Le Parlement européen à Luxembourg a fait sortir de ses gonds le LCGB, syndicat majoritaire dans le secteur du gardiennage.
L’institution européenne a décidé de ne plus faire appel, à partir du mois d’avril 2021, à une société privée pour assurer la sécurité de ses sites au Luxembourg. Après cette date, le Parlement européen va internaliser ce service. Dès lors, une centaine d’agents de sécurité voient leur avenir s’assombrir. «Actuellement, 170 employés de la société Seris Security assurent la sécurité des sites du Parlement. Il a décidé de ne pas renouveler son contrat avec la société et va procéder à un concours pour directement embaucher des agents de sécurité. Seuls les agents incendie de Seris Security devraient rester. Mais 90 personnes vont perdre leurs postes», assure Paul Glouchitski, secrétaire syndical adjoint au LCGB.
Outre cette décision, le syndicat est vent debout contre les conditions d’embauche des futurs agents de sécurité du Parlement européen. «À ce que l’on a compris, le Parlement va engager sur concours ses propres agents, des contractuels, pour assurer sa sécurité. Des agents qui pourront venir de toute l’Europe et qui seront rémunérés 2 074 euros brut, plus des primes. Soit en dessous du salaire minimum au Luxembourg qui est à 2 141,99 euros», peste le syndicaliste avant d’ajouter «être face à une situation aberrante pour une institution européenne».
Effectivement, alors qu’il est déjà difficile de vivre décemment au Luxembourg avec le salaire minimum, vivre avec moins quand son employeur n’est personne d’autre que l’Union européenne paraît complètement aberrant.
Des agents de sécurité sans statut
Une réalité pourtant dénoncée en 2014 par Miguel Vicente Nuñez, le président de l’Union syndicale Luxembourg (USL), qui avait dénombré au Grand-Duché pas moins de 300 personnes employées par une institution européenne et payées en dessous du salaire minimum national.
Une situation qui interpelle. Alors que les sites européens au Luxembourg se bunkérisent de plus en plus au Kirchberg, apprendre que les agents de sécurité seront sous-payés donne une drôle d’impression pour un organe vital de cette fameuse Europe sociale tournée vers le citoyen. Pour en revenir aux agents de sécurité actuels, leur avenir semble très incertain avec la perte du contrat de Seris Security. «Il faut comprendre qu’auparavant, lorsqu’une institution changeait de prestataire de sécurité, le nouveau prestataire devait reprendre le personnel de l’ancien prestataire du fait de la convention collective du secteur, nous explique Paul Glouchitski. Là, comme il ne s’agit pas d’un transfert d’entreprise, mais d’une perte de marché, le sort d’une centaine d’agents est préoccupant. D’autant plus qu’au Luxembourg la profession n’est pas protégée.»
En effet, au Grand-Duché, il n’existe pas, comme en France ou en Belgique, une carte professionnelle attestant les compétences d’un agent de sécurité. Autrement dit, du jour au lendemain, n’importe qui peut devenir agent de sécurité. «Au Luxembourg, les sociétés de sécurité disposent d’un agrément attestant de la bonne vie et des bonnes mœurs d’un agent. Elles s’assurent donc uniquement qu’il ait un casier judiciaire en bon état, mais pas des qualifications de l’agent. C’est d’ailleurs une de nos revendications : la création d’un statut pour protéger et reconnaître les métiers du gardiennage», réaffirme le syndicaliste et porte-parole du secteur. De plus, les agents de sécurité ayant beaucoup d’expérience coûtent plus cher et devraient avoir un peu plus de mal à retrouver un emploi. «Sans statut, quel est l’intérêt pour un employeur d’engager un agent avec 10-20 ans d’expérience au lieu d’un jeune agent qui commence à 2 500 euros brut», s’interroge Paul Glouchitski.
Jeremy Zabatta