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[Cyclisme] World Tour : six Luxembourgeois pour faire parler du pays


C'est sur les routes australiennes que la saison 2020 du World Tour s'est élancée dans la nuit de lundi, avec la participation de Ben Gastauer et Michel Ries (photo : AFP).

Pour la première fois depuis le début de la création du World Tour, le Luxembourg aura six représentants. La saison qui a débuté la nuit dernière en Australie s’annonce passionnante. C’est surtout sur les courses d’un jour que les coureurs du pays sont attendus. Par ailleurs, le haut niveau est en perpétuel mouvement.

Pas question d’échapper à la règle. Alors que la saison 2020 du World Tour est déjà partie, la nuit dernière dans une Australie meurtrie et ravagée par les gigantesques incendies (première étape entre Tanunda et Tanunda, 150 km), le peloton du Tour Down Under accueille deux coureurs luxembourgeois.

Ben Gastauer 32 ans, onze saisons au compteur, toujours fidèle à son équipe d’AG2R La Mondiale. Un solide coéquipier qui se placera naturellement au service de son leader, Romain Bardet. Le Schifflangeois en est à sa troisième participation et connaît déjà tout de ce qui l’attend. «C’est une belle course pour une reprise. On commence par des arrivées au sprint puis ça se corse», résume-t-il.

Et Michel Ries, 21 ans. Il commence sa carrière chez Trek-Segafredo. Ce grimpeur prometteur sait par avance à quelle sauce il va être mangé : «Le but est de supporter à 100 % notre leader Richie Porte qui est très en forme et veut s’imposer ici comme en 2017.» De l’expérience, donc. Et de la jeunesse.

Une subtile combinaison qui nous a émerveillés l’an passé avec le sacre de Philippe Gilbert (37 ans) à Roubaix et l’avènement de Remco Evenepoel (19 ans), sur la Clasica San Sebastian. Histoire de rester dans la même équipe…

Il n’y a aucune raison objective d’imaginer que le phénomène, pardon, la déferlante Evenepoel puisse s’estomper en 2020. Une tendance de fond est lancée depuis la saison dernière.
Qu’ils s’appellent Tadej Pogacar, Pavel Sivakov ou encore dans un tout autre registre, Marc Hirschi, tous ces coureurs, pour ne citer qu’eux, ont crevé l’écran. Ils ne vont pas s’arrêter en si bon chemin. D’autres très jeunes espoirs sont attendus. Impossible par ailleurs de ne pas rappeler qu’Egan Bernal, 23 ans depuis le 13 janvier dernier, est le dernier vainqueur du Tour…

1. Les classiques 

Jusqu’à Liège-Bastogne-Liège, les classiques constituent le gros de la première partie de saison. D’abord les classiques de pavés, puis les Ardennaises selon une chronologie historique. L’arrivée des cyclo-crossmen comme Mathieu Van der Poel et Wout Van Aert ont donné du peps à un secteur qui n’était pas en crise, on insiste, mais un peu ronronnant quand même. En 2020, on va enfin voir Van der Poel sur Paris-Roubaix… 2020, où une redistribution des cartes est inévitable.

Le retour de Philippe Gilbert chez Lotto-Soudal, où Tiesj Benoot est parti pour Sunweb, ne passera pas inaperçu. Le Liégeois caresse toujours l’espoir de remporter Milan-San Remo, ce qui bouclerait la boucle d’un cinquième monument. Inouï! À lui seul, et puisqu’il se propose d’enchaîner Flandriennes et Ardennaises, il va alimenter le feuilleton du printemps où comme toujours l’équipe Deceuninck-Quick Step de Bob Jungels sera l’équipe à battre. On attend par avance sa cohabitation avec Julian Alaphilippe sur le Tour des Flandres et bien sûr son retour sur les pavés de Roubaix. Comme on attend le duo Evenepoel-Alaphilippe sur la Doyenne. L’arrivée de Matteo Trentin aux côtés de Greg Van Avermaet chez CCC, sera-t-elle de nature à rééquilibre les débats?

