Plus de trois milliards de personnes étaient confinées samedi sur une planète balayée par la pandémie de coronavirus qui a fait plus de 27 000 morts, frappant de plein fouet l’Europe du Sud et s’abattant sur les États-Unis tandis que Wuhan, en Chine, revenait lentement à la vie.
En Italie, près d’un millier de personnes ont été emportées par la maladie de Covid-19 au cours des dernières 24 heures, un bilan quotidien inédit pour un seul pays depuis le début de la crise. Après l’Italie (9 134 morts), c’est l’Espagne qui compte le plus de décès (plus de 4 858, dont 769 lors des dernières 24 heures) dans le monde.
La propagation continue toutefois de ralentir dans la péninsule, suscitant l’espoir que les mesures drastiques de confinement prises il y a deux semaines donnent enfin des résultats, même si le pic n’est pas encore atteint.
En Chine, la ville de Wuhan, où s’est déclarée en décembre l’épidémie de coronavirus, s’est progressivement rouverte au monde extérieur samedi après plus de deux mois d’isolement quasi total, avec l’arrivée du premier train de voyageurs autorisé depuis le confinement.
« Elle s’est précipitée vers son père, je n’ai pas pu m’empêcher de pleurer », a raconté une passagère de 36 ans, une habitante de Wuhan, qui avec sa fille a retrouvé son mari, dont elles étaient séparées depuis dix semaines.
« Pénurie de tout »
Sur d’autres continents en revanche, le pire reste à venir. Après avoir dépassé l’Italie et la Chine pour devenir le pays comptant le plus grand nombre de cas recensés du nouveau coronavirus, les États-Unis ont franchi vendredi la barre des 100 000 personnes contaminées, sur plus de 570 000 dans le monde. Le virus y a fait à ce jour quelque 1 600 morts.
Cette détérioration alarmante a conduit le président américain Donald Trump, après avoir promulgué un gigantesque plan de relance économique de plus de 2 000 milliards de dollars, à contraindre par décret le constructeur automobile General Motors à produire des respirateurs artificiels.
Cette décision, prise en vertu d’une loi datant de la guerre de Corée (1950-1953), vise à répondre au manque d’équipement face à l’afflux croissant de patients dans les hôpitaux.
« Ils rationnent les équipements », a témoigné Diana Torres, 33 ans, infirmière en rééducation intensive dans un des hôpitaux du groupe Mount Sinai à New York, principal foyer de l’épidémie aux États-Unis. « Alors vous mettez un sac plastique sur votre combinaison pour la faire durer plus longtemps ».
« Il y a une pénurie de tout. Demander des choses basiques comme des gants, des thermomètres, du paracétamol ou du gel hydroalcoolique, ça devient un chemin de croix », a également déploré le footballeur espagnol Toni Dovale, qui a échangé ses crampons contre une blouse blanche dans une pharmacie de Galice (nord-ouest de l’Espagne).
« Menace imminente »
L’Organisation mondiale de la Santé a prévenu que « la pénurie chronique mondiale d’équipements de protection individuels » pour les personnels soignants représentait une « menace imminente » dans la lutte contre la pandémie.
En France, cinquième pays le plus touché en nombre de morts (près de 2 000) le gouvernement a prolongé de deux semaines le confinement, soit jusqu’au 15 avril. « Il va falloir tenir », a prévenu le Premier ministre Édouard Philippe, mettant en garde contre « la vague extrêmement élevée » de la maladie qui « déferle sur la France ». L’armée française a évacué samedi par hélicoptère de premiers patients de Metz vers l’Allemagne.
La Grande-Bretagne, où le Premier ministre Boris Johnson a annoncé vendredi être contaminé, mais seulement avec de légers symptômes, se prépare également à une vague gigantesque de patients dans les hôpitaux.
La Russie, dernier grand pays à n’avoir encore pris aucune mesure de confinement généralisé, a fermé à partir de samedi ses restaurants et la plupart de ses commerces avant une semaine chômée.
L’Irlande, en revanche, est entrée samedi et jusqu’au 12 avril en confinement total.
Services religieux « essentiels » ?
Mais dans les pays les plus pauvres, notamment en Afrique subsaharienne, où les restrictions de déplacement compromettent les moyens de subsistance de populations qui vivent souvent au jour le jour, le confinement ne va pas de soi.
Le « confinement total » de Kinshasa, qui devait commencer samedi pour quatre jours, a ainsi été reporté in extremis en raison de « spéculations sur les prix des biens de première nécessité » et pour « prévenir les actes susceptibles de créer l’insécurité », selon les autorités congolaises.
Et à Johannesburg, en Afrique du Sud, la police a dispersé vendredi à coups de fouet les clients rassemblés devant un supermarché.
La ferveur religieuse complique également l’application de strictes mesures sanitaires.
Au Brésil, la justice a annulé vendredi un décret du président Jair Bolsonaro qui exemptait les églises, les temples religieux et bureaux de loterie des mesures de quarantaine imposées dans certains États, considérant ces services comme essentiels, au même titre que ceux des pharmacies ou des supermarchés.
« L’accès aux églises, aux temples religieux et aux loteries encourage les attroupements et la circulation des personnes », a fait valoir le juge.
Dans le monde musulman également, ces mesures sont inégalement respectées. La fréquentation des mosquées était importante vendredi en Indonésie mais aussi au Pakistan, pourtant voisin de l’Iran, officiellement quatrième pays le plus touché en nombre de morts (près de 2 400) et qui a fermé ses principaux lieux de pèlerinage et suspendu les prières publiques.
A contrario, le pape François a prié seul vendredi face à une place Saint Pierre totalement déserte.
Sommes astronomiques
Le confinement a aussi un impact psychologique en augmentant les niveaux de dépression, d’anxiété et d’autres problèmes de santé mentale, selon la Croix-Rouge
« La nuit, les cauchemars arrivaient, la mort rôdait », a ainsi témoigné Fabio Biferali, un cardiologue romain de 65 ans qui a passé huit jours « isolé du monde » dans l’unité de réanimation de l’hôpital Policlinico Umberto I de Rome.
Face à l’autre catastrophe, économique, qui se profile, la communauté internationale tente de mobiliser des sommes astronomiques. Outre les 2 000 milliards annoncés par les États-Unis, les pays du G20 ont promis d’injecter 5 000 milliards de dollars pour soutenir l’économie mondiale.
L’Union européenne a elle renvoyé à dans deux semaines des « mesures fortes » contre le coronavirus, s’attirant la colère de l’Italie et de l’Espagne.
« Nous ne surmonterons pas cette crise sans une solidarité européenne forte, au niveau sanitaire et budgétaire », a dit samedi le président français Emmanuel Macron à trois journaux italiens, appelant à lancer des emprunts communs à toute l’UE, ce à quoi l’Allemagne s’oppose totalement.
LQ/AFP
Plus de 600 000 cas
Au moins 605 010 cas d’infection, parmi lesquels 27 982 décès, ont été détectés dans 183 pays et territoires, notamment aux États-Unis (104 837 cas dont 1 711 décès), en Italie (86 498), pays le plus durement touché en nombre de morts (9 134), et en Chine (81 394 cas, dont 3 295 morts), foyer initial de la contagion.
Le nombre de cas diagnostiqués ne reflète toutefois qu’une fraction du nombre réel de contaminations, un grand nombre de pays ne testant désormais plus que les cas nécessitant une prise en charge hospitalière.