Le parquet demande en outre 24mois de prison avec sursis contre le couple poursuivi pour traite des êtres humains. Pendant 5 ans, la quinquagénaire originaire des Philippines a vécu sous son toit.
Le couple qui a accueilli une quinquagénaire originaire des Philippines entre fin 2012 et l’été 2017 s’est-il rendu coupable de traite des êtres humains ? La position du parquet avait déjà transpercé au cours des deux premiers jours du procès. Dans son réquisitoire, jeudi après-midi, le substitut principal Laurent Seck a enfoncé le clou. Entre la garde de l’enfant et les différentes tâches ménagères, «Lena* a perdu cinq ans de sa vie à être au service du couple».
Les époux contestent fermement l’avoir exploitée comme aide domestique. C’est en tant que «bonne amie» qu’elle leur aurait rendu visite au Luxembourg. En raison des problèmes de santé de l’épouse après sa grossesse, elle leur aurait donné un coup de main. Et les 80 à 300 euros par mois qu’elle aurait touchés n’auraient été qu’un «simple argent de poche». Fin 2015, lorsque son visa touristique avait expiré, c’est elle qui n’aurait plus voulu partir. Le parquet ne croit toutefois pas en ces explications. «L’intégralité du dossier crie « nounou » et pas « amie de la famille ».»
Thé, bon beurre et chorizo…
SMS à l’appui, il a étayé ce lien de subordination et les prestations de travail. «Elle reçoit des instructions précises à toute heure. On voit ainsi qu’elle est à la disposition de Madame allongée dans son lit.» Extraits : «Le thé pas avant 9h avec le bon beurre et le chorizo acheté aux Pays-Bas.» «Prépare le sac de ma fille.» «J’entends ma fille pleurer.»…
Dans sa plaidoirie, l’avocat des deux prévenus de 49 et 50 ans, Me Rosario Grasso, avait contesté que Lena ait vécu dans des conditions contraires à la dignité humaine. Son argument : elle aurait été nourrie et logée convenablement au domicile familial et elle serait régulièrement partie avec eux en vacances.
Selon le parquet, ce n’est pas là que le bât blesse. C’est «le fait qu’elle ait dû être disponible pour son employeur contre un salaire dérisoire. Elle a été payée au lance-pierre. Ce qui remplit les conditions de la traite des êtres humains.»
Une après l’autre
Le parquetier a fait le calcul. En ne payant pas à Lena le salaire social minimum légal au Luxembourg – autour de 1 800 à 2 000 euros par mois –, le couple aurait économisé plus de 100 000 euros en cinq ans. Le fait qu’elle ait profité des voyages en famille ne compterait pas. Car là encore, elle aurait travaillé comme nounou. En témoignerait la série de photos où elle porte l’enfant sur le bras.
«On l’a fait venir au Luxembourg dans un but de lucre», appuiera encore le parquetier. Et de constater que depuis la naissance de l’enfant en 2011, les époux ont accueilli plus d’une Philippine. Une visite aurait succédé à une autre.
Il réclamera au final 24 mois de prison contre le couple. Aucune raison toutefois de les mettre en prison. Il demande que la peine soit assortie d’un sursis probatoire afin d’assurer qu’ils règlent les indemnisations. Pour rappel, la quinquagénaire qui s’est constituée partie civile réclame 29 000 euros au titre du préjudice moral. En ce qui concerne l’amende, le parquet a requis la peine maximale de 100 000 euros.
La 13e chambre correctionnelle rendra son jugement le 19 mars.
Fabienne Armborst
* Le prénom a été modifié