Ils tombent «les uns après les autres» malgré les règles de confinement. Des policiers lorrains en poste à Paris racontent cette période où ils se sentent «exposés parce que beaucoup ne respectent pas les consignes».
Quand ils font les comptes, ils se disent «que ça sera bientôt [leur] tour». Cinq collègues de Franck (les prénoms ont été changés) sont en quarantaine depuis la semaine dernière. Il manque la moitié du groupe auquel appartient Philippe. Tous sont tombés malades après le début du confinement. «Certains sont très mal.»
Ces deux policiers mosellans affectés en région parisienne livrent un récit de leur quotidien dans lequel ils donnent l’impression de subir les choses. «On fait ce qu’on peut depuis le début pour faire respecter le confinement, mais le comportement de certains met tout le monde en danger», considère Philippe, qui opère dans le 18e arrondissement.
Il voit tous les jours «des petits vendeurs à la sauvette devant des épiceries ou petits magasins d’alimentation. Ils essayent de refourguer leurs cigarettes de contrebande. On les chasse une fois, deux fois. On verbalise, mais ça ne les fait pas fuir longtemps.»
«Doit-on aller au contact pour prendre des risques?»
Il commence à observer une crispation de la situation «parce qu’on dérange leur business et ils ne se laissent plus faire». Aveu d’impuissance : «Que faire quand les individus ne se laissent pas faire quand on dresse une contravention et qu’ils se rebellent? On n’a pas de masque, doit-on aller au contact pour prendre des risques?» Il faut comprendre qu’il n’est pas prêt à tout.
Affecté en banlieue, le discours de Franck est plus dur. « Ceux qui ne respectaient pas les règles avant ne les respectent pas plus aujourd’hui, confinement ou pas confinement. Je n’ai pas subi de caillassage récemment contrairement à d’autres collègues. C’est régulier.» Pas de caillassage, mais «certaines personnes m’ont toussé dessus, ils crachent. Sont-ils malades? Je le saurai vite. Ces comportements sont quasi criminels.»
«On tombe les uns après les autres»
Fonctionnaire à la brigade anticriminalité (Bac), originaire de Meurthe-et-Moselle, Marc s’est réinventé dès le début du confinement. Spécialiste des petits larcins, il a vu «[ses] clients tirer la tronche. Une de mes voleuses habituelles m’a demandé si c’était vrai ce confinement. Elle connaissait les conséquences pour elle. Il n’y a plus de touristes, elle n’a donc plus de travail.»
Le gradé constate que « les voleurs se sont déjà mués en cambrioleurs. C’est pourquoi, on surveille pas mal les pharmacies et les commerces. Pour se préserver un peu, on agit surtout sur appel.» Son équipe fera sans lui quelques jours. Le Lorrain est tombé malade en fin de semaine. « Sans doute au boulot. On tombe les uns après les autres.»
Kevin Grethen (Le Républicain lorrain)