Et Peter Sagan, va-t-on le retrouver à son plus haut niveau, comme on peut légitimement le penser, Jempy Drucker l’espérer? Comme toujours, des blocs vont se constituer et le mouvement perpétuel va consacrer de nouveaux venus. À cet égard, le groupe de Trek-Segafredo où Alex Kirsch aura toute sa place sur les pavés, aura de l’allure avec au centre de la photo, Mads Pedersen, le nouveau champion du monde qu’on espère transfiguré. Avec Theuns et Stuyven, ça peut le faire… Ah, le charme des grandes courses d’un jour…

2. Les grands tours 

Les années passent, comme les réformes visant à dynamiser l’activité du cyclisme dans sa généralité. Mais pour le commun de mortels, non spécialiste, le cyclisme, c’est avant tout le Tour de France. Quoi qu’on y fasse et qu’on le veuille ou non, ça ne date pas d’hier. Il faut sans doute s’y résoudre. La qualité des épreuves n’est pas en cause.

Tant mieux pour Egan Bernal, on y revient, dernier vainqueur du Tour. Ses succès au printemps dans Paris-Nice puis en juin dans le Tour de Suisse avaient annoncé la couleur, mais le grand public ne le connaissait guère. Ce n’est évidemment plus le cas aujourd’hui, tant mieux pour le grimpeur colombien. Il sera forcément le principal candidat à sa propre succession en juillet.

À ce moment-là, on saura qui aura succédé à l’Équatorien Richard Carapaz sur le Giro. Peut-être bien lui-même, car, passé cet hiver de Movistar à Ineos, l’intéressé va trouver chez les Anglais une structure encore plus forte que l’an passé. Le Tour d’Italie n’a pas son pareil pour permettre des confrontations directes et lourdes de conséquences.

L’an passé, Vincenzo Nibali (aujourd’hui passé chez Trek-Segafredo) voulait la peau de Primoz Roglic et c’est le troisième larron qui a raflé la mise. Cette année, Romain Bardet s’y risque et on applaudit des deux mains la démarche. D’autant plus qu’un certain Ben Gastauer l’accompagnera sur des routes qu’il commence par très bien maîtriser (6e participation!) On y regardera aussi et surtout un certain Remco Evenepoel, encore lui…

À l’heure qu’il est, trop d’inconnues entourent le Tour d’Espagne. Mais le Tour de France, pardon, tout le monde en parle déjà. Il a suffi qu’une information fuite concernant la dure remise sur pied de Chris Froome pour que la planète vélo s’emballe. Le quadruple vainqueur du Tour sera-t-il au départ de la prochaine édition à Nice? Aujourd’hui, impossible de l’affirmer. On ne le jurerait pas.
Par contre, Ineos n’a cette fois pas attendu pour refaire d’Egan Bernal son premier choix aux côtés de Geraint Thomas, vainqueur 2018, cela va sans dire.

On voit venir leurs rivaux présupposés, le trio de Jumbo-Visma composé de Primoz Roglic, Steven Kruijswijk et de leur recrue Tom Dumoulin. C’est du lourd. Trop lourd? Dans le domaine, les rebondissements participent à la légende. L’épopée de Julian Alaphilippe et la cruelle désillusion de Thibaut Pinot ont pimenté l’édition 2019.

3. Les sprinteurs

Ils visent quelques classiques (Milan-San Remo, Gand-Wevelgem, voire Paris-Roubaix), mais surtout, ils meublent les temps morts dans les courses par étapes et les grands tours. Les mouvement opérés ont été nombreux, les plus retentissants étant le chassé-croisé entre Sam Bennett et Elia Viviani. L’Irlandais arrive chez Deceuninck, d’où part Viviani.

