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[Football] Jeunesse Esch : ouvrier un jour, ouvrier toujours ?


Michaël Faty est sans doute l’un de ceux les plus à même de saisir le poids de ce maillot. (Photo : Jeunesse Esch)

La Jeunesse a étoffé son attaque avec Michaël Faty. Issu du centre de formation de Toulouse, le garçon a aussi fait les trois huit à l’usine Renault. Parfait pour se faire accepter par la Frontière ?

Que reste-t-il de la Jeunesse Esch en tant que club ouvrier ? La question est pompeuse, mais puisqu’elle reste centrale dans les justifications historiques de ceux qui en défendent jalousement les origines, l’arrivée de Michaël Faty – nouvel attaquant arraché à Cherbourg en début de semaine – fait figure de joli clin d’œil.

Jeudi, Michaël Faty a visité le centre-ville, pas rebuté par la grisaille, lui qui a vécu à Toulouse, en Floride ou à la Réunion dans sa jeunesse, à suivre son père, qui bossait dans les énergies renouvelables et le génie climatique. «Oh vous savez, ces derniers mois, je jouais à Cherbourg et c’est… disons assez atypique. Il y pleut 23 heures sur 24, six jours sur sept», s’amuse le joueur.

Faty n’a pas un cursus très différent de la plupart des jeunes joueurs qui arrivent désormais à la relance au Grand-Duché. Quatre ans de centre de formation au Toulouse Football Club, mais une première gifle à l’âge de 16 ans : il signe un contrat au SCO Angers qui précise qu’il doit continuer à suivre une scolarité normale pour que le deal soit valable. Mais arrivé deux mois après la rentrée, il ne trouve tout simplement pas d’établissement pour l’accueillir. Et décide, dégoûté… d’arrêter le foot.

Je me suis retrouvé à monter de nuit des Renault Zoé ou des Clio 4. C’était vraiment très dur. Je n’étais pas habitué à ça

Une erreur qui ne l’empêche pas de reprendre avec les U19 du TFC et de se faire vite rattraper par la poisse. Brest, club de Ligue 2, lui propose quelque chose de pas suffisamment attractif financièrement parlant, il se retrouve à Colomiers, en National, et alors que cela repart bien doit se résoudre à s’installer à Paris pour des raisons familiales. Bref, pour faire court, un jeune homme contrarié.

Et qui doit gagner sa vie. La porte de sortie finit par arriver avec un emploi totalement incompatible avec la poursuite d’une carrière de footballeur : il entre dans l’équipe de nuit d’une usine Renault. «Je me suis retrouvé à monter de nuit des Renault Zoé ou des Clio 4. C’était vraiment très dur. Je n’étais pas habitué à ça. C’est le genre de choses qui vous ramènent à la réalité quand vous avez grandi en centre de formation. Il y a une réalité en dehors du football et la vie peut se montrer très dure. Désormais, ça fait partie de moi et je l’emmène partout. Cela m’a appris l’abnégation et sur un terrain, désormais, je ne lâche jamais.»

J’ai remarqué qu’on ne voit pas beaucoup de Renault ici

Le souci, à l’époque, est évident : aucun club ne peut le prendre puisque les entraînements commencent en général quand lui pointe à l’usine. La solution qu’il trouve alors est tout bonnement miraculeuse de drôlerie : grâce à son oncle, un ancien professionnel, il est recruté par la section football entreprises de… la Banque de France. Un petit ouvrier de Renault dans ce vestiaire-là ? «Eh mais c’était le plus haut niveau possible en France en foot entreprises. Il y avait là plein de gars de niveau National qui y évoluaient quand ils n’étaient pas repris avec les clubs « normaux ».»

Bref, Michaël patiente, soigne sa condition. L’AC Boulogne-Billancourt le sort finalement de ce curieux grand écart. Puis Cherbourg et Noël Tosi l’attirent sous le crachin normand à l’été dernier. «Je me suis posé des questions quand le coach a dit qu’il partait, vu qu’on avait beaucoup travaillé ensemble. Il savait que Cherbourg aurait du mal à me garder sans lui. J’avais des offres. Il m’a demandé « pourquoi ne pas continuer ensemble? ». Après tout, il m’a redonné la confiance, m’a remis dans la lumière…» Et l’a amené au Luxembourg dans le club qui revendique le plus son passé ouvrier, où l’on n’en voit justement plus beaucoup passer. «J’ai remarqué qu’on ne voit pas beaucoup de Renault ici, rigole Faty. Ou alors avec une plaque française sur le pare-choc.» Pas besoin de Zoé ou de Clio 4, de toute façon, pour se rappeler d’où il vient. Et ce n’est pas le centre de formation du TFC qui semble l’avoir le plus marqué…

Julien Mollereau