Faut-il retourner chaque parcelle de terre pour des fouilles archéologiques ? Les communes en doutent. Lundi, le Syvicol a émis ses critiques du projet de loi sur le patrimoine culturel.
Le Syndicat des villes et communes (Syvicol) a épluché le projet de loi sur le patrimoine culturel et les 144 articles qui la composent, soit tout juste 100 de plus que la loi actuelle sur la conservation et la protection des sites et monuments nationaux qui date de 1983. Un document volumineux qui effraie les communes à plus d’un titre, même si elles saluent cette refonte de la loi devenue nécessaire.
À l’heure où les communes sont appelées à jouer un rôle plus actif dans le cadre du Pacte logement 2.0, elles craignent en effet un ralentissement dans les constructions dû à l’introduction d’une zone d’observation archéologique qui constitue, avec le grand inventaire du patrimoine communal, un des deux piliers de ce projet présenté par la ministre de la Culture, Sam Tanson au cours de l’été dernier.
«Sous sa forme actuelle, le projet de loi fait preuve d’une approche maximaliste, mettant la protection du patrimoine au-dessus de tout et ne tenant guère compte des autres obligations ou objectifs politiques des communes», exprime l’avis du Syvicol. En cause, la notion d’archéologie préventive qui laisse supposer que tous travaux de construction, de démolition ou de déblai dépassant une certaine envergure, devront être préalablement soumis au ministre de la Culture qui évaluera le potentiel archéologique du site. Le Syvicol estime que 98 % du territoire est concerné.
Les communes qui se plaignent déjà de la lenteur administrative générale en termes d’autorisations de construire, redoutent que les délais s’allongent encore. Le Syvicol plaide pour une approche plus ciblée et se réfère à ce qui se fait en matière de sols pollués et son inventaire baptisé «Registre d’informations sur les terrains (RIT)». Il s’agit de sites où il existe des indices ou qui ont déjà fait l’objet d’études.
Pour le Syvicol, il n’est pas nécessaire de retourner chaque parcelle de terre et surtout pas quand il s’agit de procéder à des travaux de voirie ou sur les places publiques. Ces travaux doivent être réalisés le plus vite possible et respecter un échéancier strict difficile à tenir si un maître d’ouvrage ignore si des fouilles archéologiques devront être réalisées ou non. Le Syvicol demande à ce que la voirie et les places publiques déjà aménagées soient exclues de la zone d’observation archéologique et plus généralement à ce que cet article dans la loi soit entièrement revu.
Un nouveau fonds
Vient ensuite l’inventaire commune par commune du patrimoine architectural et le Syvicol s’attend à une longue liste. La ministre Sam Tanson avait indiqué que cet inventaire serait réalisé dans un délai de dix ans, mais les communes en doutent. Le travail sera de longue haleine et entraînera un grand nombre de biens immobiliers classés. Ce qui n’est pas sans poser problème là aussi. Un tel classement risque, selon les communes, de rendre ces immeubles, comme les vieux corps de ferme, inexploitables sur le marché privé car peu rentables financièrement parlant.
Pour résoudre ce problème, le Syvicol propose de créer une structure inspirée du Fonds du logement. Elle aurait comme mission d’assurer que les immeubles en question gardent une affectation au logement ou à d’autres fins comme le secteur commercial ou industriel. Les corps de ferme avec leurs dépendances se prêteraient très bien à ce type d’activités, estiment les communes.
Enfin, la loi prévoit une liste de 14 critères pour déterminer le classement ou pas d’un patrimoine et le Syvicol estime que le ministère peut les interpréter de façon arbitraire. Le syndicat ne veut écarter aucun de ces critères, mais suggère de les indexer et de définir un certain nombre de points à atteindre pour justifier un classement. Sans cela, le Syvicol craint que la liste des biens susceptibles de tomber dans l’un ou l’autre critère soit interminable.
Geneviève Montaigu