L’un et l’autre étaient en Australie, mais dimanche sur le critérium d’ouverture, c’est Caleb Ewan qui s’est imposé. Dans ce domaine, on le sait, la vérité d’un jour n’est pas toujours celle du lendemain. On peut attendre l’avènement de Jasper Philipsen, le réveil de Nacer Bouhanni, etc.

4. Les Luxembourgeois

On y revient avec d’autant plus d’entrain que chacun des six coureurs aura, au cours de la saison, une actualité dense.

Jempy Drucker (Bora-Hansgrohe) entend être opérationnel aux côtés de Peter Sagan sur les classiques de pavés. Il entend surtout retrouver tous ses moyens après une saison 2019 pourrie par les chutes et blessures (fracture d’une vertèbre cervicale en avril). «J’ai trop envie de faire encore ce métier», nous disait en automne dernier le coureur de 33 ans qui se trouvera fin 2020 en fin de contrat.

Si les cas de Ben Gastauer (également en fin de contrat) et Michel Ries ont été déjà évoqués, celui d’Alex Kirsch (27 ans) ne manque pas d’intérêt non plus. «J’ai pris de l’expérience et j’aspire à devenir une sorte de capitaine de route», avait averti le solide coureur de classiques de Trek-Segafredo qui n’a fait effectivement que progresser ces dernières années.

La progression de Kevin Geniets, qu’on retrouvera sur les mêmes routes, a pour sa part, été fulgurante depuis son arrivée en World Tour en début de saison dernière. À 23 ans, le coureur de Groupama-FDJ ne cesse de s’émanciper. «Je serai là pour épauler Stefan Küng sur les course de pavés et j’ai hâte…», salive l’intéressé.

On va finir en beauté. Avec un Bob Jungels qui a fait pour 2020 du Tour des Flandres son principal objectif. Le vainqueur de Liège-Bastogne-Liège 2018 a remis en place ses idées après une saison 2019 perturbée par un enchaînement classiques flandriennes – Giro rendu étouffant par un stage en altitude éreintant.

Bob Jungels.

Bob Jungels.

Le champion national qui s’alignera en juillet sur le Tour, uniquement pour viser des étapes, a retenu beaucoup d’enseignements. Comment douter que cet ancien vainqueur de Paris-Roubaix espoirs, lauréat l’an passé de Kuurne-Bruxelles-Kuurne, ne puisse pas jouer les premiers rôles? Que ce soit sur les Het Nieuwsblad, les Strade Bianche, le Grand Prix E3, le Tour des Flandres et bien sûr l’Enfer du Nord, on devrait se régaler.

Il se trouve en fin de contrat lui aussi. Ce coureur tout-terrain sera un homme attendu, mais ce n’est pas pour lui déplaire. Lors de la présentation de son équipe, le 10 janvier dernier du côté de Calpe, il disait ceci : «L’an passé, je ne savais pas que je serais un des plus forts lors des classiques flandriennes. Cette année, si j’ai la même forme, je vais y aller pour la victoire, pas uniquement pour me montrer.» On connaît le talent et la volonté du garçon…

En attendant que Michel Ries prenne ses marques, on peut remarquer pour conclure que c’est aujourd’hui le seul vrai grimpeur luxembourgeois évoluant en World Tour. Ça rappelle quelques savoureux souvenirs. Les générations passent et succèdent…

Mais aujourd’hui, c’est surtout sur les courses d’un jour que la plupart des coureurs du pays vont fourbir leurs armes. Le Luxembourg a bien six coureurs pour faire parler du pays…
MAIS AUSSI Les frères Tom et Luc Wirtgen (Bingoal-Wallonie- Bruxelles) vont participer à plusieurs épreuves du World Tour (Het Nieuwsbald, Gand-Wevelgem, Tour des Flandres pour Tom, la Flèche Wallonne, Eschborn-Francfort pour Luc). De même, Vini Zabu, l’équipe de Jan Petelin, est invitée sur plusieurs épreuves du World Tour disputées en Italie…

Denis Bastien