Le média universitaire The Conversation, qui a son siège en Australie, se penche sur la gratuité des transports publics au Grand-Duché, qui seront effectifs à partir de mars. Le décryptage est cinglant : les transports publics sont déjà largement subventionnés au Luxembourg, on ne peut donc pas parler de mesure de redistribution sociale, ni d’une mesure particulièrement incitative pour la mobilité alternative… mais plutôt d’un coup de com’, lié à la volonté de renforcer l’image de marque du pays.
«Le Luxembourg, premier pays au monde à rendre les transports gratuits». Tout le monde se souvient des gros titres de la presse internationale (faisant fi du cas de l’Estonie) et des salutations politiques, y compris d’une large partie de la gauche écolo. On ne peut que se féliciter qu’un petit pays arrive à toucher le monde entier.
Mais une fois l’effet «Wahou» passé, que retenir de cette mesure quand on se penche vraiment dessus ? Là, peu d’observateurs se sont attardés.
Deux chercheurs de l’université de Luxembourg, Constance Carr et Markus Hesse, ont pris la plume pour The Conversation, le média de la «rigueur académique, au sens journalistique».
La publication, mise en ligne jeudi, démystifie largement la mesure. «Cette décision a été excellente pour l’image du Luxembourg, mais les usagers des transports publics ont reçu l’annonce avec perplexité, voir confusion», débutent les auteurs. «Pour comprendre pourquoi cette politique si fêtée risque de se retourner contre le Luxembourg, il est nécessaire de comprendre les défis de la croissance du pays.»
Les chercheurs démontrent alors en quoi la difficulté d’amener les travailleurs (frontaliers et résidents) sur leurs lieux de travail va aller grandissante ces prochaines années, du fait d’une croissance exponentielle et des retards d’infrastructures. Et en quoi la mesure de la gratuité des transports est simplissime, en l’absence de réflexions parallèles, comme par exemple, sur la place de la voiture dans le pays.
L’article, pertinent, est à lire ici.
Des annonces internes plus nuancées
Notons toutefois, en termes de communication politique intérieure (et non plus de promotion internationale bien lustrée), que le ministre en charge des Transports François Bausch n’a jamais affirmé que la gratuité des transports publics serait une solution miracle, mais «qu’il s’agit plutôt de la cerise sociale sur le gâteau d’une stratégie globale en matière de transports». Le ministre a par ailleurs toujours tenu un discours lucide sur le retard du pays en termes d’anticipation de la mobilité, et les difficultés pour le rattraper.
Notons aussi que plusieurs voix se sont élevées pour s’interroger sur la pertinence de la mesure, notamment le chercheur Martin Dijst, directeur du département Développement urbain au Liser. Dans notre journal, il confiait ses doutes sur l’absence d’une mesure ciblée pour convertir précisément des autosolistes vers les transports publics. Pour lui, la mise en place d’une gratuité générale peut être comparée avec les subventions des transports publics dont ont pu bénéficier des étudiants en Hollande : «Les étudiants avaient droit à des tarifs très préférentiels dans l’autobus. Conséquence : beaucoup ont abandonné leur vélo», expliquait-il. Précisément l’effet inverse à celui recherché !
Hubert Gamelon
There is no such thing as a free lunch! Tout se qui affiché « gratuit » est payé par l’argent des auytres, en général les contribuables.