« En France, on a du mal à gérer l’épidémie de coronavirus. Alors, imaginez en Guinée! » : confinés à Metz, les étudiants africains, esseulés mais solidaires, s’inquiètent pour leurs familles des ravages que pourrait causer le Covid-19 en Afrique.
« On est en face d’une pandémie, des pays ont pris des mesures. Chez nous, qu’est-ce qui est fait ? Rien! », s’agace Soriba Kaba, étudiant guinéen en master 1 de droit public à l’Université de Lorraine. Le Sénégal et la Côte d’Ivoire, où plusieurs dizaines de cas de coronavirus ont été détectés, ont décrété mercredi l’état d’urgence et un couvre-feu. « Franchement, j’ai peur. Si le virus se propage, ce sera pire que ce qu’on a vu jusque-là », lâche l’étudiant de 25 ans.
Le manque d’infrastructures sanitaires, d’équipements et de personnels médicaux, parfois même d’eau courante, suscite de vives craintes en cas d’épidémie massive sur le continent africain. L’Organisation mondiale de la santé a appelé la semaine dernière l’Afrique à « se réveiller » et à se préparer « au pire » des scénarios. « Ici, l’Etat met les moyens. En Côte d’Ivoire, les cas continuent de se multiplier et la propagation (du virus) fera plus de dégâts », redoute François Houffoué, étudiant ivoirien de 25 ans.
Originaire de Yamoussoukro, capitale politique de la Côte-d’Ivoire, il n’a pas songé une seconde à rejoindre les siens quand l’épidémie a pris de l’ampleur en France. « Si je me déplace et que je transporte le virus avec moi, ça peut produire des résultats très graves », redoute-t-il.
« Il n’y a plus personne, c’est difficile »
La « très grande famille » d’Elhadji Malick Seye, qui vit à Dakar (Sénégal), est préoccupée de le savoir en France, où sévit déjà l’épidémie. « Mais je m’inquiète plus pour eux, s’ils sont frappés par le virus », s’alarme-t-il. « J’ai pensé à rentrer au Sénégal, parce que c’est difficile d’être loin de ses proches », mais le billet d’avion était trop cher, explique-t-il encore.
Et puis il y a la solitude. La résidence universitaire du Saulcy, à Metz, où il vit, s’est vidée depuis le confinement. « Il n’y a plus personne, c’est difficile », souffle-t-il. Pour rompre l’isolement et sortir de sa chambre de 9 m2, il retrouve « tous les jours » sa bande de sept copains sénégalais du campus « pour jouer aux cartes, boire le thé et dîner ».
« Je ne suis pas habitué à rester toute la journée dans ma chambre, sauf en période d’examens », raconte sous couvert d’anonymat un étudiant sénégalais qui vit aussi dans 9 m2. « Ce n’est pas facile », ajoute-t-il, confiant en perdre parfois l’appétit.
Les étudiants se réconfortent mutuellement
François Houffoué s’est enfermé dans le petit appartement qu’il occupe dans le centre-ville avec sa copine et un ami, Ivoiriens comme lui, pour avoir de la compagnie. « Etre confiné seul, ce n’est pas possible », assure l’étudiant en master 2 de sciences sociales. Les journées se passent à « dormir, bavarder, regarder la télé, étudier, jouer aux cartes ». « Et manger, on va prendre du poids! », sourit-il. Il entendait ne pas sortir, mais envisage désormais d’aller courir « pour le mental et la santé ».
Président de l’association des étudiants ivoiriens de Metz, qui compte une soixantaine de membres, François Houffoué est en contact avec des Africains de l’Université de Lorraine, sur les réseaux sociaux et un groupe WhatsApp. « On essaie de se remonter le moral », raconte-t-il. « On se réconforte mutuellement », souligne aussi Elhadji Malick Seye. Certains vivent mal d’être confinés et éloignés de leur famille.
Situation financière difficile
Une « solidarité » s’est créée autour d’étudiants africains « arrivés depuis cinq ou six mois » et démunis, relate Soriba Kaba. « Ils n’ont pas d’ordinateur, donc ils ne peuvent pas suivre leurs cours à distance », relève l’étudiant guinéen. Un appel aux prêts a été lancé pour ne pas « pénaliser » ces étudiants qui « sont habitués en Afrique à prendre leurs cours sur papier ».
Pour plusieurs d’entre eux, la situation financière est difficile. Le restaurant universitaire, qui offrait un repas complet à « 3 euros et quelques » a fermé et « beaucoup d’étudiants qui étaient en petits contrats ou faisaient des extras » n’ont plus de travail, selon Elhadji Malick Seye. « Certains ne peuvent plus subvenir à leurs besoins. On arrive à faire avec les moyens du bord, mais on ne pourra pas les assister pendant deux ou trois mois », regrette Soriba Koba.
LQ / AFP