Si le Centre hospitalier de Luxembourg se prépare au pire pour combattre le Covid-19, il n’en délaisse pas pour autant ses autres services, dont la maternité.
Avec 3 028 accouchements en 2019, la maternité du CHL voit naître presque la moitié des enfants d’un pays qui comptait 6 274 naissances en 2018. Avec la crise sanitaire du coronavirus, le CHL et les trois autres maternités du pays ont pris toutes les précautions nécessaires «pour bien s’occuper des futures mamans et des nouveau-nés. On saura et on pourra faire ce qu’il faut malgré les circonstances exceptionnelles du moment», assure le Dr Didier Van Wymersch.
Des mesures spécifiques ont été mises en place pour protéger les maternités, nous explique ce médecin gynécologue et directeur médical adjoint au CHL : «Dès le début de cette crise sanitaire, nous avons immédiatement sécurisé le parcours. Donc, dès l’entrée, à l’accueil, il y a une prise de température et l’on pose quelques questions sur une infection éventuelle. Au niveau des urgences, nous avons fait deux circuits séparés l’un de l’autre : un circuit « Covid positif » et un circuit « Covid négatif ». De plus, le personnel a suivi une formation.»
Si, pour le moment, le CHL n’a encore accueilli aucune femme enceinte «Covid positif», tout semble prêt pour cela : «Au niveau de l’accouchement, là aussi, nous sommes prêts avec un circuit séparé afin de pouvoir accoucher une maman en « Covid positif ». Nous avons six salles d’accouchement et nous en avons dédié, si besoin, deux pour les mamans atteintes par le Covid-19 et nous avons mis toute une procédure spécifique au niveau du personnel, qui lui aussi est divisé en deux parties.» Le Dr Didier Van Wymersch ajoute : «En étant médecin ou professionnel de la santé, on est susceptible de tomber malade. Là encore, nous avons doublé la garde en salle d’accouchement. Actuellement, deux gynécologues-obstétriciens sont présents physiquement sur place et deux autres sont en astreinte permanente, donc susceptibles d’être rappelés si besoin.»
La péridurale même pour une maman infectée
Autre inquiétude largement partagée par les futures mamans, l’accès à la péridurale, qui est pratiquée par les anesthésistes. «Pour le moment, nous pouvons assurer les péridurales sans problème. De plus, même une maman en « Covid positif » peut recevoir une péridurale.» Cependant, les anesthésistes risquent d’être très sollicités si la crise sanitaire s’aggrave fortement : «Vous mettez le doigt sur une possibilité, dans la mesure où la péridurale est considérée comme un acte de confort, même si personnellement je ne le pense pas», concède le Dr Didier Van Wymersch. Il est donc possible que l’urgence sanitaire soit telle que si les compétences de l’anesthésiste sont requises pour sauver une vie à un moment, on devra peut-être renoncer à la péridurale. Mais encore une fois, actuellement ce n’est pas le cas. Mais nous sommes préparés, nous sommes une équipe extrêmement motivée qui peut faire des miracles.»
Le réel inconvénient de toutes ces mesures de précaution, notamment la limitation des allées et venues, est la dépersonnalisation de l’accouchement : «C’est la conséquence de nos mesures, c’est que nous avons dépersonnalisé les accouchements, reconnaît le médecin gynécologue et directeur médical adjoint au CHL. Donc concrètement, une future maman ne sera peut-être pas accouchée par son gynécologue habituel. On ne peut plus se permettre de faire des accouchements que l’on dit personnalisés et l’on doit faire avec ceux qui sont présents.»
Pas de risque pour le nouveau-né
En plus des mesures spécifiques en lien avec la crise sanitaire, les mamans et les papas vont devoir se montrer un peu plus «raisonnables», notamment en limitant leurs visites. Mais ces concessions n’atteignent pas ce que l’on peut voir dans certains hôpitaux en France : le papa peut ici toujours assister à l’accouchement : «Effectivement, c’est une décision qui a été recommandée par le Syndicat national des gynécologues et obstétriciens français. Pour le moment, au CHL – mais cela peut évoluer – on autorise encore la présence du papa au moment de l’accouchement et au post-partum dans les chambres. À la seule condition que le papa soit raisonnable et ne sorte pas toutes les cinq minutes pour aller fumer une cigarette», prévient le médecin gynécologue et directeur médical adjoint au CHL. «Cette décision pourrait être remise en question du jour au lendemain, mais pour le moment, il n’y a pas de raisons médicales pour l’interdire. Surtout, on demande que les papas soient raisonnables», insiste encore le docteur.
Enfin, le praticien rassure encore les mamans face au coronavirus : tant que le bébé est bien au chaud dans le ventre, pas de problème : «Pour les mamans qui font une infection aux deuxième et troisième trimestres, on sait qu’il n’y a pas de danger, qu’il n’y a pas de malformation. Il n’y a pas de mort subite in utero et il n’y a pas de problème de croissance du bébé. Cela a été démontré grâce à l’expérience des médecins chinois. Donc, on sait qu’il n’y a pas de danger à ce niveau-là. On sait aussi qu’au moment de la grossesse, il n’y a pas de transmission du Covid au bébé.»
C’est seulement ensuite que cela peut se gâter : «Le seul moment où le bébé peut être infecté, c’est après l’accouchement, si la maman ou le personnel n’a pas été prudent. C’est pour cela que l’on prend des mesures d’hygiène exceptionnelles. Si une maman est « Covid positive » avec un masque, elle pourra garder son bébé dans la chambre et elle pourra également allaiter si elle le désire. Les mamans peuvent allaiter et il n’y a aucune raison de mettre le bébé en quarantaine. Par contre, la maman doit être hyper-vigilante pour ne pas contaminer son enfant.»
Et quoi qu’il en soit, «les bébés, comme les enfants, sont assez peu sensibles au Covid. On sait que des bébés infectés par le Covid en Chine n’ont pas été malades comme un adulte peut l’être. Les enfants ont une excellente immunité qui répond très, très bien et donc le Covid n’est pas une chose dangereuse pour les bébés et les enfants comme c’est malheureusement le cas pour les adultes.»
Pour terminer, le Dr Van Wymersch insiste sur une chose : «Si une femme enceinte est infectée, elle ne doit pas se précipiter à la maternité. La maternité n’est pas le premier point d’atterrissage en cas de symptômes du Covid, qui sont une fièvre, de la toux et une difficulté respiratoire. Car si une maman a ces symptômes, la priorité est de s’occuper de la maman. La santé maternelle dépend de la bonne oxygénation de la maman. Si la maman est bien oxygénée, le bébé ira bien. Ce serait une erreur qu’une maman qui tousse ou qui a de la fièvre vienne à la maternité, car de toute façon l’on se tournera en premier lieu vers nos collègues infectiologues.»
Jeremy Zabatta