« La question, c’est de savoir jusqu’où ça va aller et combien de temps ça va durer » : dans le Haut-Rhin, l’un des principaux foyers du coronavirus en France, l’épidémie plonge dans l’incertitude les travailleurs frontaliers, priés par certaines entreprises allemandes de rester chez eux.
Avec plus 800 km de frontières courant sur quatre pays – Belgique, Luxembourg, Allemagne et Suisse -, la Région Grand Est est la plus importante en France en termes de transfrontaliers : selon l’Insee, ils sont plus de 170 000 à quitter chaque matin la France pour y revenir le soir, une fois leur journée de travail terminée. Mais depuis lundi, la donne a changé. En cause : l’épidémie de coronavirus qui sévit en Europe.
Le Haut-Rhin, et plus particulièrement Mulhouse, sont devenus un cluster majeur depuis qu’un vaste rassemblement évangélique, fin février, a généré des dizaines de cas dans toute la France, jusqu’en Guyane. Dans le département, 260 ont été recensés à ce jour, pour trois décès. Et la situation, extrêmement évolutive, n’est pas près de s’arranger : mercredi, le prestigieux Institut Robert-Koch, qui supervise en Allemagne la recherche sur les épidémies et maladies, a classé mercredi le Grand Est, et donc l’Alsace dans son ensemble, en « zone à risque internationale », au même titre que l’Italie ou la ville chinoise de Wuhan, épicentre mondial de l’épidémie.
Dans la foulée, la ville de Kehl, en face de Strasbourg, a annoncé qu’elle demandait à ses employés résidant dans la capitale alsacienne ou dans le Bas-Rhin « de rester à la maison », une recommandation également faite aux Kehlois travaillant en France et aux enfants fréquentant une école strasbourgeoise. De son côté, l’État régional du Bade-Wurtemberg – l’un des plus vastes et des plus riches d’Allemagne, qui compte actuellement 277 malades du coronavirus -, a recommandé lundi que les personnes vivant dans le Haut-Rhin et « qui se rendent régulièrement à l’école ou au travail » dans ce Land « restent pour l’instant pendant 14 jours à la maison ».
Repos forcé à Europa Park
Pour l’heure, l’Allemagne est le seul pays frontaliers du Grand Est à formuler de telles recommandations – le Luxembourg s’y refusant pour le moment, qui n’ont du reste aucun caractère contraignant et sont laissées à l’appréciation des entreprises. Difficile donc de savoir combien d’entreprises allemandes les appliqueront et quelles seront les conséquences pour les 5 000 frontaliers haut-rhinois potentiellement concernés même si plusieurs entreprises allemandes les ont d’ores et déjà adoptées.
Dès mardi, l’un des poids lourds de la région, le parc d’attraction Europa Park (3 700 salariés en pleine saison) a ainsi annoncé qu’il demandait à la cinquantaine de ses salariés haut-rhinois – sur les 500 Français actuellement employés – de rester chez eux. A une échelle plus modeste, les Thermes de Badenweiler ont eux aussi décidé de se passer temporairement de leurs frontaliers alsaciens.
Dans le centre-ville de Mulhouse, l’agence d’intérim Crit est la seule de la cité à travailler avec des entreprises allemandes. Soixante-dix de ses intérimaires sont employés outre-Rhin dont seuls 5% ont été invités à rester chez eux. Mais « aujourd’hui, on se pose la question de savoir jusqu’où ça va aller et combien de temps ça va durer », s’inquiète Patricia Pasquini, attachée de recrutement. « On est vraiment dans le vague, dans le flou et c’est pas simple à gérer », explique-t-elle. Globalement, les secteurs les plus touchés sont « l’agroalimentaire et la restauration », décrypte Soeren Hansen, chargé d’affaires allemand chez Crit.
Intérimaire dans cette agence, Fadil travaille actuellement à Lörrach. Son entreprise a décidé de se passer de lui pour 14 jours : « Je ne cherche pas pour l’instant. Je reste chez moi et j’attends une nouvelle réponse », tente-t-il de relativiser.
LQ/AFP
Mon patron ma demandé un arret de travail, est ce normal? Je travaille en Allemagne