geler la saison et donc…sacrer le Fola
Le principe est on ne peut plus simple : on cristallise les tableaux au jour de l’arrêt des compétitions. Depuis le 8 mars dernier, après la 17e journée de Division nationale, le Fola est leader, le Progrès et Differdange sur le podium. Rodange et Mühlenbach sont descendants directs tandis que Mondorf est barragiste.
«Le Fola champion? Après tout, pourquoi pas? Ils ont mérité d’être là, il faut respecter ça!», tonne Roby Langers à ceux qui pourraient émettre l’opinion qu’il s’agirait alors d’un titre au rabais. «J’espère qu’on ne finira pas comme ça parce que le mieux serait de finir la saison, mais si on ne peut pas, cette solution ne me choquerait pas.»
Sur un air matois, Henri Roemer va dans son sens pour mieux le contredire : «Oui, il faudrait absolument continuer, parce que croyez-moi, les positions ne resteront pas ce qu’elles sont aujourd’hui.»
En d’autres termes, figer le championnat avant le grand emballage final. Avant, par exemple, que Differdange ne se soit frotté de nouveau à toutes les équipes du top 6 après avoir fait le plein de points contre les «petits», ou avant que l’on n’ait pu avoir droit à une explication potentiellement décisive entre le Progrès et le Fola (qui devait avoir lieu le 22 mars). Cela semble manquer d’équité sportive. «Oui, mais c’est une solution comme une autre pour attribuer le titre. Même si elle n’est sûrement pas logique, elle se défend», assure Nico Braun.
Scénario 3 : annuler la saison et repartir de… 2019
Faire comme si l’exercice 2019/2020 n’avait jamais existé et repartir de zéro en août, avec les mêmes équipes qualifiées pour l’Europe qu’à la fin de celui de 2018/ 2019? Et les quatorze mêmes pensionnaires de l’élite?
Voilà qui ferait plaisir à certains clubs de PH qui ont investi pour remonter… Et ferait le jeu de certaines écuries comme la Jeunesse et le F91, plus qu’en difficulté à l’heure actuelle mais qui renoueraient avec les joutes continentales par la grâce d’une simple décision administrative. La perspective ne semble même pas effleurer nos «sages». «Faire comme si ces derniers mois n’avaient pas existé?, s’insurge Roby Langers. Ah ça non, non! N’anticipons pas trop alors. Quitte à jouer à huis clos, finissons la saison plutôt que de faire ça!» C’est également un «non» clair et net pour Henri Roemer, qui n’y verrait absolument aucune logique, ni aucune éthique d’ailleurs : «La Jeunesse jouerait l’Europe alors qu’il lui faudrait un miracle, sportivement, pour que cela arrive? Qui jouerait l’Europe avec ce système? Financièrement, ce n’est pas anecdotique comme question. Il y a quand même un tableau à l’heure actuelle. Il ne faut surtout pas choisir positivement ou négativement, par défaut!»
On sent bien que quelque chose de plus profond les taraude, d’ailleurs. Tous. Une autre version entendue à l’international pour construire la saison prochaine, dans les championnats où le faible nombre d’équipes dans l’élite permet cette éventualité est en effet la suivante : l’augmentation du nombre de clubs. Une DN à seize clubs? Sans aller jusqu’à dire qu’ils y réfléchissent, au moins y pensent-ils. «J’ai vu émerger cette proposition dans le basket luxembourgeois, indique Nico Braun, dont les petits-enfants se sont orientés vers les parquets. Pourquoi pas en DN, dans le cadre d’une saison de transition? Pas de descente mais deux montées.» «Non, non, restons à quatorze équipes, le coupe Pascal Wagner. C’est assez intéressant comme ça!»
Scénario 4 : jouer des play-offs comme… en 2006
Cette éventualité aussi marque des différences. Y recourir ne serait finalement qu’un retour ponctuel au système qui avait encore cours jusqu’en 2006. Dans le cadre d’un championnat à douze équipes, les quatre premiers s’affrontaient dans un minichampionnat qui désignait le champion. Les huit derniers étaient regroupés en deux autres groupes de quatre pour déterminer deux descendants. Un système devenu sans intérêt au fil des années mais qui permettrait, utilisé en ce temps de crise et en désespoir de cause, de conserver un semblant de logique sportive en faisant baisser (un peu) le nombre de matches à disputer.
Un de moins seulement pour les clubs qui tenteraient d’éviter la relégation, certes, mais trois de moins pour ceux qui se battraient pour le titre et qui sont aussi un peu plus concernés par la Coupe (Differdange et le Progrès notamment).
Une idée pas inintéressante pour Henri Roemer : «Il faudrait en discuter. Cela pourrait même remettre un peu d’intérêt supplémentaire.» «Oui, pourquoi pas, hasarde Nico Braun. C’est une idée parmi d’autres mais l’important, ce serait d’intégrer les clubs à cette décision finale, faire un référendum et trouver une majorité.»
Mais l’idée ne séduit déjà pas le président de la LFLF, Pascal Wagner : «Je ne suis pas un grand fervent.» Même son de cloche chez Roby Langers : «Oui, mais bof… Ce système, on n’en voulait plus parce qu’il était trop chiant, avec des matches sans intérêt. Alors même dans une situation exceptionnelle… À mon avis, les joueurs préféreraient de loin jouer des semaines anglaises à répétition.»
Scénario 5 : finir la saison… la saison prochaine
C’est l’idée qui tient la corde à l’heure actuelle dans pas mal de championnats professionnels des alentours et c’est celle qui fait se demander à Henri Roemer «puisque c’est possible ailleurs, que la plupart des fédérations semblent aller dans ce sens, pourquoi pas chez nous où on joue nettement moins de matches? On jouerait des semaines anglaises en août? Et bien c’est comme ça!»
«C’est faisable», admet Roby Langers, qui pointe pour sa part un problème loin d’être anecdotique : «Mais il faut penser aussi à la sélection nationale. Et si on retient cette solution, j’en connais un qui ne sera pas content-content, surtout que la Nations League arrive.» On pourrait toujours objecter que Luc Holtz, depuis plusieurs mois, retient surtout dans ses listes des garçons issus du monde pro et que ceux-là risquent tout autant de jouer des semaines anglaises sans que la FLF ait son mot à dire.
Les contre-arguments de Nico Braun sur le sujet sont moins celui d’un puriste mais d’un point de vue pratique, ils se tiennent : «Il y aurait quand même une chose à prendre en considération, c’est le fait qu’en août, énormément de gens prennent leurs congés collectifs. C’est un problème majeur. Et cela ne ferait que déplacer les problèmes de quelques mois.» Et on les sent bien, les problèmes…
Julien Mollereau